Intervention de Bernard Jomier

Réunion du 24 juin 2021 à 10h45
Bioéthique — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Bernard JomierBernard Jomier :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dix ans après la précédente loi de bioéthique, nous parvenons au terme d’un processus législatif particulièrement long, certes ralenti par la crise sanitaire.

Ce projet de loi présenté par le Gouvernement à l’été 2019 s’est nourri des États généraux de la bioéthique, qui ont animé le débat public au cours de l’année 2018. L’exercice de remise à plat périodique de ces lois est nécessaire du fait de la spécificité de la « matière bioéthique » : son rythme gagnerait à être plus rapide, pour tenir compte de l’évolution rapide de la science et de la société. D’ailleurs, la définition de ce contenu gagnerait à être moins liée à des calculs politiques.

Le texte qui sera définitivement adopté par le Parlement n’est pas parfait. Il laissera aux uns et aux autres dans cet hémicycle, pour des raisons différentes, un goût d’inachevé même s’il trace des avancées.

La commission spéciale aurait souhaité aller plus loin sur certains volets, par exemple pour valoriser l’acte altruiste de don d’organes, en matière de recherche ou encore, comme l’a défendu notre collègue rapporteur Olivier Henno, pour encadrer l’accès à des tests génétiques déjà présents dans notre quotidien.

Sur d’autres points, les garde-fous que la commission spéciale a proposés n’ont pas été retenus par les députés : je le regrette en ce qui concerne le don d’organes post mortem des majeurs protégés ou encore le délai de conservation des gamètes de mineurs atteints de pathologie altérant leur fertilité, qu’elle avait proposé d’allonger.

Toutefois, des apports du Sénat resteront dans ce texte. C’est le cas sur la plupart des sujets que j’ai examinés en tant que rapporteur de la commission spéciale.

L’extension de la procédure de don croisé d’organes a été adoptée par les députés dans la rédaction du Sénat qui en précise les modalités.

Nous avons également élaboré un dispositif qui permettra d’améliorer la prise en charge des enfants présentant des variations du développement génital.

L’Assemblée nationale a conservé l’ouverture du don du sang aux majeurs protégés, voté dans cet hémicycle, persistant toutefois à refuser le don du sang aux mineurs de 17 ans.

Sur les dons de corps, enfin, après les récents scandales, nous avons tenu à prévenir toute exonération générale de responsabilité pénale.

Ces avancées issues de nos travaux sont importantes pour la science, pour les patients.

Je partage cependant les regrets que Corinne Imbert vient d’exprimer au nom de la commission spéciale que n’ait pu être trouvé un consensus plus large avec nos collègues députés, comme avec le Gouvernement, sur des dispositions plus centrales de ce texte.

L’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seules a clivé nos débats, dans cet hémicycle comme dans le cadre de notre dialogue avec l’Assemblée nationale. Que l’on soit favorable – comme je le suis – ou au contraire, comme certains d’entre vous, mes chers collègues, opposé à cette réforme, nous avons été nombreux, dès la première lecture, à regretter l’adjonction de ce sujet à une loi de bioéthique. Cela a éclipsé dans le débat public d’autres enjeux majeurs, et c’est regrettable. Cela a également réduit notre capacité à engager un dialogue serein entre les deux assemblées et à trouver plus d’accord sur les sujets de bioéthique.

Après l’échec de la commission mixte paritaire à trouver un accord, principalement en raison des divergences insurmontables exprimées sur ce volet du texte à l’issue de la deuxième lecture, l’Assemblée nationale a adopté en nouvelle lecture un texte très proche de ses positions antérieures.

L’exercice de la navette parlementaire semble atteindre ses limites à ce stade des débats, même sur des sujets où un dialogue était a priori possible. Nous ne pouvons qu’en prendre acte. Mes chers collègues, la commission spéciale vous propose d’en tirer les conséquences en opposant, à l’issue de cette discussion générale, la question préalable. Ce n’est pas l’issue que l’on pouvait espérer pour une loi de bioéthique. Le temps viendra de repenser le sens et la méthode de révision de ces lois et de délier les calculs politiques qui procèdent à la définition de son contenu de ce travail.

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