Intervention de Elisabeth Doineau

Réunion du 24 juin 2021 à 10h45
Bioéthique — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Elisabeth DoineauElisabeth Doineau :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, rares sont les textes sur lesquels le Parlement a encore l’occasion de légiférer en procédure normale. Nous avons donc eu la chance de pouvoir examiner avec sérénité ce projet de loi relatif à la bioéthique, dont la nature même impose de prendre le temps de la réflexion, voire d’envisager de réexaminer ses propres positions. Ce fut le cas.

D’ailleurs, je tiens à remercier nos rapporteurs, qui, tout au long de la navette, n’ont pas manqué d’apporter l’éclairage et les précisions nécessaires à la bonne tenue de nos débats.

Malgré ce travail approfondi et leurs efforts sans faille, la commission mixte paritaire n’a pas – force est de le constater – pu parvenir à un accord. Nous le regrettons amèrement tant le sujet aurait mérité que nous trouvions une voie médiane, consensuelle et pragmatique.

Cette déception rassemble l’ensemble des sénateurs tant elle reste vraie, y compris pour ceux qui estiment que le volet sociétal de ce texte n’y avait pas sa place.

En effet, même si nous n’avions pas eu à examiner les articles relatifs à l’AMP, le fait qu’il reste d’autres articles en discussion montre qu’un consensus n’aurait pas pu être trouvé. Au-delà des divergences profondes sur les évolutions concernant l’assistance médicale à la procréation, les positions de l’Assemblée nationale et du Sénat, par exemple en matière de recherche, étaient irréconciliables.

Beaucoup de choses ont été dites durant la navette. Les articles ont été largement commentés. Je ne reviendrai pas aujourd’hui sur ce qui a déjà été longuement débattu.

Les divergences irréconciliables concernent les articles 8, 9 et 10, relatifs aux conditions de réalisation des examens génétiques et de communication de leurs résultats à l’intéressé et à sa parentèle, mais aussi les articles 14 et 15 ou encore l’article 17, qui n’interdit la création d’embryons chimériques que lorsqu’ils résultent de la modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces.

Toutefois, d’autres articles ont fait l’objet de rapprochements entre les deux chambres.

Ainsi, l’Assemblée nationale a conservé partiellement l’un des apports du Sénat à l’article 7 bis, qui ouvre le don du sang aux majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation relative aux biens et assistance. À l’article 7 ter, elle a approuvé la position du Sénat relative à l’encadrement du don de corps. L’article 19 quater, introduit par le Sénat, a été validé par les députés ; il concerne la réalisation en première intention d’un examen génétique chez les nouveau-nés dans le cadre du dépistage néonatal pour la recherche d’anomalies génétiques ciblées susceptibles de mesure de prévention ou de soins. Les députés ont également suivi le Sénat à l’article 19 sur le diagnostic prénatal et à l’article 23 sur la revalorisation du rôle des conseillers en génétique.

Malheureusement, ces points d’accord ne pèsent pas lourd. Qui plus est, le projet de loi n’a pas permis de simplifier et de clarifier la gouvernante de la bioéthique. En effet, les députés ont réintroduit à l’article 29 six membres supplémentaires au sein du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Ils ont également confié des missions à l’Agence de la biomédecine qui l’éloignent de son cœur de métier.

J’en viens aux premiers articles du projet de loi, relatifs à l’assistance médicale à la procréation.

La question de la place de ces articles dans le projet de loi et les évolutions envisagées ont divisé notre hémicycle, y compris au sein de nos différents groupes. En repoussant ou en modifiant substantiellement les propositions qui nous étaient adressées, nous ne pouvions pas ignorer que la navette aboutirait à l’adoption des articles concernés sans prise en compte, même partielle, de la voix du Sénat par l’Assemblée nationale.

Comme souvent à l’issue d’une commission mixte paritaire non conclusive, et à l’instant où nous nous apprêtons à adopter une question préalable, nous nous interrogeons sur notre capacité à faire entendre notre voix. Tel est pourtant le cadre que nous impose la Constitution, et le phénomène est renforcé par le fait majoritaire.

Toutefois, l’intelligibilité de nos débats est garantie par leur publication au Journal officiel. À défaut d’avoir pu modifier profondément le dispositif de ce texte comme certains d’entre nous le souhaitaient, il convient désormais, me semble-t-il, de voter en faveur de la question préalable qui nous sera présentée par la commission spéciale au lieu d’ouvrir une nouvelle discussion dont nous connaissons déjà l’issue ; ce serait une redite de ce qui est déjà consultable.

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