Intervention de Amélie de Montchalin

Réunion du 3 juin 2021 à 14h30
Abrogation de lois obsolètes pour une meilleure lisibilité du droit — Vote sur l'ensemble

Amélie de Montchalin :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’emblée de saluer l’ampleur du travail réalisé par M. Vincent Delahaye, auteur de la proposition de loi tendant à abroger des lois obsolètes pour une meilleure lisibilité du droit, et par votre rapporteure, Mme Catherine Di Folco.

Le texte que nous examinons aujourd’hui dépasse les clivages. Simplifier notre action publique et ainsi simplifier notre droit : voilà un objectif que nous partageons tous et qui doit tous nous mobiliser.

Une première proposition de loi tendant à améliorer la lisibilité du droit par l’abrogation de lois obsolètes promulguées entre 1880 et 1940 a déjà été adoptée avec le soutien du Gouvernement. Ce nouveau texte permet de balayer la période allant de 1940 à 1980.

Le texte qui vous est ici présenté est le résultat d’une collaboration fructueuse entre le Sénat et le Gouvernement. M. Delahaye et Mme la rapporteure ont en effet étroitement associé le Gouvernement et le Conseil d’État à leurs travaux, qui ont conduit à proposer la suppression d’environ 110 lois obsolètes à l’issue de la procédure de législation en commission qui a été suivie la semaine dernière.

Alors que nous disons souvent dans notre pays que nul n’est censé ignorer la loi, le volume des normes en vigueur aujourd’hui est devenu illisible pour la plupart de nos concitoyens, qu’ils soient usagers du service public, entrepreneurs ou simples citoyens. Cette inflation législative résulte d’une tendance à vouloir toujours plus répondre aux enjeux de l’action publique et aux problèmes de société par la norme et par la loi.

Avec cette proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, vous contribuez indéniablement à la qualité et à l’applicabilité du droit. Je sais que le Sénat est particulièrement sensible à cette exigence fondamentale.

Vous connaissez l’attachement que je manifestais déjà en tant que députée à la qualité et à la simplicité du droit ; aujourd’hui, en tant que ministre, je continue à exprimer cette préoccupation. En effet, dans ce chantier de simplification normative, le Gouvernement prend lui aussi sa part.

Ainsi, depuis 2017, nous avons imposé que la création d’une norme réglementaire autonome s’accompagne toujours de l’abrogation de deux normes de même niveau. Nous avons en parallèle réduit drastiquement le nombre de circulaires publiées et nouvelles. Le résultat est là : le nombre de pages publiées sur Légifrance n’a jamais été aussi bas depuis 2004. Nous sommes revenus près de vingt ans en arrière !

Les projets de loi que nous présentons portent dans leurs contenus mêmes ce même objectif de simplification. C’est le cas du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit 4D, que vous examinerez dans les semaines à venir. C’était déjà le cas de la loi pour un État au service d’une société de confiance, dite Essoc, qui a instauré le droit à l’erreur, mais aussi de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite Pacte, et de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite ASAP, qui ont supprimé de nombreux comités Théodule, comme on les appelle parfois, et simplifié de nombreuses démarches pour nos concitoyens.

Je profite de cette intervention pour élargir mon propos.

Comme l’a souligné le Président de la République lors de son intervention à l’occasion de la Convention managériale de l’État, le 8 avril dernier, la complexité administrative est source d’injustice et d’inefficacité. C’est l’esprit qui préside à la réforme de la haute fonction publique que j’ai présentée hier en conseil des ministres : nous devons passer d’une culture de production de la norme à une culture du résultat sur le terrain, c’est-à-dire à une culture de l’impact concret de notre administration et de nos réformes, jusqu’au dernier kilomètre, pour chacun de nos concitoyens.

Cette efficacité implique et exige la proximité, l’accessibilité et la bienveillance des services publics, pour que chacun accède à ses droits et que les projets sortent de terre.

J’ai ainsi engagé des chantiers qui sont à mon sens plus porteurs de simplification qu’une loi ou qu’un plan. Nous avons établi un baromètre partagé, transparent et accessible à chacun sur le site du Gouvernement, de manière à connaître, département par département, les résultats de l’action publique. Ainsi, chaque élu, chaque citoyen, toute personne, peut avoir des outils d’évaluation de l’action publique.

Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous menons aussi un acte de déconcentration des moyens budgétaires, des moyens de ressources humaines et des pouvoirs de décision pour renforcer ceux qui sont sur le terrain, les préfets et les sous-préfets.

Nous cherchons à accroître encore les possibilités de différenciation du droit et d’expérimentation. Nous voulons renforcer notre culture du service et du guichet, avec un visage accessible aux usagers.

Enfin, nous sommes en train de relancer fortement le dispositif France Expérimentation, qui permet à tout projet économique ou social innovant de solliciter une dérogation à une règle de droit devenue inadaptée aux enjeux d’aujourd’hui. Le principe est simple : la loi d’hier ne doit pas empêcher le progrès d’aujourd’hui et de demain.

Je tiens enfin à saluer la méthode rigoureuse et l’esprit constructif qui ont guidé ces travaux, en bonne intelligence entre le Gouvernement et le Parlement.

Nous avons ainsi identifié, avec Mme la rapporteure, en commission des lois, dans le cadre de la procédure de législation en commission, plusieurs dispositions sur lesquelles un doute subsistait quant à la nécessité de leur abrogation.

Dans un souci de sécurité juridique, qui ne doit pas nuire à la démarche qui est la vôtre, vous avez donc supprimé plusieurs dispositions d’abrogation des lois, suppressions sur lesquelles j’ai émis un avis favorable.

Au total, vous l’aurez compris, parce que cette proposition de loi se fixe un objectif largement partagé par le Gouvernement, en particulier par mon ministère, je lui donnerai, comme je l’ai fait en commission des lois la semaine dernière, un avis favorable. Ce texte trouve pleinement sa place dans l’action que nous menons résolument pour une plus grande clarté et une plus grande efficacité de l’action publique au service de nos concitoyens.

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