Une première série de dispositions vise à renforcer la démarche d'évaluation et de prévention des risques professionnels, dont on sait qu'elle est encore très inégale selon la taille de l'entreprise. Nous avions, en effet, dressé le constat, dans notre rapport d'information de 2019, d'une culture de la prévention très insuffisamment répandue au sein des très petites entreprises (TPE), qui vivent encore l'évaluation des risques professionnels comme une contrainte administrative et non comme un levier d'amélioration de leur performance. Nous appelions d'ailleurs à faire du document unique d'évaluation des risques professionnels (Duerp) un véritable document au service de la stratégie de prévention dans l'entreprise.
L'ANI s'inscrit dans la même logique, en préconisant de faire du Duerp la « base d'un plan d'action » et un instrument de traçabilité collective. L'article 2 de la proposition de loi prend acte de ces orientations en rehaussant au niveau législatif l'obligation pour tout employeur d'élaborer un Duerp qui soit le résultat d'une démarche d'évaluation des risques professionnels engagée en concertation avec les instances internes de l'entreprise et avec l'appui des acteurs de la prévention, dont le service de santé au travail, désormais dénommé service de prévention et de santé au travail (SPST). Toutefois, la proposition de loi s'écarte de l'ANI en fusionnant le Duerp avec le programme annuel de prévention des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail (Papripact), qui regroupe les actions de prévention et de protection à mettre en oeuvre, et qui devrait ainsi être établi par toutes les entreprises et non plus seulement celles de plus de 50 salariés.
Nous proposons de revenir sur cette fusion, afin de recentrer le Duerp sur son objectif principal - l'évaluation des risques - et de ne pas le complexifier à l'excès pour que toutes les entreprises se l'approprient pleinement, quelle que soit leur taille. Nous savons tous que seules les entreprises d'une certaine taille disposent des ressources internes nécessaires à la construction d'un programme annuel de prévention dont les exigences de contenu ont été renforcées.
Si nous voulons, en outre, faire du Duerp un véritable outil de traçabilité collective, conformément à l'ANI, nous devons veiller à réunir les conditions d'une conservation pérenne de ce document. Il serait naïf de croire que cette conservation - elle sera au minimum de 40 ans pour tenir compte du temps de latence dans l'apparition de certaines pathologies professionnelles - puisse être assurée par le seul archivage au sein des entreprises, dont on sait qu'une grande partie n'atteint pas une telle longévité.
Nous proposons donc d'inscrire dans la loi une obligation de dépôt dématérialisé du Duerp sur un portail numérique, dont la mise en oeuvre sera bien entendu échelonnée dans le temps pour tenir compte de la taille des entreprises et de leurs contraintes. Nous confions le soin aux organisations patronales de définir les modalités de cette dématérialisation et du déploiement d'un portail numérique pour centraliser le dépôt dématérialisé du Duerp. Cette évolution est cohérente avec la digitalisation croissante des outils d'élaboration du Duerp ainsi qu'avec l'ANI, qui prône la numérisation de ce document.
Nous sommes convaincus que l'établissement d'une frontière étanche entre la santé au travail et le reste du parcours de soins du travailleur n'a plus de sens, dans la même logique que celle que nos collègues Florence Lassarade et Bernard Jomier ont défendue dans leur rapport sur la santé environnementale. C'est pourquoi nous présenterons des amendements tendant à reconnaître la contribution des SST à l'atteinte d'objectifs de santé publique dans le souci de préserver, au cours de la vie professionnelle, un état de santé compatible avec le maintien en emploi.