Intervention de Christophe Béchu

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 26 mai 2021 à 9h35
Audition de M. Christophe Béchu candidat proposé par le président de la république aux fonctions de président du conseil d'administration de l'agence de financement des infrastructures de transport de france afitf

Photo de Christophe BéchuChristophe Béchu, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France :

Après trois ans, les engagements ou les objectifs que je m'étais assignés au moment de mon audition au Sénat ont-ils été tenus ? J'avais effectivement évoqué la question de la soutenabilité, de l'efficacité et de la transparence.

Concernant d'abord la transparence, c'est un point sur lequel les critiques, en particulier de la Cour des comptes, ont été les plus nombreuses. À cet égard, j'avais pris l'engagement d'adopter un contrat d'objectifs et de performance pour clarifier le rôle de l'agence et la nature de ses relations avec ses partenaires, en premier lieu avec l'État. L'adoption, en décembre dernier, de ce COP constitue un acquis en termes de transparence : il s'agit à la fois d'un élément de référence pour les parlementaires et d'un outil de relecture pour les tutelles.

La soutenabilité et l'efficacité sont évidemment des objectifs que nous nous sommes réassignés.

J'évoquerai rapidement la situation budgétaire dans laquelle nous sommes. Le niveau des restes à payer au début de l'année 2021 est de 12 milliards d'euros, soit exactement le montant de 2016, alors même que l'engagement au titre du canal Seine-Nord Europe représente 1 milliard d'euros.

En 2016, nous avions 600 millions d'euros de charges à payer, c'est-à-dire de factures non honorées que nous avions reçues et qui produisaient des intérêts de retard. Nous avons fait passer ce montant, qui était de 221 millions d'euros il y a trois ans, lorsque je suis devenu président, à 2 millions d'euros en janvier de cette année. Cette somme concerne des factures pour des transports en commun en site propre de collectivités, qui seront honorées cette année. Nous serons donc à zéro euro de charges à payer au titre de la soutenabilité financière. Le fait qu'on ait un montant de reste à payer de 12 milliards d'euros et un niveau de recettes moyen ayant augmenté au cours de ces trois dernières années, notamment sous l'impulsion de la LOM, montre que notre situation, en particulier notre capacité de désendettement, s'est améliorée.

Il y a évidemment un bémol à apporter, à savoir la certitude de nos dépenses et le caractère moins certain de nos recettes. Cela concerne le sujet plus global des recettes de l'agence et des moyens que notre pays se donne pour financer, à long terme, les infrastructures.

La création de l'Afitf remonte au 26 novembre 2004. L'agence était censée être financée par les dividendes des sociétés d'autoroutes, qui ont été privatisées un an après que le principe avait été arrêté. Elle a été dotée de 4 milliards d'euros dans le cadre d'une fraction des ventes des sociétés d'autoroutes, a bénéficié d'une dotation budgétaire jusqu'en 2015, puis d'une part du produit de la TICPE, alors qu'on avait imaginé que l'écotaxe pourrait prendre le relais. En 2019, la décision a été prise d'affecter une part des bénéfices du transport aérien.

La LOM prévoit 13,7 milliards d'euros d'engagements sur la période 2019-2023. Malgré la crise, nous serons, à la fin de l'année 2021, à 8 milliards d'euros pour les exercices 2019, 2020 et 2021, soit un retard de la trajectoire d'environ 300 millions d'euros, pour partie imputable à la situation de crise que nous connaissons, mais aussi à la destruction des radars par les « gilets jaunes ».

En substance, nos 3 milliards d'euros se ventilent de la manière suivante. Un milliard d'euros provient des sociétés d'autoroutes, cette part se décomposant elle-même en trois sous-parties, à savoir la redevance domaniale, qui s'élève à 365 millions d'euros par an, la taxe d'aménagement du territoire (TAT), de 570 millions d'euros, qui reflète le niveau d'activité des sociétés d'autoroutes et a donc diminué durant le premier confinement, et, enfin, les contributions volontaires exceptionnelles des sociétés concessionnaires d'autoroutes. Ces contributions sont volontaires dans la mesure où leur base juridique est faible. Il s'agit de la contrepartie accordée par Ségolène Royal à l'allongement de la durée de concession des autoroutes, dans le cadre du plan de relance décidé en 2015.

La TICPE représente la part la plus stable du financement. Vous en avez augmenté le niveau ces dernières années, ce dont je vous remercie. En effet, sans ces augmentations décidées dans le cadre des lois de finances rectificatives, l'écart entre la trajectoire théorique et la réalité serait bien supérieur à ce que je vous ai présenté, compte tenu des difficultés que nous avons rencontrées. La TICPE a apporté entre 1,2 milliard et 1,6 milliard d'euros aux caisses de l'agence, sur les 40 milliards de rendements de cette taxe.

J'en viens aux « amendes radars », qui représentaient 400 millions d'euros en 2018. Cette somme a baissé en 2019, pour atteindre 200 millions d'euros environ, sous l'impact du mouvement des « gilets jaunes », puis, en 2020, sous l'impact du confinement. En outre, les radars n'avaient pas tous été remis en service.

Les amendes radars produisent des recettes qui sont affectées aux différents bénéficiaires non pas en fonction d'un pourcentage, mais avec un ordre et un rang de priorité. Elles servent au désendettement de l'État, au financement des mesures de sécurité routière et au désendettement des collectivités locales. L'agence se sert en dernier. Ainsi, jusqu'en 2018, le montant des taxes encaissées au titre des amendes radars était, chaque année, supérieur aux estimations. Mais, pour la première fois en 2019, ce montant a baissé. Seule l'agence a été impactée.

En 2020, la représentation parlementaire a modifié, de manière temporaire, une telle répartition, afin d'assurer un niveau de compensation en TICPE. Néanmoins, cette part représentera non plus 400 millions d'euros, mais plutôt 250 millions d'euros.

Le Parlement a décidé d'ajouter une recette en provenance du secteur aérien, compte tenu de son dynamisme. Je le dis sans ironie, puisque la décision a été prise pour l'année 2020 et que cette taxe n'a bien évidemment jamais été mise en place. À ce stade, je me demande s'il ne faudrait pas regarder s'il n'y a pas une sorte de malédiction intrinsèque en ce qui concerne l'agence ? La privatisation des autoroutes au moment où celles-ci devaient financer l'agence, les actions des « bonnets rouges » contre l'écotaxe, et la pandémie immobilisant le secteur aérien censé abonder les caisses, cela fait beaucoup de coïncidences en seulement quinze ans d'existence !

L'impact de la crise sur les dépenses a été intégralement compensé au titre de l'année 2020 dans le cadre des lois de finances rectificatives successives. L'arrêt des chantiers a entraîné la suspension de certaines dépenses, mais dans des proportions relativement faibles.

Lorsque nous finançons par exemple la rocade L2 à Marseille, s'agissant d'un échéancier qui court jusqu'en 2042, le montant de nos tranches annuelles n'est pas lié à un niveau de travaux, mais à un financement ex post de ce qui a été décidé dans le cadre d'un partenariat public-privé (PPP). Idem pour les lignes à grande vitesse (LGV) : nous remboursons après coup des dépenses déjà engagées. Le rythme des chantiers n'a donc pas de conséquences immédiates sur nos finances. Des décalages de factures ont néanmoins été enregistrés à hauteur d'un peu plus de 150 millions d'euros.

Pour 2021, notre budget comporte un point d'insincérité, à savoir le maintien de l'écocontribution du secteur aérien. Nous avions éludé ce point à la fin de l'année dernière, dans un contexte où tout le monde avait d'autres chats à fouetter que l'équilibre exact du budget, en nous promettant d'y revenir. Mon mandat s'est achevé au milieu du mois de février ; l'une des priorités des prochaines semaines sera de voter un budget rectificatif dans lequel aura disparu cette contribution du secteur aérien qui, quand bien même elle serait mise en place, n'atteindrait absolument pas les niveaux de rendement qui avaient été imaginés et enverrait de surcroît un assez mauvais signal à l'ensemble des opérateurs, qui se débattent aujourd'hui pour sortir la tête de l'eau.

Paradoxalement, la crise a conduit au plan de relance, et le plan de relance a conduit à des inscriptions complémentaires dans le budget de l'agence : 2,44 milliards d'euros vont transiter par les caisses de l'Afitf en application de ce plan de relance, dont 549 millions d'euros sont d'ores et déjà dans notre budget au titre de l'année en cours, cette enveloppe étant censée accompagner des opérations de soutien aux transports en commun et aux mobilités actives - ces dernières ont connu un vrai succès avec la crise de la Covid-19 après avoir été consacrées dans le cadre de la LOM.

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