Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 29 juin 2021 à 21h30
Prévention d'actes de terrorisme et renseignement — Article 19

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Je constate que plusieurs groupes politiques ont présenté des amendements identiques afin de proposer une rédaction de l’article qui satisfasse les premières personnes concernées, à savoir les historiens, les chercheurs et les archivistes. L’intérêt de ces amendements est de faciliter le travail de ces personnes, qui contribuent à notre mémoire collective, en sanctuarisant l’accès aux archives publiques.

Et voilà que la majorité sénatoriale et le Gouvernement ne souhaitent pas aller dans ce sens ! Étant moi-même chercheuse et historienne, je ne peux que le regretter. Le privilège des démocraties, c’est de laisser leurs historiens écrire le passé, en regardant le présent. Il n’existe pas, à ma connaissance, d’historiens désireux d’écrire des livres qui compromettent la sûreté nationale de leur pays…

J’ajoute que l’on n’entre pas dans les services d’archives les mains dans les poches. L’identité des personnes qui s’y rendent est vérifiée, de même que leur inscription ou leur fonction d’enseignement dans une université ou un centre de recherche. Quant aux étudiants, ils doivent démontrer qu’ils rédigent une thèse – ce ne sont pas les terroristes qui fréquentent les archives !

Je ne comprends donc pas pourquoi cet article figure dans ce texte ; il n’y a pas sa place. L’accès aux archives publiques est un droit constitutionnellement garanti à l’article XV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; le principe de base est celui de la libre communicabilité des archives publiques. Dès lors, ces restrictions ne font pas du tout honneur à notre pays, à la recherche et à la science !

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