Intervention de Dany Wattebled

Réunion du 3 juin 2021 à 14h30
Abrogation de lois obsolètes pour une meilleure lisibilité du droit — Vote sur l'ensemble

Photo de Dany WattebledDany Wattebled :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi s’inscrit dans la suite logique de la mission de simplification législative dite Balai, créée par le bureau du Sénat au mois de janvier 2018. Elle marque la deuxième étape d’une opération qui, au nom de la crédibilité du droit et de sa lisibilité, a pour ambition de supprimer des textes adoptés entre 1940 et 1980.

Dans sa version initiale, ce texte proposait l’abrogation de 163 lois. Cette initiative apporte une simplification utile : nous constatons tous une inflation législative et normative.

Évidemment, bien des lois sont rendues nécessaires par la multiplication des sources du droit, tant externes, notamment en raison de la transposition de directives européennes, qu’internes. Cette prolifération normative s’explique également par l’émergence de nouveaux domaines et l’apparition de contraintes nouvelles.

Ainsi, en matière économique, de nombreux aspects du droit font l’objet d’adaptations à un environnement mondialisé. La libéralisation du secteur des transports ou de l’énergie requiert l’instauration de règles spécifiques. Dans le domaine scientifique, le développement des biotechnologies rend nécessaire la révision régulière des lois sur la bioéthique. L’essor des technologies de l’information et de la communication a notamment suscité la mise en place d’un cadre juridique adapté au développement de l’économie numérique et une autre approche de la propriété intellectuelle. La nécessité de la sauvegarde de l’environnement et du développement durable entraîne également l’intervention fréquente du législateur.

Néanmoins, le nombre de lois semble connaître une croissance exponentielle dont les causes sont très souvent liées à notre pratique législative, dénoncée par d’éminents juristes.

N’aurions-nous pas tendance à légiférer pour un oui ou pour un non ? Le professeur de droit Jean Carbonnier disait à ce propos : « À peine apercevons-nous le mal que nous exigeons le remède ; et la loi est, en apparence, le remède instantané. Qu’un scandale éclate, qu’un accident survienne, qu’un inconvénient se découvre : la faute en est aux lacunes de la législation. Il n’y a qu’à faire une loi de plus. Et on la fait. Il faudrait beaucoup de courage à un gouvernement pour refuser cette satisfaction de papier à son opinion publique. »

Pour le constitutionnaliste Guy Carcassonne, « tout sujet d’un “vingt heures” est virtuellement une loi », ajoutant : « Il faut, mais il suffit, que [ce sujet] soit suffisamment excitant, qu’il s’agisse d’exciter la compassion, la passion, ou l’indignation, pour qu’instantanément se mette à l’œuvre un processus, tantôt dans les rangs gouvernementaux, tantôt dans les rangs parlementaires, qui va immanquablement aboutir au dépôt d’un projet ou d’une proposition [de loi]. »

Si l’inflation est législative, elle est également réglementaire. À cet égard, un important travail de toilettage pourrait être entrepris, d’autant plus qu’il existe davantage de textes réglementaires que de textes législatifs. Cela a été rappelé, au 25 janvier 2019, le volume du droit consolidé en vigueur était de près de 85 000 articles législatifs et de 233 000 articles réglementaires.

La multiplication des normes et l’allongement des textes constituent des facteurs d’obscurité, de confusion et de complexité qui nuisent gravement à l’efficacité des politiques publiques, à la sécurité juridique et à l’attractivité économique de notre pays.

Dans De l ’ Esprit des lois, Montesquieu écrivait déjà que « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ». Trois siècles plus tard, ce constat n’a rien perdu de sa pertinence. Si nous avons des difficultés à lutter contre l’inflation législative, nous pouvons, pour le moins, abroger ce qui n’a plus lieu d’être.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutient donc très fortement cette proposition de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion