Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 10 juin 2021 à 10h30
Nommer les enfants nés sans vie — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, devenir parent est un long processus. Il s’initie à la rencontre de deux personnes, qui décident de s’aimer, de construire ensemble, de faire famille. Ce processus est plein de réflexion, d’enthousiasme, de moments où l’on se projette, de doutes parfois aussi.

Devenir parent, c’est également comprendre la belle responsabilité qui nous incombe d’aimer inconditionnellement son enfant, avant même qu’il ne vienne au monde. Car devenir parent, c’est avant tout dévouer à un être autre une partie de son avenir, de ses projets, une partie de soi, et ce tout au long de sa vie.

Alors, perdre un enfant n’est jamais une épreuve vécue sans une grande souffrance. Et perdre son enfant avant qu’il ne vienne au monde ne rend pas la douleur moins forte ; cela ne change pas non plus le fait que l’on est déjà son parent.

En France, chaque année, ce sont 8 000 familles qui sont confrontées à la naissance d’un enfant sans vie.

La situation actuelle de notre droit est la suivante : conformément au deuxième alinéa de l’article 79-1 du code civil, l’enfant né sans vie n’acquiert pas la personnalité juridique. De ce fait, il peut recevoir un prénom, mais il n’y a ni filiation ni nom de famille, car il n’y a pas établissement d’un acte de naissance.

Je salue alors la visée de cette proposition de loi, qui entend aller plus loin dans l’individualisation de l’enfant sans vie et dans la reconnaissance de ses parents.

L’inscription d’un nom dans l’acte d’enfant sans vie, en plus des mentions déjà prévues au deuxième alinéa de l’article 79-1 du code civil, est d’une valeur symbolique forte pour ces parents et pour ces 8 000 familles françaises touchées chaque année par le drame.

Comme en Allemagne, au Royaume-Uni, en Irlande, aux Pays-Bas ou en Suisse, où un nom peut déjà être attribué à l’enfant né sans vie, le choix est ici fait de donner l’apparence d’un lien de filiation par la voie mémorielle, sans accorder de droits supplémentaires.

Ainsi que je l’ai souligné en introduction, devenir parent est un long processus. C’est le roman familial qui débute. Il s’agit maintenant d’inscrire l’enfant né sans vie dans l’histoire familiale et de matérialiser symboliquement le lien de filiation avec ses parents.

La proposition de loi que nous étudions touche à l’affect et à l’humain. Il s’agit d’un texte qui vise à apporter un peu de paix, là où la douleur prévaut.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutient cette proposition de loi et votera en sa faveur.

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