Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 6 février 2008 à 15h00
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Monsieur le président, monsieur le Premier président, mes chers collègues, la remise du rapport public annuel de la Cour des comptes est un rendez-vous important et toujours attendu, le président du Sénat le rappelait il y a un instant.

Nous puisons en effet dans sa lecture et dans l'analyse de vos observations des éléments de réflexion sur l'appréciation des politiques publiques et de la qualité de la gestion des deniers publics.

Nous avons bien entendu, monsieur le Premier président, vos réserves sur les financements innovants, « potion magique » utilisée pour régler des arbitrages budgétaires un peu difficiles, et vos propos sur la redevance audiovisuelle.

Vous avez également évoqué la pratique de l'État actionnaire. Celui-ci s'est doté d'une Agence des participations de l'État qui, si elle se caractérise en effet par une réelle professionnalisation, dispose encore de marges de progression. Peut-être faudrait-il que le Gouvernement indique plus clairement quelle est sa stratégie, quels sont ses objectifs, et qu'il interfère moins dans la conduite des affaires de ces entreprises placées sous la responsabilité de l'Agence des participations de l'État ! Peut-être faudrait-il aussi que l'État actionnaire ne soit pas un État figurant, non plus qu'un actionnaire figurant, comme il a eu tendance à l'être dans l'affaire EADS.

Il y a certainement des enseignements à tirer, également, de vos observations sur la liquidation des structures de défaisance dans la malheureuse affaire du Crédit lyonnais.

Le rapport public annuel est pour chacun d'entre nous une mine d'éléments de réflexion, monsieur le Premier président. Toutefois, particulièrement depuis l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, il ne constitue que l'un des instruments privilégiés des relations entre le Sénat et la Cour des comptes.

Le développement de l'activité de contrôle et les nouvelles règles budgétaires et comptables issues de la LOLF ont en effet considérablement amplifié et diversifié nos échanges.

Ceux-ci s'appuient notamment, désormais - vous l'avez rappelé, monsieur le Premier président -, sur la procédure maintenant bien rodée des enquêtes prévues au 2° de l'article 58 de la LOLF. En 2007, cinq enquêtes - vous les avez rappelées - vous ont été demandées dans ce cadre.

L'une d'entre elles, portant sur l'évolution des retraites militaires depuis la professionnalisation, fera prochainement l'objet d'une audition ouverte à nos collègues et à la presse.

Toutes les autres enquêtes que vous avez citées ont déjà donné lieu à des auditions pour suite à donner qui se sont tenues en présence des membres des commissions concernées et ont débouché sur des rapports d'information.

Nous veillons aussi à ce que ces enquêtes, comme tous nos autres contrôles budgétaires, aient des suites et ne se résument pas à des coups de projecteur sans lendemain, à une sorte de bonne conscience que se donneraient le Parlement et, quelquefois, les pouvoirs publics.

C'est pourquoi, comme l'année passée, nous avons prolongé les enquêtes de 2006 en mettant en oeuvre une procédure de « suivi des contrôles ». Deux enquêtes demandées à la Cour des comptes en 2006 en ont fait l'objet : celle qui portait sur « CulturesFrance » - vous vous en souvenez certainement, monsieur le président ! -, et celle qui concernait les « commissions et instances consultatives placées directement auprès du Premier ministre ».

Pour l'année 2008, notre commission vous a saisi de cinq enquêtes issues des demandes des rapporteurs spéciaux compétents et portant sur les sujets suivants : les engagements du Centre national d'études spatiales dans les programmes de l'Agence spatiale européenne ; la gestion et la comptabilisation des créances d'aide publique au développement par la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, la COFACE ; les refus d'apurement communautaire dans le domaine agricole ; les questions budgétaires liées à l'école maternelle ; les caisses autonomes de règlement pécuniaire des avocats, les CARPA.

Le second « pilier » de notre collaboration repose sur la faculté, ouverte par le 1° de l'article 58 de la LOLF, de demander l'assistance, en l'occurrence, sous la forme du concours, pour une durée limitée, d'un magistrat de la Cour. Je sais, monsieur le Premier président, que c'est pour vous un véritable déchirement tant les moyens humains dont vous disposez vous sont comptés !

Nous avons pris l'initiative de recourir à cette formule sur deux sujets, pour lesquels les conclusions des rapporteurs spéciaux sont attendues pour cette année : les ressources financières des chambres des métiers et de l'artisanat, d'une part, et le « fonctionnement des administrations chargées de la gestion de l'immigration économique », d'autre part.

L'année dernière, à l'occasion de la remise du rapport public annuel, je signalais, parmi les pistes les plus prometteuses d'approfondissement des relations entre la Cour des comptes et le Parlement, l'exploitation plus systématique des référés et des rapports particuliers transmis par la Cour au Sénat. Cette nouvelle procédure de contrôle a effectivement satisfait nos attentes respectives, je le crois.

Dans ce cadre, deux contrôles de suivi ont été réalisés au cours de l'année 2007 et un troisième hier, portant respectivement sur la gestion de l'Établissement public pour l'aménagement de la Défense l'EPAD, sorte de zone de non-droit ; sur l'interopérabilité des systèmes d'information dans le domaine de la santé ; et sur les systèmes d'information au Quai d'Orsay.

Pour chacun d'entre eux, une audition s'est déroulée, mettant en présence les sénateurs intéressés - qu'ils soient membres de la commission des finances ou de l'une des cinq autres commissions permanentes -, les magistrats de la Cour et les administrations concernées, et a été suivie de la publication d'un rapport d'information.

Vous avez d'ailleurs, monsieur le Premier président, salué cette nouvelle forme de collaboration devant le comité de réforme des institutions qu'a présidé M. Édouard Balladur.

Le suivi des référés et des rapports particuliers que nous avons mis en place a rencontré un franc succès et un large écho dans les médias. Il aura aussi, je l'espère, un effet bénéfique sur le rythme de la mise en oeuvre, par l'administration, des recommandations que vous formulez.

À cet égard, nous devons - vous et nous - nous attacher à faciliter la publication de ces rapports et à susciter l'intérêt de nos concitoyens.

Il y a encore dans notre pays, dans notre culture, une distance par rapport aux travaux de contrôle. Nous devons veiller à tout mettre en oeuvre pour populariser ces derniers et pour permettre à tous ceux qui s'y livrent, les magistrats de la Cour, mais aussi les parlementaires qui mettent en application la seconde nature du Parlement et tout spécialement du Sénat, d'avoir la reconnaissance qu'ils méritent. Ce serait, me semble-t-il, une gratification pour celles et ceux qui s'y investissent.

Donc ayons le souci, vous et nous, monsieur le Premier président, de populariser nos travaux de contrôle et c'est alors que la pression s'exercera sur l'exécutif comme sur les administrations pour corriger les dysfonctionnements et les manquements à la règle que nous pouvons relever.

Nous veillerons à appliquer les mêmes méthodes de suivi aux engagements pris dans ce cadre. Ainsi, dès la fin du premier trimestre en cours, nous procéderons à une nouvelle audition des responsables de l'Établissement public pour l'aménagement de la Défense et de ses tutelles. Nous verrons quels sont les progrès accomplis et peut-être apprendrons-nous que les comptes sont certifiables.

Enfin, je ne peux négliger l'autre volet de nos relations institutionnelles qui prend des formes sans doute moins officielles, c'est-à-dire le travail sur le contrôle de la gestion budgétaire de l'exercice. La préparation, par les rapporteurs spéciaux, de l'examen du projet de loi de règlement du budget de 2007, qui doit devenir le moment de vérité budgétaire sera, je n'en doute pas, une nouvelle occasion d'approfondir les échanges qui sont étroits et réguliers avec les différentes chambres de la Cour des comptes.

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