Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux d'abord associer notre collègue Alima Boumediene-Thiery, qui n'a pu être présente ce soir, mais dont l'engagement pour la défense de la cause palestinienne et des droits de l'homme est connu de tous ici.
Vous l'aurez compris, et ce ne sera pas une surprise eu égard à une lourde hérédité familiale, je vais vous parler de la Palestine.
Le droit à la dignité est le premier droit de l'homme.
La liste est bien longue des errances françaises et des lâchetés internationales sur cette terre sainte.
Nous étions quelques-uns à penser que l'affaire du tramway de Jérusalem, dont je parlerai dans quelques minutes, avait marqué un point d'orgue, mais non ! Vous avez aimé le mur, vous avez aimé le tramway, vous allez adorer la suite, dans le silence - un silence assourdissant - et dans le recueillement...
La situation humanitaire à Gaza est désastreuse et l'image sans cesse transmise de ces Palestiniens, hommes, femmes et enfants, allant rechercher des denrées en Égypte est ou, plutôt, devrait être révoltante et insupportable au pays des droits de l'homme.
On sait tous le rôle que joue l'humiliation dans l'histoire, et quelques-uns l'ont rappelé ce soir. Que dire de ce peuple humilié et que penser de la reprise des attentats-suicides ? Quelle autre alternative donnons-nous à ce peuple qui n'a rien à perdre ? Et ce n'est pas M. Gouteyron, qui préside le groupe d'amitié France-Liban et connaît aussi les problèmes de la population palestinienne au Liban, qui me contredira !
Que dire de la construction du mur ? Humiliation et silence...
Cette construction, déclarée illégale par la Cour internationale de justice le 9 juillet 2004 et par la Cour suprême de justice israélienne le 14 décembre 2006, est une atteinte déplorable au droit des Palestiniens à circuler librement. Sa construction, violant les droits de propriétés des Palestiniens, est doublée d'une intensification du nombre de check points.
Que dire du tramway de Jérusalem, dont on a déjà un peu parlé ici, si ce n'est qu'il s'agit du triomphe du fait accompli ?
Rappelons que deux entreprises françaises, Alstom et Connex, ont remporté un appel d'offres pour un projet de tramway à Jérusalem ; seul petit bémol, l'itinéraire du tramway passe - léger détail ! - par des territoires occupés ! Il relie Jérusalem-Ouest à deux colonies juives de Jérusalem-Est, que Paris estime, jusqu'à preuve du contraire, « illégales ». Voila comment la France participe à une opération de plus de confiscation de Jérusalem-Est !
L'association France Palestine Solidarité, à laquelle s'est associée l'OLP, a engagé une procédure judiciaire contre les deux sociétés. Interrogé le 22 octobre dernier, le porte-parole du quai d'Orsay - votre ministère, madame la secrétaire d'État - a déclaré : « La question que vous évoquez relève des autorités judiciaires. Je rappelle cependant, comme nous l'avons déjà fait à plusieurs reprises, que la participation française à la construction du tramway de Jérusalem est le fait d'entreprises privées qui n'agissent en aucun cas pour le compte de l'État. Comme vous le savez, nous avons fait part de nos préoccupations aux dirigeants des entreprises concernées [...]. Cette situation qui est de nature commerciale ne reflète en aucun cas une évolution de la position française sur Jérusalem. »
Quelle magnifique réponse, mais, madame la secrétaire d'État, c'est mensonge et langue de bois !
En effet, le contrat pour le tramway a été signé, le 17 juillet 2005, en présence de l'ambassadeur de France, M. Gérard Araud, et dans les bureaux du premier ministre Ariel Sharon. Le bulletin de l'ambassade de France saluait « la cérémonie officielle de signature ». Ce n'est donc pas une affaire d'entreprises privées : c'est bien un contrat dans lequel la politique française est intervenue. Sinon, pourquoi l'ambassadeur aurait-il été présent à sa signature ? Je crois qu'il n'y a pas là de quoi être très fier !
Viennent ensuite les violations des règles fondamentales établies par des conventions internationales, des droits de la défense à la présomption d'innocence, en passant par les conditions de détentions : inventaire à la Prévert impossible à ignorer, sauf par qui ne veut ni voir ni entendre !
On citera, pêle-mêle, un rapport, intitulé Poursuites d'arrière-cour, de l'organisation israélienne Yesh Din - dont le nom hébreu fait référence à un droit en même temps qu'à un jugement - ou le très récent rapport du Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme du 29 janvier 2007 sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés, condamnant, pour la deuxième ou la troisième fois, la « punition collective » infligée aux Palestiniens par la fermeture de la bande de Gaza.
Nous connaissons tous ici les outils dont on peut disposer pour tenter d'infléchir la politique d'un État : sanctions unilatérales ou pas, mesures de rétorsion, représailles sur les plans politique, diplomatique, commercial, économique ou financier.
Nous connaissons tous les difficultés politiques de la mise en oeuvre de telles procédures : les obstacles, on le sait, sont non pas juridiques, mais politiques.
Et qu'en est-il du fameux devoir d'ingérence ?
Pourquoi ne pas appliquer des sanctions ? Parce qu'il n'y a aucune volonté politique. Parce que chacun est las de ce conflit qui dure depuis si longtemps. Parce que de grandes embrassades sur le perron de l'Élysée ne font pas une politique. Parce que ce que n'a pas pu faire le « docteur Chirac », comme l'appelait Yasser Arafat, ce n'est pas Nicolas Sarkozy qui le fera, eu égard à notre alignement, désormais évident, sur la politique américaine.
Chaque occasion manquée, chaque humiliation de plus poussent, madame la secrétaire d'État, une nouvelle génération dans la voie du terrorisme.
Je vous le dis avec beaucoup d'inquiétude, moi qui ai partagé la vie et le combat d'un militant pour cette cause, le sénateur Daniel Goulet, fondateur de l'association parlementaire pour la coopération euro-arabe et des groupes d'amitié France-Palestine, ici et à l'Assemblée nationale : sans une paix juste et durable, la situation devient non seulement dramatique, mais totalement incontrôlable
À l'heure où le quai d'Orsay s'apprête à célébrer en grande pompe le soixantième anniversaire non pas seulement de la Déclaration universelle des droits de l'homme, mais aussi de la création de l'État d'Israël en prévoyant une grande exposition dans ses locaux, j'ai le regret de vous dire que le président Ahmadinedjan a raison lorsqu'il prétend que notre pays soutient la politique de l'État sioniste : c'est vrai, c'est lamentablement vrai, c'est lâchement vrai.
Madame la secrétaire d'État, vous avez dit non au Président Khadafi ; les membres du groupe d'information internationale France-Territoires palestiniens au Sénat, notamment sa présidente Monique Cerisier-ben Guiga, et Alima Boumediene-Thiery, vous demandent de dire non à tant d'injustices, qui sont autant de ferments et de justifications pour les terroristes de demain et d'éléments de fragilisation de notre sécurité intérieure.