Nous avons beaucoup de points de convergence entre nous, quelle que soit notre sensibilité, sur le texte du Gouvernement, qui se montre ouvert pour perfectionner son dispositif. Je reste toutefois hésitant concernant les mesures individuelles de contrôle postérieures à la sortie d'incarcération. Deux méthodes sont en concurrence, qui nous impose de choisir la moins risquée du point de vue constitutionnel, sachant que ce besoin d'un contrôle individuel prolongé est nécessaire.
Je constate une acceptation assez généralisée de la poursuite d'une expérimentation favorisant l'utilisation de l'algorithme comme moyen de détection des signaux faibles de préparation à des opérations attentant à la sécurité nationale. Nous nous retrouvons aussi sur la balance entre la protection des libertés publiques et la capacité de transmission d'informations entre services du renseignement. Nous le savons tous, la décision récente de la CJUE sur l'accès aux données de connexion entraîne un affaiblissement massif de nos capacités de lutte contre la délinquance. Même restrictive, elle ouvre une marge d'intervention aux États nationaux pour réaliser leur travail de sécurité nationale sur l'accès aux données utiles en la matière. Elle constitue donc un pas en arrière extrêmement préjudiciable. En réalité, c'est le signal que la démarche collective de l'Union européenne fondée sur le libre marché telle que nous l'avons tous acceptée voilà des décennies manquait de vigilance par rapport à la préservation des prérogatives d'autorité et de défense de la sécurité des citoyens, s'agissant notamment de la recherche des infractions. On aurait pu s'attendre à une position plus mesurée de la part de la CJUE, qui est composée de magistrats professionnels très expérimentés. Puisque tel ne fut pas le cas, les États devraient prendre une initiative politique.
Pour ce qui est de l'accès aux archives, nos solutions sont très voisines concernant non pas le principe d'exception, qui existe depuis le début de la législation sur ce sujet, mais la façon de l'utiliser. Un travail de perfectionnement devrait porter sur la procédure du maintien en classification d'un certain nombre de documents, pour des raisons d'impératifs de sécurité, comme l'a justement souligné Pierre Ouzoulias. Et, chers collègues de la commission des affaires étrangères, la fin de l'utilisation de matériels de guerre par la France n'emporte pas automatique la cessation de l'emploi de ces outils par nos alliés à qui nous les avons cédés ! Il serait discourtois de faire circuler librement de telles données. Je vous rejoins sur le fait que seul l'exécutif peut apprécier la pertinence d'une classification, sous contrôle du juge. La décision qui émanera aujourd'hui du Conseil d'État à l'issue du délibéré sera aussi un moyen d'identifier si le contrôle du juge sur les décisions de reclassification sera ou non efficient.