Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 7 novembre 2009 à 15h00
Entreprise publique la poste et activités postales — Article 3

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 3 du projet de loi entend tirer les conséquences du changement de statut de La Poste et ne plus la soumettre au principe de spécialité.

Cet article n’est pas anodin et ne constitue pas une simple conséquence du changement de statut. Il montre la volonté claire du Gouvernement de conforter la direction de La Poste dans la privatisation de la gestion de l’exploitant public, dénomination dont on « apure » la loi par ailleurs car elle est idéologiquement trop encombrante au regard de la société anonyme.

Pour bien comprendre les enjeux de cet article qui paraît si anodin, je voudrais revenir sur les implications du principe de spécialité. Saisi par le ministre de l’industrie, des postes et des télécommunications et du commerce extérieur de la question de la compatibilité de la diversification d’EDF et de GDF avec la spécialité des établissements publics, le Conseil d’Etat, en particulier la section des travaux publics, a rendu un avis le 7 juillet 1994.

Comme vous allez le constater, la haute juridiction administrative n’a pas une interprétation restrictive du principe de spécialité. Ainsi, si ce principe signifie que la personne morale, dont la création a été justifiée par la mission qui lui a été confiée, n’a pas de compétence générale au-delà de cette mission et qu’il n’appartient pas à l’établissement d’entreprendre des activités extérieures à cette mission ou de s’immiscer dans de telles activités, il ne s’oppose pas par lui-même à ce qu’un établissement public, surtout s’il a un caractère industriel et commercial, se livre à d’autres activités économiques.

C’est d’ailleurs ce qui se passe déjà pour La Poste. Seulement, le Conseil d’État pose une double condition : d’une part, que ces activités annexes soient techniquement et commercialement le complément normal de la mission statutaire principale de l’établissement ; d’autre part, que ces activités soient à la fois d’intérêt général et directement utiles à l’établissement public, notamment par son adaptation à l’évolution technique, aux impératifs d’une bonne gestion des intérêts confiés à l’établissement, le savoir-faire de ses personnels, la vigueur de sa recherche et la valorisation de ses compétences, tous moyens mis au service de son objectif principal.

Ces critères valent, pour la spécialité, quelle que soit la méthode de diversification retenue : par l’établissement lui-même, par une filiale à contrôle majoritaire de l’établissement ou par une participation minoritaire.

L’article 6 de la loi de 1990, qui prévoit que « La Poste peut exercer, selon des modalités prévues par décret en Conseil d’État, des activités de prestation de services pour le compte de tiers lorsque ces activités sont compatibles avec l’exercice des missions énoncées à l’article 2 de la présente loi et permettent à La Poste de contribuer à l’aménagement du territoire », encadre de plusieurs façons les dérogations éventuelles au principe de spécialité.

Un décret en Conseil d’État, s’il est pris, précise les modalités d’intervention de La Poste dans ces activités. Les activités de prestation de service doivent être compatibles avec le service public des envois postaux, le service public du transport et de la distribution de la presse et les services de collecte, de tri, de transport et de distribution d’envois postaux, de courrier sous toutes ses formes, d’objets et de marchandises. Il peut donc être dérogé au principe de spécialité si et seulement si ce n’est pas au détriment de ces missions qui servent l’intérêt général.

Enfin, le législateur va plus loin puisqu’il soumet la possibilité de l’exercice des activités annexes à leur utilité en termes d’aménagement du territoire.

La volonté du Gouvernement est très claire. Vous vous appuyez, monsieur le ministre, sur la privatisation du statut de La Poste afin que cette nouvelle entité, tout entière soumise à la logique marchande, puisse développer des activités annexes plus rentables, qui rapporteront certainement plus aux actionnaires qu’aux usagers. Dans ces conditions, on comprend que le principe de spécialité et son objectif de satisfaction de l’intérêt général vous dérangent fortement !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion