Je souhaitais vous interroger sur deux volets à titre principal : l'eau et la maîtrise de l'empreinte carbone de notre alimentation.
L'article 19 porte sur la préservation et la restauration des fonctionnalités naturelles des écosystèmes aquatiques et marins et affirme que ces écosystèmes « constituent des éléments essentiels du patrimoine naturel de la Nation ». Quels sont les effets juridiques attendus d'une telle disposition ? Le Conseil d'État en a relevé la faible normativité, mais les fédérations agricoles s'inquiètent d'une possible augmentation des contentieux sur le fondement de cet article. Selon elles, il remettrait en cause la gestion équilibrée et durable de la ressource qui repose sur la conciliation entre les usages. Quelle est votre analyse ?
Je m'interroge sur l'opportunité du maintien de l'article 19 bis B, introduit à l'Assemblée nationale, qui impose la restauration des milieux aquatiques et notamment des zones humides. Cette disposition est susceptible de faire peser une charge lourde sur les finances publiques - nationales comme locales -, le débiteur de cette obligation de restauration n'étant pas identifié... Or le code de l'environnement dispose déjà depuis 2005 « que la préservation et la gestion durable des zones humides sont d'intérêt général ». Le Conseil d'État considère qu'inscrire des listes énumératives non exhaustives dans la loi n'est pas satisfaisant. Faut-il imposer une obligation de restauration spécifique à ces zones humides ? Ne peut-on pas considérer que celle-ci est induite par l'article 19, qui prévoit de manière plus pragmatique « la préservation et, le cas échéant, la restauration » des écosystèmes aquatiques et marins ?
L'article 19 bis est issu des travaux du député Martial Saddier, président du comité de bassin Rhône-Méditerranée : les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) devront identifier les masses d'eau souterraine stratégiques pour l'alimentation en eau potable et définir les mesures de protection nécessaires pour assurer leur préservation. Des craintes s'expriment au sujet d'une difficulté croissante à pouvoir prélever dans les nappes aux fins d'irrigation à certaines périodes de l'année : quels éléments pouvez-vous apporter en réponse à ces préoccupations ? Par qui et comment les restrictions d'usage pour assurer l'équilibre quantitatif entre les prélèvements et leur capacité à se reconstituer naturellement seront-elles arbitrées ?
Vous avez également annoncé le lancement d'un « Varenne de l'eau » et de l'adaptation au changement climatique pour l'été prochain : pouvez-vous nous en dire plus ?
Enfin, sur le volet agricole, plusieurs questions. L'article 61 bis prévoit la possibilité pour le porteur d'un projet alimentaire territorial (PAT) d'engager une démarche collective de certification environnementale pour l'ensemble des exploitations contractantes. Concrètement, quel en sera le coût pour le porteur ? Quelle est la valeur ajoutée de cet article ? L'engagement d'une démarche collective de certification par un porteur de PAT n'est-il pas déjà possible actuellement dans le silence de la loi ? Si tel n'était pas le cas, la rédaction de cet article mériterait a minima d'être clarifiée.
L'article 66 ter prévoit une information obligatoire sur la saisonnalité des fruits et légumes frais dans les magasins de plus de 400 mètres carrés. Ne pourrait-on pas abaisser ce seuil pour augmenter le champ d'application de la mesure à d'autres lieux de vente ? Comment seront pris en compte les produits cultivés sous serre en France ?
Je laisserai ma collègue Anne-Catherine Loisier vous interroger sur le sujet de la déforestation importée, qui fera l'objet, demain, de propositions concrètes lors la présentation du rapport du groupe de travail « Alimentation durable et locale », commun à notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et à la commission des affaires économiques. Ces propositions feront ensuite l'objet d'amendements au projet de loi « Climat et résilience ».
Sur la maîtrise de l'empreinte carbone du secteur agricole, la rédaction des articles 62 et 63 relatifs aux engrais azotés me semble largement perfectible d'un point de vue juridique et peu concrète pour nos agriculteurs. Si vous me permettez l'expression, ces dispositions sont cosmétiques : il s'agit d'un objectif politique et symbolique, qui s'inscrit dans une démarche de communication. Pourriez-vous nous rappeler les engagements européens de la France en matière de réduction des émissions de protoxyde d'azote et d'ammoniac, la trajectoire en cours pour ces émissions et les principaux contributeurs par activité économique ? Quel est l'état de la consommation d'engrais en France à l'hectare par rapport aux autres pays européens et mondiaux ? Pourquoi avez-vous choisi de retarder l'application d'une redevance et de ne prévoir que la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement dans cette rédaction que j'évoquais plus tôt ?
Plusieurs pays européens ont mis en place une taxe de ce type avant de se raviser et de la supprimer : sans harmonisation européenne, une telle mesure ne serait-elle pas tout simplement contre-productive à la fois pour la survie de nos agriculteurs et pour la transition agroenvironnementale ? En outre, il me semble que cette mesure oublie l'élasticité prix des usages des engrais : à défaut d'alternative, la grande majorité des agriculteurs continueront à utiliser ces produits... Comment le Gouvernement compte-t-il inciter les agriculteurs à réduire ces pollutions diffuses ? Pourquoi ne pas envisager un crédit d'impôt en faveur des engrais organiques ?