Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ce deuxième rendez-vous sur le projet de loi constitutionnel visant à inscrire la préservation de l’environnement à l’article 1er de notre Constitution nous amène à un double constat.
D’une part, contrairement à ce qui avait été auguré ici ou là lors de l’examen en première lecture, la navette a bien suivi son cours.
D’autre part, la politique des petits pas, que traduisent les modifications portées par les rapporteurs des deux assemblées, ne suffit pas à poser les bases d’un compromis.
La deuxième lecture, telle qu’elle se profile, confirme en l’état les vives réticences de la majorité sénatoriale sur la révision proposée par la Convention citoyenne pour le climat et reprise par l’exécutif dans la perspective d’une adoption par référendum. Nous le regrettons.
Alors que nous pouvons tous partager la conviction que la France doit s’armer de nouveaux instruments juridiques pour répondre à l’urgence climatique, la divergence de méthode persiste. Elle s’est focalisée, dans nos débats, sur la portée des termes retenus dans le projet de révision, mais elle traduit je crois, au-delà de la seule sémantique, une différence d’ambition intrinsèque.
Déjà, lors de l’examen du texte en première lecture, nous nous étonnions qu’une partie de l’hémicycle défendît l’adoption d’une réécriture du rapporteur qui revendiquait l’absence d’effet juridique. La réécriture de substitution qui nous sera présentée ultérieurement par le rapporteur et le président du groupe Les Républicains semble confirmer cette volonté de priver d’effet juridique la révision constitutionnelle. Le renvoi tautologique à la Charte de l’environnement en témoigne.
Notre étonnement ne peut qu’être affermi à l’examen du rapport de deuxième lecture, qui se borne à déconstruire les conséquences du texte adopté par l’Assemblée nationale, sans évoquer les effets recherchés par la rédaction alternative proposée.
Certes, l’absence de consensus entre les constitutionnalistes sur la portée des différents verbes retenus ne concourt pas à clarifier le débat. Elle nous enjoint en tout cas au parti pris. La révision portée par le Gouvernement serait tantôt inutile, tantôt dangereuse. Dans la mesure où il nous semble difficile de considérer qu’un texte puisse être à la fois dépourvu d’effet et porteur d’une menace, nous choisissons la voie médiane.
La portée de ce texte était déjà précisée dans les travaux préparatoires de l’Assemblée nationale : il ne s’agit pas d’introduire une prééminence de l’environnement sur les autres principes ni de bloquer toute action des pouvoirs publics. Je le rappelle, la majorité présidentielle n’a pas souhaité modifier le préambule de 1946 dans une rédaction qui aurait induit une prééminence, contraire à notre tradition juridique, de l’environnement sur les autres principes constitutionnels.
Le verbe « garantir » qui figure déjà au sein du bloc de constitutionnalité et que l’on accuse d’introduire une difficulté d’articulation avec l’article 6 de la Charte de l’environnement de 2004 signerait une rupture avec les objectifs du développement durable.
Là encore, il est utile de rappeler que, au sein de cette Charte, l’article 2 met à la charge de toute personne l’obligation de prendre part non seulement à la préservation, mais aussi à l’amélioration de l’environnement, exigence forte, qui s’impose sans mentionner le progrès économique et social. Or les objectifs de développement durable, que nous soutenons, n’ont pas été mis à mal par cette disposition.
Mes chers collègues, nous pensons que le texte qui nous arrive de l’Assemblée nationale ne remet pas en cause le principe d’une conciliation entre les différents droits et libertés fondamentaux. Ce point a été rappelé lors des auditions : les verbes dont il est question ne portent pas en eux une force qui les ferait échapper au contexte dans lequel le juge les interprète.
Le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis nous semble, en revanche, ambitieux. Tout d’abord, il répond de manière symbolique à la prise en compte croissante par nos concitoyens des problématiques liées à l’environnement.
Or ces considérations ne peuvent pas être réduites aux tracasseries d’un « comité de salut public 3.0 », pour reprendre la désignation teintée de mépris que l’on a pu entendre dans l’enceinte de cet hémicycle à propos de la Convention citoyenne pour le climat.