Intervention de Julien Denormandie

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 18 mai 2021 à 15h00
Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets — Audition de M. Julien deNormandie ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Julien Denormandie, ministre :

Monsieur Martin, l'article 19 présente en effet un impact juridique très limité ; il a essentiellement une valeur symbolique. Par ailleurs, je partage votre avis sur l'article 19 bis B. S'agissant de l'article 19 bis, il devra être retravaillé afin de calmer les craintes que vous avez évoquées.

Le « Varenne de l'eau », avec la question de l'adaptation au changement climatique est un projet essentiel : il nous permettra de revenir aux fondamentaux sur un sujet aussi important que celui de l'eau, qui n'a pas toujours eu la place qu'il méritait au sein de mon ministère. Il faut « remettre de la pensée ». Les conflits sur l'usage de l'eau sont vieux comme le monde et se rencontrent à toutes les échelles, du bassin versant et à l'échelle d'un continent. Sur un sujet aussi compliqué, il faut des idées simples si vous me permettez de citer le général de Gaulle, de la méthode, de la concertation et de la raison. Prélever un mètre cube d'eau, ce n'est pas pareil si les nappes phréatiques sont pleines et le sol gorgé d'eau ou pas... Il faut pouvoir poser le débat en ces termes.

Nous allons connaître de plus en plus de sécheresses estivales et de pluies diluviennes hivernales : comment fera-t-on ? Le plan de relance prévoit 200 millions d'euros pour adapter nos cultures au changement climatique. Je pense au gel, avec le récent épisode que nous avons connu, historique par son ampleur, à la sécheresse, à la grêle...

Enfin, nous constatons que l'assurance récolte et le régime des calamités agricoles ne fonctionnent pas. Il faut avancer aussi sur ce sujet.

Ces trois sujets seront au centre du « Varenne », qui devra privilégier la pensée à la posture. Je suis très attaché à la raison et à la science...

Dans le prolongement de la loi Egalim qui avait fixé un objectif de 50 % de produits de qualité dans nos cantines, l'article 61 bis enclenche un cercle vertueux qui permettra de privilégier les produits de nos territoires au travers des PAT qui développeront des certifications.

Je ne me prononcerai pas sur votre proposition d'abaisser le seuil des commerces concernés par la disposition sur la saisonnalité de 400 à 200 mètres carrés, car elle nécessiterait une étude d'impact. Idem sur la question des productions sous serre, parfois réalisées à partir d'énergies renouvelables...

Je vous transmettrai les données chiffrées demandées sur l'usage des engrais azotés. Je fais confiance au monde agricole pour tenir les engagements pris au niveau européen. Je crois plus à la confiance et à la responsabilisation qu'à la pénalisation. Le texte rappelle notre obligation d'honorer nos engagements. Il y a certes un travers français à faire des surtranspositions, mais permettez-moi de vous rappeler qu'elles sont bien souvent le fait du pouvoir législatif...

L'engrais, c'est la nourriture de la plante, ce n'est pas de l'hormone de croissance ! On ne se passera donc jamais d'engrais. Pour pousser, les plantes ont besoin d'engrais organiques ou chimiques, mais ceux-ci ne présentent pas les mêmes potentiels d'émission, ni d'assimilation par la plante.

Madame de Cidrac, le carbono-score prévu à l'article 1er fournira une information utile au consommateur, en lui permettant de privilégier les circuits de distribution les plus vertueux. Mais cette méthodologie, pilotée par l'Ademe, présente encore des travers et fait apparaître des absurdités : c'est ainsi qu'un élevage extensif de 60 charolaises en France présentera un carbono-score moins bon qu'un élevage intensif de 10 000 bêtes en Argentine, voyage compris... Des travaux sont en cours afin de sortir de ce paradoxe.

Monsieur Tabarot, de mémoire, la Convention citoyenne pour le climat (CCC) n'avait pas formulé de recommandation sur les biocarburants : cela explique que ce sujet soit absent du projet de loi, qui a été construit sur la base des propositions de la CCC.

J'en profite pour saluer les travaux en cours de la mission d'information du Sénat sur la méthanisation. Il est important que le monde agricole participe au développement des énergies renouvelables, sans remettre pour autant en cause la souveraineté alimentaire : si nous devions importer massivement faute de capacités de production, il n'y aura pas de cercle vertueux.

À titre personnel, je crois beaucoup aux biocarburants et au biogaz, mais leur développement doit s'intégrer dans des politiques publiques très clairement établies.

Madame Loisier, nous accompagnons les agriculteurs sur la question des nitrates au travers du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (Casdar) pour ce qui concerne le financement de la recherche, mais surtout grâce au plan de relance qui finance les agroéquipements à hauteur de 100 millions d'euros et le plan Protéines à hauteur de 120 millions d'euros qui permettra l'apport d'azote dans le sol par la rotation des cultures. Il faut considérer les émissions dans leur globalité et travailler aussi sur la directive « Nitrates ».

Le Président de la République s'est engagé sur le sujet des chèques alimentaires. Il s'agit d'une aide non pas sociale, mais nutritionnelle. Aujourd'hui, environ 8 millions de Français n'ont pas suffisamment accès à des aliments satisfaisants au plan nutritionnel. La mise en oeuvre de ce dispositif très ambitieux sera sans doute complexe. En effet, comment distinguer les aliments de qualité nutritionnelle satisfaisante dans un supermarché, ou même sur un marché ? Une première étape pourrait consister à proposer aux jeunes de 18 à 25 ans des paniers de fruits, de légumes et de viande de qualité via des plateformes numériques.

S'agissant des repas végétariens, notre capacité à produire suffisamment de légumineuses et de protéines végétales est effectivement un sujet d'inquiétude. C'est pourquoi le plan Protéines végétales prévoit une augmentation de 50 % de la surface agricole associée.

Je transmettrai vos questions relatives aux produits de la pêche à Annick Girardin.

Nous observons aujourd'hui que la forêt avance et que le bois recule. Autrement dit, nous importons du bois. C'est pourquoi je me suis tant battu, lorsque j'étais ministre du logement, pour que la captation de carbone par ce matériau soit prise en compte dans l'analyse du cycle de vie d'une construction en bois.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion