Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, nous voici arrivés au terme d’un débat qui conduira l’État à sauver la banque Dexia en lui accordant sa garantie à hauteur de près de 40 milliards d’euros. Aujourd’hui, il est évidemment impossible de dire à quelle hauteur effective cette garantie sera appelée dans les années à venir. Chacun souhaite, bien sûr, que ce soit au niveau le plus faible, mais personne, à cette heure, n’est assuré de son montant.
La semaine dernière, je vous avais interrogé, monsieur le ministre, sur l’évaluation approximative de la part des actifs risqués encore inclus dans la banque résiduelle créée. Je souhaitais avoir l’estimation la plus précise possible des risques de pertes qui vont devoir être comblés par l’État. Vous n’avez pas voulu, ou pas pu, me répondre précisément, de sorte qu’un doute important subsiste sur ce que sera le coût final de ce sauvetage pour le contribuable français.
L’incertitude de cette évaluation illustre les dérives d’une institution qui a été, on l’a dit, rapidement propulsée d’un monde public, balisé, celui de l’ex-Crédit local de France, dédié à financer de façon sécurisée et peu coûteuse nos collectivités territoriales, à un monde privatisé, déréglementé, ouvert aux quatre vents de la spéculation et, finalement, passé hors du contrôle de la communauté internationale. Je pense qu’il faut tirer les leçons de ces errements et revenir durablement – pas seulement de façon transitoire – à un pôle bancaire public de financement des collectivités territoriales et des organismes publics.
En laissant un établissement comme Dexia s’exposer gravement à la spéculation internationale et au risque de liquidité, ce sont les autorités de contrôle qui ont également failli. Il appartient au Gouvernement de restaurer, dans les meilleurs délais, à la fois leur crédibilité et leur efficacité. Faute de quoi, ce que nous vivons actuellement se reproduira !
De mon point de vue, Dexia a commis, jusqu’en 2008, une autre faute lourde, celle de diffuser des actifs toxiques dans l’économie publique. Ce sont ainsi des collectivités territoriales, des hôpitaux qui ont été contaminés, alors que leurs missions – produire des services publics et des services de santé accessibles à tous – sont normalement aux antipodes de toute logique financière et, a fortiori, spéculative.
L’enjeu est, certes, de sauver ce qui peut l’être de Dexia dans des conditions correctes, notamment au regard des rémunérations des dirigeants, comme nous l’avons exigé et obtenu sur l’initiative de Mme la rapporteure générale – c’est chose faite et c’était nécessaire –, mais ce qui est en cause, c’est aussi d’engager la décontamination de l’économie publique. Il s’agit concrètement des 400 villes, départements, CHU dont les comptes abritent, au total, environ 15 milliards d’euros d’emprunts toxiques, parmi lesquels 10 milliards d’euros ont été identifiés comme provenant de Dexia.
Nous savons que cette « décontamination » coûtera cher – peut-être 10 milliards d’euros ou 12 milliards d’euros –, mais je voudrais vous convaincre, chers collègues, qu’il ne sert à rien de tergiverser. L’intérêt général commande, j’en suis persuadé, de recréer, dès que possible, un environnement serein pour ces 400 collectivités et de limiter leurs incertitudes. Rien n’est pire que l’incertitude dans une économie de marché. C’est vrai non seulement pour les marchés eux-mêmes, mais aussi pour tous les agents économiques, qu’ils soient publics ou privés.
Si rien n’est fait dans cette direction, les pires rumeurs continueront à circuler aux quatre coins de notre pays sur la situation réelle ou supposée – car ces rumeurs sont parfois fausses – de telle ou telle commune surendettée ou, en tout cas, exposée à des risques extrêmement importants. Un tel contexte, je le crains, finira par peser, lui aussi, sur la perception du triple A de notre pays à l’échelon international. Pour les collectivités réellement concernées, purger leurs comptes de ces produits leur permettra, au contraire, de reprendre une gestion sereine et de continuer à investir.
Comment y parvenir ? Je pense que c’est à l’État de prendre la mesure de ce problème, non pas pour tout payer – il ne s’agit pas de tout renvoyer sur le contribuable –, mais pour orchestrer une solution globale et robuste. Tel est le sens de l’un des amendements que nous avions proposé. Je remercie d’ailleurs nos collègues de l’avoir adopté. En effet, dans ce domaine, tout commencera par un bilan détaillé et général, sous l’égide de l’État, des emprunts toxiques diffusés dans notre pays par toutes les banques impliquées, et pas seulement par Dexia.
Viendra ensuite la solution. Le plus vite possible, je le souhaite ! J’ai proposé, avec d’autres, la création d’une « structure de défaisance » ou d’une « banque résiduelle », si l’on préfère le terme, à l’instar de ce qui a été fait pour Dexia, pour rassembler ces actifs toxiques, les gérer au mieux et, finalement, limiter les pertes.
Reste la question de savoir qui doit financer ces pertes. Je ne pense pas que ce soit le contribuable. Cela revient, à mon sens, au système financier à travers une taxe spéciale sur les banques.
Je réitère cette proposition aujourd’hui, au moins pour relancer une nouvelle fois le débat. En effet, au-delà de Dexia, c’est bien le secteur public local qu’il faut préserver de cette bombe à retardement des emprunts toxiques, de l’incertitude qui va avec et de ses conséquences sur une baisse de l’investissement local.
Ce soir, à mon sens, au-delà du sauvetage de Dexia, la tâche n’est donc pas complètement terminée si l’on veut se donner les moyens d’agir pour avoir, dans les mois qui viennent, le taux de croissance le plus élevé possible. Sans lui, nous le savons, le problème de la dette publique de la France ne pourra être résolu.