Intervention de Guy Benarroche

Réunion du 3 juin 2021 à 14h30
Abrogation de lois obsolètes pour une meilleure lisibilité du droit — Vote sur l'ensemble

Photo de Guy BenarrocheGuy Benarroche :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il devient de plus en plus difficile de répéter que nul n’est censé ignorer la loi, quand la frénésie du législateur porte le nombre de normes à des niveaux qui ne permettent raisonnablement à personne de connaître l’ensemble des textes qui nous régissent : pas moins de soixante-quatorze codes et d’innombrables lois et ordonnances.

L’obsolescence programmée, contre laquelle nous avons voté une loi, ne concerne pas nos textes, malheureusement. Pourtant, comme certains produits naissent d’effets de mode exploités à but lucratif, certaines lois peuvent naître d’effets d’affichage exploités à des fins politiques.

Devant ce constat partagé et afin de permettre aux citoyens comme aux juges de mieux s’y retrouver, le bureau du Sénat a mis en place dès 2018 une mission Balai, dont le nom on ne peut plus explicite reflète l’ambition de se débarrasser des lois inutiles, que d’aucuns qualifient de « fossiles législatifs ».

De cette mission est née une première loi d’abrogation qui a porté sur une cinquantaine de textes adoptés entre 1800 et 1940. Le texte que nous nous apprêtons à voter porte sur plus du double de textes : plus d’une centaine de lois sur les 169 qui y étaient initialement inscrites.

Je salue le travail minutieux de notre rapporteure, de la commission et des administrateurs. Certaines lois, d’apparence obsolète, ont été conservées, à l’instar de la loi qui concerne les pensions de certains pompiers volontaires. Il faut saluer la prudence avec laquelle certaines lois ayant depuis été codifiées ont été conservées. En effet, la prudence est de mise lorsque les conséquences de la volonté de clarification du droit sont incertaines.

Cette retenue devrait aussi nous guider dans l’écriture du droit, l’inflation législative étant, hélas, un écueil que le Gouvernement, comme le Parlement, peine parfois à éviter pour des raisons bien trop politiciennes. « Un fait divers, une loi » : nous devons sortir de ce cycle infernal.

Certains ne verront dans ce nettoyage qu’une action cosmétique. Il n’en est rien. Il nous incite, voire nous oblige, à mieux appréhender note rôle de législateur et la retenue dont nous devons faire preuve dans la création normative qui reste notre rôle. Il invite aussi le Gouvernement à continuer, voire à amplifier le processus de codification permettant un accès facilité et lisible au droit applicable par l’ensemble des citoyens, notamment via le site legifrance.gouv.fr, récemment rénové.

Oserais-je dire qu’il oblige le Gouvernement à s’appliquer à lui-même le principe inscrit dans la circulaire du 26 juillet 2017 relative à la maîtrise du flux des textes réglementaires et de leur impact, selon lequel « toute nouvelle norme réglementaire doit être compensée par la suppression ou, en cas d’impossibilité avérée, la simplification d’au moins deux normes existantes » ?

Les attentes des citoyens et des collectivités locales sont réelles et les bafouillages des derniers mois, lors de la crise sanitaire, n’ont fait qu’empirer la perception d’un État kafkaïen qui norme à l’infini, sans cohérence. Nombre de citoyens, entrepreneurs et associations peinent à naviguer entre les injonctions juridiques et à percevoir de manière fiable le cadre juridique qui leur permet d’agir.

Pourtant, M. Dussopt, votre prédécesseur sur ce banc lors de la lecture de la première loi Balai, madame la ministre, a affirmé que « le Gouvernement [avait] décidé d’insérer, dans chaque projet de loi, un volet dédié à la simplification ».

Aussi, notre chambre des territoires, qui attend avec impatience l’examen du projet de loi 4D, pour déconcentration, décentralisation, différenciation, décomplexification, renommé 3DS, pour déconcentration, décentralisation, différenciation, simplification, reste très attentive aux difficultés des maires, qui n’arrivent pas toujours, sans un appui en ingénierie juridique, à naviguer dans les méandres des normes applicables. Parfois, construire un simple jardin d’enfants n’est pas un jeu d’enfant !

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