Madame la présidente, mes chers collègues, la discussion qui s’ouvre cet après-midi a été préparée en concertation avec les représentants des groupes, laquelle s’est déroulée dans un climat globalement ouvert et constructif, malgré l’apparition de certains désaccords. Le travail s’est appuyé sur les contributions, soit orales, soit écrites, de tous les groupes, et, à mon tour, je veux saluer le très bon travail de synthèse et de mise en ordre de Mme Gruny, rapporteur du groupe de travail, ainsi que le travail accompli ensuite par le président Buffet pour perfectionner l’ouvrage.
Je ne souhaite mentionner que trois des sujets abordés par cette modification du règlement, qui, d’ailleurs, n’est pas de grande ampleur. Au reste, personne ne m’a semblé réclamer une transformation profonde du règlement du Sénat, qui – c’est normal – doit évoluer, modérément, avec le temps.
Le premier sujet que je souhaite évoquer est l’utilisation des pétitions.
Il est heureux que cette assemblée soit ouverte aux initiatives des citoyens, mais la variété même des thèmes abordés dans ces pétitions et la façon dont elles auront été sécrétées au sein de la société par tel mouvement ou tel phénomène de communication rendent particulièrement difficile l’adoption d’une règle de fond permanente et s’appliquant à tous les cas. C’est la raison pour laquelle les auteurs de la proposition de résolution – je rejoins leur position – préfèrent laisser un pouvoir d’appréciation à la conférence des présidents du Sénat, voire au bureau lorsqu’il y aura énonciation d’un critère numérique de nombre de signataires.
Je crois qu’il est sage de considérer qu’on ne peut pas affirmer d’avance que, dans telle catégorie, les pétitions justifieraient forcément une arrivée jusqu’à la séance publique. Il me semble donc préférable de respecter ce pouvoir d’appréciation.
Permettez-moi de rappeler un souvenir qui se perd dans le temps, mais qui a gardé son importance dans les débuts de l’application de la Constitution : c’est le refus, par le général de Gaulle, au titre de l’article 27 de la Constitution, de convoquer une session extraordinaire de l’Assemblée nationale, pourtant réclamée par une pétition des syndicats agricoles. Peu utilisé, cet article, qui dispose que « tout mandat impératif est nul », n’en est pas moins partie intégrante de la tradition républicaine.
Le deuxième sujet a trait à l’examen « en cours de vie » des ordonnances, qui me semble être une bonne création.
La modification du règlement du Sénat ne peut pas avoir pour effet de limiter le pouvoir du Gouvernement de demander – et d’obtenir, si le vote est positif – des habilitations à légiférer par ordonnance. Elle clarifie donc le processus. Elle permettra ainsi au Sénat de bien connaître la sortie des différentes ordonnances et à ses commissions d’en analyser le contenu. Par conséquent, les commissions pourront suggérer des initiatives.
Si une ordonnance ne représente pas un bouleversement et respecte loyalement l’objet de l’habilitation consentie par le Parlement, il n’y a pas sujet à querelles. En revanche, s’il y a un débordement ou une mauvaise interprétation par l’exécutif de l’habilitation, il est important que le Parlement soit informé suffisamment tôt pour pouvoir prendre une initiative législative propre à corriger ce dérapage. Cette nouvelle procédure de vigilance sur les ordonnances me paraît donc de nature à assurer la bonne concertation entre l’exécutif et nos assemblées.
Le troisième sujet concerne la réduction à deux minutes de nos créneaux d’expression.
Je souhaite souligner que cette mesure s’appliquera en séance publique, laquelle succède donc au travail en commission. Nous savons tous que, dans le processus de fabrication de la loi, le pluralisme et le temps de réflexion s’appliquent d’abord au travail en commission, qui comporte des délais, certes souvent quelque peu contraints, mais qui permettent de bien préparer le travail, de s’informer et de dialoguer parmi les groupes. Par conséquent, la limitation du temps de parole ne pèse que sur l’examen final, en séance publique, d’un travail déjà concerté et approfondi.
Dans tous les parlements, des dispositifs aboutissent à faire tenir dans le temps disponible les travaux parlementaires, notamment législatifs. Bien souvent, ces mécanismes de contrainte portent sur le droit d’amendement lui-même. Dans de nombreux parlements, le nombre d’amendements soutenables n’est pas aussi largement calculé que dans notre Constitution.
Au fond, la limitation du temps de parole individuel en séance publique est la contrepartie d’un pluralisme qui veut que nous soyons nombreux à souhaiter intervenir sur tel ou tel article. Si chacun prend un temps un peu plus long, l’effet est évidemment, soit de prolonger abusivement les séances avec le risque de perdre une partie de l’attention des membres de cette assemblée, soit de priver des collègues de leur propre temps de parole.
Il me semble donc que ce n’est pas un mauvais compromis, d’autant plus qu’est précisé dans le règlement que cela se fait toujours sous l’appréciation du président de séance. Or nous savons bien que nos présidents de séance font preuve de discernement et ne coupent pas la parole à l’orateur qui dépasse d’une seconde. Il me semble donc que cette modeste réforme contribuera plutôt au dynamisme de nos débats.
Telles sont les raisons pour lesquelles notre groupe apportera son soutien à ces mesures de modification de notre règlement.