Nous vous présentons ce matin, avec Albéric de Montgolfier, les résultats de notre contrôle sur les projets financés par la mission « Action et transformation publiques ». Cette mission a été créée par le Gouvernement en 2018, pour une durée de vie à l'origine temporaire, puisqu'elle devait s'éteindre en 2022. La mission regroupe désormais quatre programmes hétérogènes, chacun poursuivant un objectif bien différent : la rénovation énergétique des cités administratives pour le programme 348, l'accompagnement de la transformation de l'action publique pour le programme 349, les ressources humaines pour le programme 351 et le développement numérique de l'État pour le programme 352.
Même pour nous, rapporteurs spéciaux, il est parfois difficile de nous y retrouver et de savoir ce que fait chacun. Un cinquième programme a par ailleurs été rattaché à la mission au 1er janvier 2021, le programme 148 « Fonction publique ». Il était auparavant attaché à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », que nous suivons également en tant que rapporteurs spéciaux.
J'en viens maintenant aux raisons qui justifient ce contrôle, et j'en citerai deux.
La première vient du constat que nous faisons maintenant depuis trois ans : les crédits de la mission sont chaque année sous-consommés, de l'ordre de 75 % à 80 % pour trois programmes, et l'année 2020 ne fait pas exception. Cette gestion, que l'on ne saurait qualifier de satisfaisante, remet en cause le vote du Parlement. Nous avions proposé un amendement d'appel lors du projet de loi de finances 2021 pour annuler 75 % des crédits de la mission et ainsi attirer l'attention du Gouvernement sur ces graves problèmes d'exécution budgétaire.
La seconde raison vient du contexte de crise sanitaire, qui a remis en avant quelques-unes des grandes priorités de la transformation de l'action publique, telle la numérisation de nos administrations et de nos services publics. Pourtant, en dépit de la création d'une mission et de programmes ad hoc, il nous est très difficile de suivre les résultats dans ce domaine.
Notre principale conclusion est la suivante : si la mission soutient des objectifs que nous pouvons partager, les véhicules budgétaires sont totalement inadaptés. Le Gouvernement aura beau jouer la carte de la « crise » pour expliquer les nouveaux problèmes de consommation des crédits en 2020 et, même si nous ne nions pas ses conséquences, cette explication est insuffisante. Chaque année, le Gouvernement propose une « nouvelle excuse ». La mission souffre en réalité de problèmes structurels, qu'il nous semble urgent de régler.
Je commencerai par aborder le programme 348, supposé porter un milliard d'euros pour la rénovation des cités administratives. Les 39 cités éligibles au programme ont bien été sélectionnées, en 2018 et 2019. Or, les travaux ont commencé pour seulement deux d'entre elles en 2020, Bordeaux et Colmar. Six cités les ont rejoints au premier semestre 2021 et 15 projets ne devraient pas commencer avant 2022. Les travaux ne devraient donc constituer la majorité des dépenses du programme qu'en 2022.
Par conséquent, aucune livraison des travaux ne pourra intervenir avant 2023, voire 2024 pour Bordeaux. Il est donc quasiment certain qu'il y aura des restes à payer au-delà de 2022, mais le ministère se refuse encore à se prononcer sur le portage de ces crédits, dans l'éventualité où la mission ne serait pas reconduite.
Certes, ces retards ont pu être aggravés par la crise sanitaire, mais ils lui sont antérieurs. La direction de l'immobilier de l'État prévoyait au départ d'engager les travaux dès l'année 2019. Ces retards sont d'autant plus dommageables que le risque de surcoût s'est significativement accru cette année. En effet, les maîtres d'oeuvre constatent une hausse du coût des matériaux de près de 10 %, du fait de difficultés d'approvisionnement. Or, l'enveloppe ouverte sur le programme 348 est une enveloppe fermée, qui nécessite un pilotage fin des crédits. Tout ceci n'incite guère à l'optimisme.
Par ailleurs, nous constatons que, parmi les projets sélectionnés, 12 ne présentent que des gains énergétiques faibles et sept ont été validés malgré un avis négatif de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages. La maitrise d'ouvrage souffre par ailleurs de lacunes significatives, parmi lesquelles un déficit de compétences et de moyens humains.
Pour un programme de cet ampleur, de près d'un milliard d'euros je le rappelle, il est enfin extrêmement dommage de ne disposer d'aucun indicateur de performance vraiment pertinent. Le principal indicateur n'est qu'une estimation des économies d'énergie attendues, basées sur des auto-évaluations des porteurs de projet, autant dire que cela n'engage pas beaucoup le responsable du programme ! Ces indicateurs ne renseignent donc pas sur les effets concrets des travaux engagés et ne se prêtent pas non plus à une mesure annuelle.
Notre première recommandation porte sur l'urgence de revoir les indicateurs du programme 348, sachant qu'une partie de ces données est d'ores et déjà transmise à la Cour des comptes. Il faut aussi aller plus vite : les crédits sont disponibles, mais rien n'est prêt ! Il revient pourtant à l'État de donner l'exemple en matière de rénovation énergétique ou de cadre de vie et d'accessibilité pour les agents !