Intervention de Jacques Muller

Réunion du 7 mai 2008 à 15h00
Modernisation du marché du travail — Vote sur l'ensemble, amendement 43

Photo de Jacques MullerJacques Muller :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi nous a été présenté comme le lancement de la flexibilité à la française, de la « flexisécurité » à la française, comme le début d’une nouvelle période du dialogue social, comme un tournant historique dans la gestion des relations sociales dans notre pays.

Certes, le concept de flexisécurité n’est pas à rejeter en soi : il est légitime d’essayer d’apporter une certaine souplesse aux employeurs, qui hésitent à embaucher, dans un contexte de mutation et d’instabilité économiques.

Cependant, le concept de flexisécurité comporte un second volet : il s’agit de conforter la sécurité des parcours professionnels grâce, notamment, à l’indemnisation des personnes en formation et en retour à l’emploi.

Cependant, cette garantie apportée aux salariés a un coût financier. Je l’avais rappelé lors de mon intervention dans la discussion générale : au Danemark, 5 % du PIB sont consacrés à la sécurisation des parcours professionnels des salariés.

Or, lorsque j’ai proposé, par le biais de l’amendement n° 43, d’éviter le dévoiement de la procédure des CDD en taxant les entreprises qui y recourent de manière abusive, il m’a été objecté qu’il n’en n’était pas question, car cela serait trop onéreux. Et voilà, le Gouvernement et la majorité qui le soutient sont prêts à instaurer la flexisécurité, mais à condition que cela ne coûte rien !

Nous ne sommes donc pas en train d’imiter, voire de transposer le modèle danois, car il coûte cher : le gouvernement danois investit beaucoup dans ce domaine.

Ce texte comporte des ruptures, tout d’abord s’agissant du droit des salariés. Cela a été dit et je l’évoquerai très rapidement : le contrat de mission entraîne une nouvelle forme de précarité, l’allongement des stages est tel qu’aujourd’hui ces derniers durent autant que les CDD et deviennent des CNE par défaut, sans parler de l’irruption du droit civil dans les relations du travail, avec la rupture conventionnelle.

Ce texte marque également une rupture historique en faisant régresser comme jamais le droit des salariés, puisque, du début à la fin, le rapport de subordination y est nié systématiquement.

Il y a également rupture en matière de dialogue social. Le dialogue social s’est déroulé sous la contrainte, les salariés ayant été menacés d’une loi pire encore si aucun accord n’était trouvé, et surtout, il a servi d’alibi.

Nombre de nos amendements ont été rejetés au motif qu’ils comportaient des dispositions qui ne figuraient pas dans l’accord, et pourtant, mon amendement n° 49, qui intégrait des éléments de l’accord, a été repoussé lui aussi. C’est ce que l’on appelle l’effet de cliquet : on peut démonter le droit du travail, mais en aucun cas le conforter.

Cette flexisécurité à la française est en fait une flexibilité à l’anglo-saxonne, néolibérale, dont on sait qu’elle se solde par un nombre accru d’emplois précaires et de pauvres, et une recrudescence de la violence sociale. Elle n’a, en tout cas, rien à voir avec le modèle nordique, qui méritait d’être observé, critiqué, amendé, transposé, mais qui, je le répète, a un coût.

Monsieur le ministre, vous êtes figé dans une logique ultralibérale, qui vous conduit à refuser la moindre augmentation des prélèvements obligatoires.

Dans ces conditions, il n’y a pas de flexisécurité, il y a de la flexibilité tout court. Les sénateurs Verts voteront donc contre ce semblant de réforme, qui détruit finalement le droit du travail.

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