Intervention de Philippe Viroulet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 13 juillet 2021 à 13h30
Projet de loi relatif à la différenciation la décentralisation la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale — Suite de l'examen des amendements au texte de la commission

Philippe Viroulet, délégué syndical central du syndicat Confédération autonome du travail des personnels Adrexo (CAT-Adrexo) :

Merci d'écouter les salariés d'Adrexo, qui sont une partie importante de l'entreprise, puisque la distribution des documents se fait grâce à eux, chaque semaine, que ce soit pour les imprimés publicitaires ou pour le courrier. Ils font en général un travail remarquable et de qualité, dans des conditions difficiles. Nous sommes des représentants syndicaux, et nous représentons aujourd'hui l'ensemble des salariés d'Adrexo. Nous faisons partie de la Confédération autonome du travail (CAT), qui est une confédération créée en 1953. Le syndicat d'entreprise existe depuis 2010 et il est le premier syndicat de l'entreprise depuis 2020.

Les salariés d'Adrexo étaient un peu plus de 15 000 fin 2020 ; 58 % de ces distributeurs ont plus de 50 ans, et 25 %, plus de 64 ans. Ce sont majoritairement des retraités et des actifs, avec un tout petit peu d'étudiants. Les retraités cherchent un complément d'activité et un complément de revenu et les actifs, un complément de revenu. Les 15 000 distributeurs d'Adrexo sont pratiquement tous à temps partiel. Ils représentent environ 6 200 équivalents temps plein (ETP) ; 46 % d'entre eux disposent d'un contrat compris entre 7 et 12 heures par semaine, 16 % ont un contrat inférieur à 7 heures et 38 %, un contrat supérieur à 12 heures. Il s'agit donc vraiment de compléments de revenus et d'activité. La moyenne nationale des contrats pour Adrexo est de 14 heures par semaine.

Sur la zone qui concernait la diffusion de la propagande électorale et qui a été confiée à Adrexo, environ 8 000 distributeurs à temps partiel étaient présents, ce qui correspond à 2 600 ETP. Ceux-ci, en CDI chez Adrexo, sont très déçus, voire honteux, du traitement qui a été fait du travail qu'ils ont rendu. Ils sont habitués à distribuer chaque semaine des secteurs, des communes. Ils connaissent bien leur secteur et ont généralement très bien effectué leur mission. Les incidents que vous avez pu noter, comme des jets de documents, sont anecdotiques en ce qui concerne les salariés d'Adrexo.

Ceux-ci distribuent chaque semaine de la publicité. C'est un métier qui n'est pas facile : il nécessite de marcher et de porter des poids, et n'est pas très bien rémunéré. Malheureusement, pour cette opération de distribution de la propagande électorale, au premier tour, il n'y avait que 2 200 salariés en capacité de travailler pour cette mission. Il s'agissait de personnes en CDI, formées, habituées au secteur, qui ont travaillé pour le premier tour des élections départementales et régionales. Pour le deuxième tour, ils étaient 4 000.

Un préavis de grève a été déposé par notre syndicat pour des raisons simples. Adrexo est une entreprise où le climat social est extrêmement tendu. Il y a très peu de place pour la négociation. En 2020, par exemple, la direction n'a convoqué les organisations syndicales à des négociations qu'à quatre reprises, contre huit en 2018 et douze en 2019. Il y a très peu de respect des organisations syndicales en général, et notre syndicat a été victime d'un véritable tir de barrage quand il est devenu le premier syndicat de l'entreprise, avec plusieurs manoeuvres auprès de notre confédération, en proposant un don, et en contestant en justice l'ensemble des mandats syndicaux. Le groupe Hopps se refuse depuis 2017 à créer un comité de groupe, et nous n'avons eu aucune négociation sur ce point. Adrexo n'a signé qu'une seule fois un accord concernant les négociations annuelles obligatoires, en 2017, qui a octroyé 9 euros par mois à une centaine de salariés de l'entreprise. On a dénombré 83 nouveaux dossiers prud'homaux en 2020, 135 en 2019, et 139 en 2018.

Nous avons voulu attirer l'attention en déposant ce préavis de grève, qui permettait aux distributeurs qui n'auraient pas souhaité faire ces travaux de ne pas les faire. Il a été assez peu suivi car ceux qui étaient en capacité de faire ce travail ont besoin de ces heures supplémentaires et de ces revenus supplémentaires pour améliorer leur salaire, qui avoisine les 450 euros par mois en moyenne.

Dans la gestion du courrier, les salariés ne sont pas rémunérés du temps de tri de ces courriers, qui se fait à domicile : ils reçoivent des courriers, ils doivent les trier par rue, par ordre dans la rue, et ce temps n'est pas pris en charge par l'entreprise. C'est la revendication principale qui nous avait conduits à déposer ce préavis de grève. Je précise qu'elle ne concerne pas la propagande électorale, pour laquelle le travail avait été fait en amont par les routeurs et par les régies.

Le turn-over observé dans cette entreprise est important : sur quelque 15 000 distributeurs, 793 en moyenne quittent l'entreprise chaque mois. Dans 79 % des cas, c'est pour une démission ou une fin de période d'essai : de nouveaux entrants ne restent jamais longtemps dans l'entreprise, et il faut énormément de candidats avant de stabiliser quelqu'un sur un poste de distributeur. Principalement, ces départs sont dus au fait qu'une partie du temps de travail n'est pas rémunérée - temps de tri du courrier, temps de trajet, parfois certains temps de distribution - ou que l'utilisation d'un véhicule personnel n'est que partiellement prise en charge, ou encore aux conditions de travail difficiles, avec une rémunération au salaire minimum.

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