La Convention citoyenne pour le climat proposait des orientations sur la forêt, mais elles ont été filtrées par le Gouvernement. En conséquence, le projet de loi est lacunaire sur ce thème. Mis à part la déforestation importée, seul ce chapitre relatif à la protection des écosystèmes et à la diversité biologique comprenait des mesures en lien avec la forêt.
L'article 19 du projet de loi a trait aux zones humides. Ces dernières sont parfois des espaces boisés et bénéficient de la filtration de l'eau par les forêts. En outre, la biodiversité se concentre en particulier dans les interfaces entre ces écosystèmes aquatiques ou boisés, inextricablement mêlés.
Par ailleurs, les articles 20 et 21 relatifs à l'exploitation minière concernent la Guyane et donc la valorisation et la préservation de la forêt amazonienne.
Le lien au moins indirect est donc établi et les débats en séance à l'Assemblée nationale ont permis d'ajouter trois nouveaux articles : un sur le rôle de puits de carbone des forêts et deux sur leur adaptation au changement climatique.
Je vous proposerai de suivre le fil conducteur que j'indiquais tout à l'heure, celui d'une gestion durable et multifonctionnelle des forêts. Notre défi consiste à concilier les dimensions économiques, écologiques et sociales de la forêt. À cet égard, des prélèvements de bois raisonnables constituent la meilleure façon d'optimiser le rôle de puits de carbone de la forêt et de favoriser la résilience des écosystèmes naturels.
Par contraste, la libre évolution, qui se caractérise par une absence d'actes de gestion, expose la forêt à des risques naturels accrus - incendies, dégâts de gibier, etc. - en raison du changement climatique. Elle prive également la société de ressources renouvelables que sont les produits du bois, qui séquestrent le carbone et se substituent à d'autres matériaux plus émissifs.
Le morcellement de la petite propriété forestière conduit, de fait, des milliers d'hectares à être aujourd'hui en libre évolution.
L'article 19 bis D, en modifiant les grands principes de gestion qui figurent dans le code forestier, va dans le sens d'une gestion encore plus respectueuse des écosystèmes et optimise le rôle des puits de carbone.
Je vous proposerai d'adopter cet article en précisant certaines de ses dispositions et en rehaussant même son ambition : en prorogeant le code des bonnes pratiques sylvicoles, avec l'obligation pour les propriétaires privés de soumettre au Centre national de la propriété forestière un programme des coupes et travaux, présentant davantage de garanties de gestion durable pour les propriétaires privés ; en consacrant le rôle des sols forestiers dans le stockage du carbone et la préservation de la biodiversité ; en encourageant le développement du label « Bas Carbone » en forêt pour rétribuer les pratiques vertueuses ; en incitant à transformer le bois au plus près du lieu de récolte, pour optimiser le stockage carbone par le transport des grumes et mobiliser la ressource au bénéfice des entreprises françaises et européennes en priorité.
Les articles 19 bis E et 19 bis F promeuvent tous deux, selon des modalités différentes, l'adaptation des forêts au changement climatique. Visiblement, les députés ont lu la tribune que le groupe d'études « Forêt et filière bois » du Sénat a adressée au ministre de l'agriculture il y a quelques semaines, appelant à une stratégie nationale d'adaptation des forêts au changement climatique.
Plusieurs amendements de nos collègues visent à compléter l'article 19 bis E ; j'y serai favorable.
Je vous proposerai un vote conforme sur l'article 19 bis F, qui invite le Gouvernement à adapter le programme national de la forêt et du bois (PNFB). Celui-ci date de 2016 et n'est plus du tout adapté à la réalité des forêts d'aujourd'hui.
Il ne faut pas s'y tromper : la forêt française est en croissance : bénéficiant de l'accumulation de CO2 dans l'atmosphère, elle se déploie. Mais elle est aussi en crise, parce que les sécheresses, les parasites, le déclin de la biodiversité et la dégradation des sols forestiers fragilisent à long terme ses capacités de résilience.
Face à ces difficultés, mes propositions donnent surtout une trajectoire à tenir ; les acteurs de la forêt la déclineront en fonction des réalités de terrain.
Ma préoccupation n'est pas de faire une loi bavarde, mais bien de signifier à chacun combien la forêt, le bois et les sols sont de précieux alliés dans la lutte contre le dérèglement climatique.