Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 29 juin 2021 à 21h30
Prévention d'actes de terrorisme et renseignement — Article 19

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Les rédacteurs de ce projet de loi invoquent la valeur opérationnelle des archives du monde du renseignement. Or cette formulation vague ferme de fait tout un pan des archives publiques.

Les renseignements français continuent d’employer certaines techniques développées par le Bureau central de renseignements et d’action (BCRA), à savoir les services secrets de la France libre du général de Gaulle. Il s’agit notamment des techniques d’interrogatoire ou de filature : ainsi, toutes les archives liées au monde, si vaste, du renseignement seront désormais fermées aux historiens.

De nombreux champs de l’histoire du pays ne peuvent donc plus être étudiés et il ne s’agit pas seulement de ces questions sensibles que sont la mémoire coloniale et la guerre d’Algérie. Peut-on, aujourd’hui, écrire une histoire des mouvements de la Résistance en France durant la Seconde Guerre mondiale sans consulter les archives des services secrets de la France libre ? C’est difficile !

Pourtant, le Président français Emmanuel Macron avait annoncé vouloir faciliter l’accès aux archives, après la remise du rapport de l’historien français Benjamin Stora consacré aux questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie. Aujourd’hui, nous en sommes bien loin.

Madame la ministre, vous n’arrivez pas à concevoir que les archives du renseignement soient librement consultables passé le délai de cinquante ans. Y a-t-il, oui ou non, une volonté politique d’empêcher les historiens de faire l’histoire ?

Je tiens à vous le dire, avec tout le respect que j’ai pour vous : ce soir, la ministre de la culture aurait dû prendre place à vos côtés au banc du Gouvernement. En effet, cette affaire concerne non seulement l’armée, mais aussi et surtout la culture. Son absence est vraiment regrettable.

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