Madame Gatel, je m'interroge aussi sur l'article 1er. Qu'en a pensé le Conseil d'État ? Qu'en pensera le Conseil constitutionnel ? C'est abscons et ne déclenchera pas d'enthousiasme... Vous réussirez peut-être à obtenir des précisions de la part du Gouvernement sur ses intentions.
Nous pourrions complètement gérer les Ehpad. Certes, l'ARS est là pour enquêter et les surveiller. Mais c'est comme pour les directeurs d'administration centrale dépendant de deux ministres : chaque ministre croit que c'est l'autre qui dirige... Il faudrait que les départements récupèrent la compétence de gestion des Ehpad, l'ARS conservant le rôle de surveillance régalienne. Nous pourrions alors mener à bien un chantier très coûteux et nécessaire : leur rénovation thermique. Eussions-nous été en confinement individuel durant la canicule, il y aurait eu bien plus que quelques dizaines de milliers de morts - souvent, il n'y a qu'une pièce climatisée par établissement. Il en va de même pour le chantier de rénovation thermique des établissements scolaires, un énorme travail reste à faire.
Nous sommes favorables au volontariat sur la compétence des routes. Les départements volontaires pour reprendre des routes nationales peuvent le faire ; sinon, l'État les conserve. Nous avons l'accord de Jean-Baptiste Djebbari et Jacqueline Gourault sur ce point. Par exemple, la RN 10 au nord de Bordeaux achemine énormément de camions, qui refusent de payer le péage de l'A 10 et se déportent ainsi sur la RN. Or cette route traverse de nombreux départements, et se divise ensuite vers Angoulême et Limoges. Que faire de ces axes ? L'État peut les garder, ou alors nous pourrions créer un syndicat mixte interdépartemental. Se pose également la question des axes en périphérie des grandes villes, qui cumulent du trafic à dimension nationale, départementale ou quotidienne.
Vous êtes extrêmement poli sur la CTAP en parlant d'« ovni ». En Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset et moi-même n'y allons plus. C'était une très bonne idée, mais il y siège trop de monde. Il faudrait une instance réunissant la région, les conseils départementaux et les grandes métropoles, à l'instar des instances réunies par Manuel Valls pour la rédaction des contrats de plan. Faut-il un bureau de la CTAP ? Le cas échéant, tout le monde voudrait y siéger... Il faudrait faire du cousu main et ne pas prévoir trop de dispositions législatives en la matière : il suffit que le président de la région réunisse tous les deux mois les présidents de département, et que le président de département réunisse tous les deux mois les présidents d'EPCI... Cette belle idée des CTAP ne sert à rien, l'absentéisme y est énorme, à part peut-être en Bretagne, où les élus nourrissent une culture du dialogue proverbiale...
Pour plus d'agilité en matière économique, nous nous heurtons à la loi NOTRe. Je ne regrette pas de ne pas l'avoir votée ! Tout le monde a aidé les entreprises, mais il y a des trous dans la raquette. Jacqueline Gourault a publié une circulaire de quarante pages aux préfets en leur demandant de déférer toutes les décisions économiques des collectivités, y compris celles qui portaient sur quelques centaines de milliers d'euros, comme par exemple dans la Manche. En réaction, nous avons transformé ces délibérations économiques en délibérations sociales : au lieu d'aider l'entreprise, nous avons aidé les personnes. Et le préfet ne pouvait pas déferrer...
On touche ici à l'absurdité de la loi NOTRe. En réalité, l'aide aux entreprises a reculé depuis 2008. Avant, il fallait trois jours pour débloquer des fonds afin d'aider une entreprise en difficulté. Maintenant, le temps que les services administratifs de la région - dont le territoire peut être aussi vaste que l'Autriche ou le Danemark - instruisent le dossier, l'entreprise a fermé. La loi NOTRe est extrêmement rigide et hypocrite à cet égard.
Dans mon département, le tourisme est la première activité économique. Pour autant, nous avons la compétence du tourisme, mais pas de l'économie. C'est un système incroyable ! J'aurais aimé que ce projet de loi ajoute des possibilités de délégation, dans la souplesse. Je regrette qu'il n'en soit pas ainsi.
Sur le bloc de cohérence évoqué par Patrick Kanner et les SDIS : ne créons pas d'administration nationale extrêmement importante, de monstre parisien. Soyons clairs : les préfets sont parfaitement satisfaits de la double autorité. Le président d'un département ne refusera jamais de rénover une caserne en mauvais état, tandis qu'un fonctionnaire de Paris qui ne sait même pas où elle est située n'aura pas les mêmes scrupules. J'ai peur d'une baisse de qualité de service en cas de centralisation. Il en va de même pour la création de points d'eau, qui peut dépasser totalement le budget d'une collectivité : elle gère cela avec le préfet, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), les politiques départementales... Tout cela nécessite une action de terrain. Certes, l'équilibre actuel est compliqué et inexplicable, notamment, auprès d'un Allemand qui connaît une organisation territoriale plus claire.
La sécurité civile à la française repose sur le volontariat. Imaginez que nous nationalisions la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), cela ne fonctionnerait plus. Ce n'est pas un fonctionnaire à Paris qui doit dire quand sortir les canots. J'ai donc peur d'un grand service national centralisé des pompiers. Mais sur le plan de la cohérence politique, Patrick Kanner a raison.
Les arrivées de mineurs non accompagnés ont beaucoup baissé pendant la crise sanitaire. Il n'y avait plus d'avions ni de trains et les frontières étaient beaucoup plus surveillées en raison de la pandémie. Les chiffres remontent depuis quelques semaines, notamment via une nouvelle zone : les îles Canaries. Les arrivants sont davantage issus des pays de l'Est que des États subsahariens. Je rappelle qu'un mineur non accompagné coûte très cher : 40 000 euros par an. C'est typiquement une politique régalienne qui nous est déléguée. La prise en charge de l'État est tout à fait insuffisante. Je salue l'engagement des travailleurs sociaux, car ce n'est pas évident de gérer un homme de 95 kilos qui dit avoir treize ans, aux côtés d'un enfant de huit ans dont les parents ne peuvent assurer la charge en raison, par exemple, de troubles alcooliques. Cette politique mériterait d'être entièrement revue par l'État. Les règles sont là aussi très hypocrites.