Le travail que nous avons mené avec les associations d'élus rassemblées au sein de Territoires unis a abouti aux fameuses cinquante propositions du Sénat pour le plein exercice des libertés locales, remises au Président de la République au mois de juillet dernier.
Certes, le projet de loi s'intitule « 4D ». Mais le Conseil d'État a considéré que le « D » de décomplexification était assez léger et qu'il s'agissait plutôt de dispositions disparates... La différenciation, la décentralisation et la déconcentration sont des outils très utiles. Mais ce qui nous intéresse le plus au Sénat, c'est une autre lettre de l'alphabet : le E, pour « efficacité de l'action publique ». Or celle-ci passe - vous y avez fait référence - par la subsidiarité : quel est l'échelon le plus pertinent pour traiter d'un sujet ? La crise sanitaire a révélé à ceux qui en doutaient ou qui l'ignoraient combien les collectivités pouvaient inventer les réponses les plus efficaces.
Ce texte nous inspire un certain nombre d'interrogations. Il nous paraît insuffisant. Le Sénat, dont l'état d'esprit est constructif, mais très exigeant, aura à coeur de l'enrichir avec de nombreuses propositions. Nous voulons encourager la ministre à faire preuve de plus l'audace pour plus de pertinence.
L'article 1er inscrit dans la loi le principe de différenciation territoriale. Le Sénat, qui n'avait pas été entendu lors de l'examen du projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, plaide pour la différenciation. Mais cet article semble largement dépourvu de portée normative. Comment interprétez-vous cette disposition ? Est-ce un simple vernis ou une possibilité offerte pour aller plus loin ? Les nombreux élus que nous avons consultés ont manifesté une forte adhésion envers nos cinquante propositions. La différenciation n'est pas la rupture avec le principe d'égalité, qui suppose au contraire de pouvoir différencier les moyens mobilisés.
Le projet de loi prévoit le renforcement des conférences territoriales de l'action publique (CTAP), en les positionnant comme un lieu de décision des délégations de compétences entre collectivités, autour de projets structurants. Le Sénat a souvent critiqué l'inefficacité des CTAP, instances pléthoriques qui ne permettent pas un dialogue concret entre collectivités sur l'exercice des compétences qui leur sont dévolues. Estimez-vous que les CTAP constituent l'échelon pertinent pour favoriser les délégations de compétences entre collectivités ?
Le texte évoque peu les intercommunalités. Nous n'avons pas été entendus, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, sur la territorialisation de compétences, les transferts « à la carte » ou le rétablissement de l'intérêt communautaire. La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRE), qui visait à rationaliser les intercommunalités, prévoyait de supprimer des syndicats. Or, faute de territorialisation de certaines compétences, un certain nombre ont été maintenus. Êtes-vous favorable à ce que nous réintroduisions des dispositions relatives à l'intérêt communautaire et aux transferts de compétences dans le projet de loi ?
Enfin, que pensez-vous de la position du Conseil d'État qui, dans son avis très critique sur le projet de loi, a justement fait remarquer que les dispositions visant à renforcer le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales étaient particulièrement peu nombreuses, reprochant ainsi au Gouvernement de n'être pas allé assez loin ?