Intervention de Thomas Dossus

Réunion du 29 juin 2021 à 21h30
Prévention d'actes de terrorisme et renseignement — Article 19

Photo de Thomas DossusThomas Dossus :

L’accès aux archives dépasse le seul cadre du travail historique, c’est un enjeu démocratique. Les archives du monde d’hier permettent de comprendre celui d’aujourd’hui et de bâtir celui de demain. En la matière, notre Constitution est claire. L’article XV de la Déclaration des droits de l’homme proclame : « La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration. »

Ce principe à valeur constitutionnelle se heurte à la préservation des intérêts fondamentaux de l’État, mais l’équilibre entre ces deux nécessités a été réalisé par les deux grandes lois relatives aux archives, celle de 1979 et celle de 2008.

Le législateur a posé un principe simple : les archives sont communicables de plein droit au bout de cinquante ans, hormis les plus sensibles, notamment celles qui sont liées au nucléaire. Or ce consensus a été récemment remis en cause, tout d’abord par l’instruction générale interministérielle 1300, qui a contraint à une déclassification, c’est-à-dire à une décision administrative, avant que les archives ne deviennent pleinement communicables, puis par le présent article du projet de loi.

Le Gouvernement et la commission pensent que cet article permet d’ouvrir largement l’accès à des archives intéressant la défense nationale, alors que, au contraire, il prévoit de nouvelles exceptions à la communicabilité des archives, sans délai maximum, dans des domaines aussi variés que les barrages hydroélectriques ou les procédures des services de renseignement.

Le Conseil d’État, lors d’une audience du 16 juin 2021, a reconnu par la parole de son rapporteur public que l’instruction générale interministérielle 1300, et par conséquent le présent article, n’étaient que des subterfuges destinés à entraver les travaux historiques, notamment sur la guerre d’Algérie. Il a aussi déclaré que la nécessité de déclassification était une invention pouvant occasionner des surcoûts significatifs pour le contribuable.

L’article 19, en l’état, est inacceptable pour le travail historique, pour les relations entre les citoyens et leur histoire et pour la respectabilité de notre République. Comment, en effet, justifier la présence d’un article qui limite autant l’accès à des pans importants de notre histoire collective, dans un texte ayant pour objectif de lutter contre le terrorisme ?

Cet amendement est le fruit d’une discussion avec des historiens non seulement respectueux des principes constitutionnels et de l’esprit des lois de 1979 et de 2008, mais aussi soucieux de protéger les intérêts fondamentaux de l’État. Il est le reflet d’une position d’équilibre transpartisane et consensuelle.

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