Comment s’incarne cette politique européenne ? Elle passe par les funestes accords de Dublin. Avec ces accords, la responsabilité du traitement des migrants repose presque uniquement sur les pays d’entrée dans l’Union européenne, c’est-à-dire la Grèce et l’Italie. Cette pression et le délaissement de ces États nourrissent la montée de l’extrême droite ; nous le voyons en Italie.
À cet abandon de responsabilité au sein de l’Union européenne s’ajoute celui, encore plus scandaleux, que l’on constate à l’extérieur de ses frontières. Je parle ainsi des régimes autoritaires, comme la Turquie, que nous payons en espèces sonnantes et trébuchantes, près de 6 milliards d’euros, pour gérer à notre place les migrations, loin de nos regards. Résultat ? Des prestataires de la honte ! Des despotes qui n’hésitent pas à utiliser par la suite ce levier migratoire si notre politique étrangère ne va pas dans leur sens !
Puisqu’il s’agit toujours d’argent, évoquons également le fonds fiduciaire pour l’Afrique, doté de 3, 9 milliards d’euros entre 2015 et 2019. Initialement pensé comme un outil d’aide au développement, il a glissé peu à peu vers un outil financier destiné à donner une carotte aux pays qui maîtriseraient les flux migratoires en direction de l’Europe.
Et que dire de Frontex, qui a vu son budget passer de 3 millions d’euros en 2003 à 544 millions en 2021 ? Cette structure, fidèle à la doctrine de l’Europe forteresse, reste passive face aux drames et aux morts par milliers qui font de la Méditerranée une fosse commune mondiale.
Écoutez les témoignages des exilés qui arrivent sur nos côtes ! Écoutez comment les garde-côtes libyens financés par l’argent européen retiennent, dans des conditions épouvantables, les personnes migrantes, réduites à l’esclavage, violées, torturées ! Ces actes de barbarie sont commis avec l’aval implicite de l’Europe, donc de la France.
Jusqu’ici, nous pouvions nous voiler la face, nous dire que tout cela se passait loin de chez nous, que nous ne pouvions rien faire. Or, depuis 2015, l’Europe forteresse déploie ses barbelés jusqu’à notre frontière avec l’Italie.
Lors de nos déplacements à la frontière franco-italienne, avec d’autres parlementaires, nous avons vu aussi comment la fraternité du peuple français reste vivace. Nous avons vu des montagnards, des habitants de Briançon, des bénévoles, des humanitaires qui arpentent les routes, les cols, les chemins, toutes les nuits, quelle que soit la température, pour porter secours et assistance aux exilés. Je souhaite rendre hommage à leur dignité et à leur sens de la fraternité.
Nous avons aussi été témoins du harcèlement inacceptable exercé par certains agents de police qui utilisaient les restrictions sanitaires pour verbaliser des médecins et des soignants bénévoles.
Madame la ministre, mes chers collègues, ici, nous débattons, mais partout à nos frontières, des gens meurent. Ils meurent à cause de vos politiques. Ils meurent à cause de nos peurs. Ils meurent à cause de l’abandon de nos valeurs.
Nous demandons ici, collectivement, solennellement, la fin de ces contrôles à nos frontières intérieures, après la pandémie évidemment, l’accueil de ceux qui sont en route et l’amorce d’une politique d’accueil, de développement réel et humaniste, seule solution durable à la question migratoire.
Il s’agit aujourd’hui de faire vivre le principe républicain de fraternité.