Intervention de Jacques Muller

Réunion du 7 mai 2008 à 15h00
Modernisation du marché du travail — Article 5

Photo de Jacques MullerJacques Muller :

Il faut avant tout faire remarquer que ce type de rupture à l’amiable entre l’employeur et le salarié existe déjà. Les ASSEDIC dénoncent clairement cette pratique, qui consiste pour l’employeur à demander une garantie écrite par laquelle, même si le document n’a pas de caractère officiel, le salarié reconnaît avoir demandé la rupture et s’engage à ne pas poursuivre l’entreprise devant les prud’hommes.

Cette prétendue « rupture à l’amiable » fonctionne déjà en dehors de tout cadre juridique : ce projet de loi vise à la légaliser et à la généraliser.

On retrouve très exactement la philosophie de la présidente du MEDEF, Mme Parisot, qui affirmait : « La vie, la santé, l’amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? »

Ce raccourci édifiant revient à nier purement et simplement les fondements mêmes du droit du travail, qui repose sur la reconnaissance du déséquilibre structurel, intrinsèque, de la relation entre l’employeur et le salarié.

Nos prédécesseurs ne s’y étaient pas trompés : tout le code du travail reposait jusqu’à présent sur la volonté du législateur de tenter de corriger une situation dans laquelle la liberté des deux parties signifie que l’un, objectivement, domine l’autre, puisque le salarié, dont les revenus dépendent directement de l’employeur, est en situation de dépendance et de faiblesse.

Comme le résume Lacordaire dans l’une de ses conférences de Notre-Dame, dans un monde de forts et de faibles, « c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ».

En introduisant le principe de rupture à l’amiable, ce projet de loi, décidément taillé sur mesure pour le MEDEF, méconnaît ces réalités qui prennent une dimension particulière dans la crise que nous connaissons.

Oui, dans un contexte marqué par le chômage et les emplois précaires, l’inégalité structurelle entre l’employeur et le salarié prend une dimension particulière, encore plus dure !

Le monde du travail n’est pas idyllique. Dans le contexte actuel, de trop nombreux salariés y subissent déjà harcèlement ou discrimination. Le salarié est souvent poussé vers la porte. Multiplication des arrêts de maladie, consommation de psychotropes, dépression ou, pire, suicides : tels sont les symptômes d’un profond mal-être de nombreux salariés pour lesquels une rupture à l’amiable n’a évidemment aucune signification.

Les dispositifs prévus dans le projet de loi assurent trop peu de garanties aux salariés victimes de pressions de la part des employeurs, alors que, hors du système de rupture conventionnelle prévu, il existe des possibilités d’obtenir réparation par voie judiciaire.

Précisément, lorsque le salarié aura accepté, sous la pression, de signer une convention de rupture, aura-t-il toujours la possibilité de poursuivre l’employeur pour harcèlement ou discrimination ? Le projet de loi reste bien muet sur cette question !

Pour conclure, ce qui est en jeu, ce n’est ni plus ni moins qu’une atteinte au droit du licenciement. C’est un pan entier du droit du travail qui est mis à mal par les dispositions de ce projet de loi.

C'est la raison pour laquelle cet amendement vise à supprimer purement et simplement l’article 5, emblématique d’un projet de loi qui, on peut le dire, introduit une rupture, une régression historique dans notre droit.

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