Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale

Réunion du 13 juillet 2021 à 13h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

Source

Photo de François-Noël Buffet

Cette précision est importante, voire essentielle à nos yeux.

Je vous remercie de votre participation et nous vous enverrons certainement un questionnaire pour vous demander des pièces complémentaires.

La réunion est close à 10 h 30.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

La réunion est ouverte à 13 h 30.

Notre commission des lois a constitué une mission d'information disposant des pouvoirs d'une commission d'enquête pour éclaircir la situation liée aux événements des dernières élections départementales et régionales, et en particulier à la distribution de la propagande électorale.

Cette audition est ouverte à la presse. Elle sera diffusée en direct sur le site internet du Sénat et retransmise sur la chaîne Public Sénat.

Je vous rappelle également, pour la forme, qu'un faux témoignage est passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du Code pénal. Je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité. Levez la main droite et dites : « Je le jure. »

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, MM. Philippe Viroulet et Alain Gueguen prêtent serment.

Nous sommes heureux de vous recevoir. Vous êtes les représentants du syndicat Confédération autonome du travail (CAT) des personnels Adrexo, et nous aimerions avoir votre avis sur la situation que nous avons connue dans la distribution des documents de propagande qui ont été confiés à votre entreprise, et dont on a pu établir, par témoignage ou par constat, qu'un certain nombre n'ont pas été distribués et ont parfois même été abandonnés en plein milieu de forêts, brûlés ou déposés dans des halls d'immeubles...

Nous avons auditionné les dirigeants d'Adrexo. Il nous a paru important de recueillir votre point de vue, car il nous a été indiqué qu'un préavis de grève a été déposé au sein de l'entreprise. Nous aimerions en connaître les raisons, les conditions, et avoir votre regard sur la manière dont les choses se sont passées.

Debut de section - Permalien
Philippe Viroulet, délégué syndical central du syndicat Confédération autonome du travail des personnels Adrexo (CAT-Adrexo)

Merci d'écouter les salariés d'Adrexo, qui sont une partie importante de l'entreprise, puisque la distribution des documents se fait grâce à eux, chaque semaine, que ce soit pour les imprimés publicitaires ou pour le courrier. Ils font en général un travail remarquable et de qualité, dans des conditions difficiles. Nous sommes des représentants syndicaux, et nous représentons aujourd'hui l'ensemble des salariés d'Adrexo. Nous faisons partie de la Confédération autonome du travail (CAT), qui est une confédération créée en 1953. Le syndicat d'entreprise existe depuis 2010 et il est le premier syndicat de l'entreprise depuis 2020.

Les salariés d'Adrexo étaient un peu plus de 15 000 fin 2020 ; 58 % de ces distributeurs ont plus de 50 ans, et 25 %, plus de 64 ans. Ce sont majoritairement des retraités et des actifs, avec un tout petit peu d'étudiants. Les retraités cherchent un complément d'activité et un complément de revenu et les actifs, un complément de revenu. Les 15 000 distributeurs d'Adrexo sont pratiquement tous à temps partiel. Ils représentent environ 6 200 équivalents temps plein (ETP) ; 46 % d'entre eux disposent d'un contrat compris entre 7 et 12 heures par semaine, 16 % ont un contrat inférieur à 7 heures et 38 %, un contrat supérieur à 12 heures. Il s'agit donc vraiment de compléments de revenus et d'activité. La moyenne nationale des contrats pour Adrexo est de 14 heures par semaine.

Sur la zone qui concernait la diffusion de la propagande électorale et qui a été confiée à Adrexo, environ 8 000 distributeurs à temps partiel étaient présents, ce qui correspond à 2 600 ETP. Ceux-ci, en CDI chez Adrexo, sont très déçus, voire honteux, du traitement qui a été fait du travail qu'ils ont rendu. Ils sont habitués à distribuer chaque semaine des secteurs, des communes. Ils connaissent bien leur secteur et ont généralement très bien effectué leur mission. Les incidents que vous avez pu noter, comme des jets de documents, sont anecdotiques en ce qui concerne les salariés d'Adrexo.

Ceux-ci distribuent chaque semaine de la publicité. C'est un métier qui n'est pas facile : il nécessite de marcher et de porter des poids, et n'est pas très bien rémunéré. Malheureusement, pour cette opération de distribution de la propagande électorale, au premier tour, il n'y avait que 2 200 salariés en capacité de travailler pour cette mission. Il s'agissait de personnes en CDI, formées, habituées au secteur, qui ont travaillé pour le premier tour des élections départementales et régionales. Pour le deuxième tour, ils étaient 4 000.

Un préavis de grève a été déposé par notre syndicat pour des raisons simples. Adrexo est une entreprise où le climat social est extrêmement tendu. Il y a très peu de place pour la négociation. En 2020, par exemple, la direction n'a convoqué les organisations syndicales à des négociations qu'à quatre reprises, contre huit en 2018 et douze en 2019. Il y a très peu de respect des organisations syndicales en général, et notre syndicat a été victime d'un véritable tir de barrage quand il est devenu le premier syndicat de l'entreprise, avec plusieurs manoeuvres auprès de notre confédération, en proposant un don, et en contestant en justice l'ensemble des mandats syndicaux. Le groupe Hopps se refuse depuis 2017 à créer un comité de groupe, et nous n'avons eu aucune négociation sur ce point. Adrexo n'a signé qu'une seule fois un accord concernant les négociations annuelles obligatoires, en 2017, qui a octroyé 9 euros par mois à une centaine de salariés de l'entreprise. On a dénombré 83 nouveaux dossiers prud'homaux en 2020, 135 en 2019, et 139 en 2018.

Nous avons voulu attirer l'attention en déposant ce préavis de grève, qui permettait aux distributeurs qui n'auraient pas souhaité faire ces travaux de ne pas les faire. Il a été assez peu suivi car ceux qui étaient en capacité de faire ce travail ont besoin de ces heures supplémentaires et de ces revenus supplémentaires pour améliorer leur salaire, qui avoisine les 450 euros par mois en moyenne.

Dans la gestion du courrier, les salariés ne sont pas rémunérés du temps de tri de ces courriers, qui se fait à domicile : ils reçoivent des courriers, ils doivent les trier par rue, par ordre dans la rue, et ce temps n'est pas pris en charge par l'entreprise. C'est la revendication principale qui nous avait conduits à déposer ce préavis de grève. Je précise qu'elle ne concerne pas la propagande électorale, pour laquelle le travail avait été fait en amont par les routeurs et par les régies.

Le turn-over observé dans cette entreprise est important : sur quelque 15 000 distributeurs, 793 en moyenne quittent l'entreprise chaque mois. Dans 79 % des cas, c'est pour une démission ou une fin de période d'essai : de nouveaux entrants ne restent jamais longtemps dans l'entreprise, et il faut énormément de candidats avant de stabiliser quelqu'un sur un poste de distributeur. Principalement, ces départs sont dus au fait qu'une partie du temps de travail n'est pas rémunérée - temps de tri du courrier, temps de trajet, parfois certains temps de distribution - ou que l'utilisation d'un véhicule personnel n'est que partiellement prise en charge, ou encore aux conditions de travail difficiles, avec une rémunération au salaire minimum.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Merci pour cette présentation d'une situation sociale particulière... Sur la situation plus spécifique de la distribution de la propagande électorale, avez-vous été alertés par des salariés qui, finalement, n'y arrivaient pas ? La distribution de plis adressés leur a-t-elle parue beaucoup trop compliquée, au point d'exercer sur eux une pression énorme ? Comment l'entreprise a-t-elle pris en compte ces difficultés et accompagné les salariés pour qu'ils puissent mieux exercer leur tâche ? Il y a tout de même un enjeu démocratique derrière, et l'on n'évalue pas la rentabilité commerciale comme on évalue la rentabilité démocratique. Je comprends toutefois que les salariés concernés étaient exemptés de l'organisation de la tournée. Comment, d'ailleurs, les tournées sont-elles organisées pour être aussi rentables que possible ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Les dirigeants d'Adrexo nous ont décrit la formation dispensée. Vous avez dit que les salariés d'Adrexo connaissent bien leur terrain. Ont-ils des zones affectées ? Avez-vous quadrillé la France, ou les zones qui vous ont été affectées par l'appel d'offres ? Nous avons entendu des choses assez terrifiantes, notamment au sujet d'une formation à la géolocalisation par rapport à une grande enseigne de vente de meubles qui ne semble pas très pertinente dans nos territoires ruraux...

Vos collègues ont-ils des relations avec les sous-traitants ? Je comprends que les salariés d'Adrexo aient été choqués de la mauvaise publicité faite par cette opération, mais la réalité est que l'uberisation de la fonction par la sous-traitance éloigne manifestement de la connaissance du terrain. Avez-vous transmis votre savoir et votre méthodologie ? Avez-vous été tuteurs, en quelque sorte, des sous-traitants ? Avez-vous eu des échanges avec les syndicats des entreprises sous-traitantes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Le Rudulier

Vous avez dit que 2 000 salariés ont été mobilisés pour le premier tour, sur un total de 15 000. C'est une mobilisation assez faible par rapport à l'ensemble de l'effectif... Est-ce pour cela qu'Adrexo a dû faire appel à de l'intérim ? Vous avez doublé le nombre de salariés d'Adrexo impliqués entre le premier et le second tour. Cela reflète-t-il une volonté, de la part de la société, de corriger les effets néfastes du recours excessif à l'intérim ? On a pu vérifier que la qualité de la prestation n'était pas au rendez- vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Vous avez dit qu'au premier tour, 2 200 salariés formés, en CDI, étaient disponibles. S'agit-il de salariés ou d'ETP ? Même question sur le chiffre de 4 000 que vous avancez pour le second tour. Je suppose que, pour le deuxième tour, une grande partie des distributeurs provenaient de l'intérim. La Poste forme les nouveaux salariés en leur faisant faire des tours à blanc. Cette pratique vous est-elle connue, ou Adrexo se contente-t-elle de modules de formation ? Quelles ont été, selon vous, les difficultés de l'entreprise au deuxième tour ? Quelle est votre lecture de la désorganisation qui a eu lieu au second tour dans la distribution d'une partie des plis ?

Debut de section - Permalien
Philippe Viroulet, délégué syndical central du syndicat Confédération autonome du travail des personnels Adrexo (CAT-Adrexo)

En temps normal, pour la distribution de la publicité, la société dispose de distributeurs formateurs qui sont en capacité d'accompagner les nouveaux entrants, de les former à la lecture d'un plan, à la préparation des documents et, ensuite, sur le terrain, à la distribution, en accompagnant les débuts. Ce dispositif n'était pas en place pour la distribution de la propagande électorale, et les personnes qui ont été engagées en intérim n'ont bénéficié que d'une vidéo diffusée par certains prestataires d'intérim, et d'une formation d'environ une heure dans les sites où étaient stockés les imprimés, sur la façon dont il fallait appréhender la tournée, avec la remise d'un plan et quelques explications sur les modalités de distribution. Pas d'accompagnement pour les intérimaires, donc.

Les personnes en CDI, en revanche, étaient la plupart du temps affectées à leur tournée habituelle. Ils connaissent donc les rues, ils connaissent leur secteur. Il s'agissait de 2 200 individus, soit environ 800 ETP, et de 4 000 personnes au deuxième tour, soit environ 1 200 ETP. Ils n'ont pas eu de difficultés pour distribuer les plis électoraux dont ils ont disposé. Il s'agissait d'un travail supplémentaire, avec une tournée dédiée à la distribution de la propagande électorale, qui se faisait en fin de semaine, alors qu'ils avaient distribué leurs publicités en début de semaine. Mais ils restaient dans leurs zones affectées : on appelle cela la fidélisation au sens de la convention collective de la distribution directe.

La mobilisation des salariés peut paraître faible. Elle fut effectivement assez limitée, mais pour des raisons qui tiennent au fait que les salariés sont à temps partiel, et qu'ils ont souvent un emploi ailleurs, pour compléter ce temps partiel chez Adrexo. Ils n'ont pas forcément la liberté de travailler un jour, deux jours ou trois jours supplémentaires, parce qu'ils sont occupés sur un autre emploi. Un contrat de sept heures, par exemple, peut tout à fait se cumuler avec les 35 heures : on l'exécute en deux ou trois soirées, sachant que la préparation se fait à domicile, le week-end par exemple. Pour quelqu'un qui a 700 boîtes aux lettres à visiter, c'est tout à fait possible.

Le nombre de CDI a augmenté entre le premier et le second tour, car la société Adrexo a sollicité énormément de salariés en CDI d'autres régions qui n'étaient pas concernées par la distribution au départ, et ont été déplacés, avec mise à disposition d'hôtels, vers des régions qui avaient besoin de personnel.

Quelles furent les causes de ces dysfonctionnements ? Au premier tour, les 2 200 individus en CDI n'ont pas eu de problèmes pour la distribution. Il y avait 4 000 intérimaires, sur un besoin évalué au départ à 18 000 personnes au total. Entre les CDI et les intérimaires, on était donc à 6 200 personnes, ce qui était clairement insuffisant.

Au premier tour, sur les 4 000 salariés intérimaires, 1 500 ont abandonné lors de la première journée de travail. Le nombre d'intérimaires est donc descendu d'un seul coup. Il faut dire qu'ils étaient partis avec un coffre plein d'enveloppes, sur un secteur qu'ils ne connaissaient pas, faire un métier qu'ils ne connaissaient pas, après une formation qui a duré environ une heure...

Au deuxième tour, la situation a été très différente et, de notre point de vue, n'a pas posé autant de problèmes qu'au premier tour. Les choses ont été très vite, et d'autres problèmes sont arrivés : les routeurs, les imprimeurs, toute la chaîne amont, les livraisons... Mais Adrexo disposait de 4 000 personnes en CDI. Certes, celles-ci ne connaissaient pas les secteurs, mais elles connaissaient le métier, et n'étaient pas totalement perdues. Quelque 11 000 intérimaires ont été recrutés pour le deuxième tour, dont 3 000 ont abandonné dans la première journée.

Debut de section - Permalien
Philippe Viroulet, délégué syndical central du syndicat Confédération autonome du travail des personnels Adrexo (CAT-Adrexo)

Effectivement, mais ils sont arrivés parfois tardivement - et ont tout de même été pris en charge par les équipes.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Pour les zones, principalement urbaines, où il y a des interphones, des codes, des badges d'accès, comment font les intérimaires ? Les milliers de démissions que vous avez mentionnées ont-elles été compensées par autant d'embauches ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Ces démissions sont-elles dues au fait que les personnes concernées étaient dépassées par la tâche ? Qu'est-il advenu des documents qu'ils avaient ? Les ont-elles rapportés ?

Debut de section - Permalien
Philippe Viroulet, délégué syndical central du syndicat Confédération autonome du travail des personnels Adrexo (CAT-Adrexo)

Il n'y a que 15 400 distributeurs, mais le besoin exprimé par l'entreprise en interne s'élevait à 18 000 personnes. Adrexo dispose d'une licence postale et, à ce titre, des badges électroniques et des passes PTT pour accéder aux immeubles, ou au moins aux sas qui contiennent les boîtes aux lettres. La société avait mis à disposition des salariés le matériel nécessaire pour disposer de ces badges et de ces clés en nombre suffisant, y compris pour les intérimaires. En ce qui concerne les réembauches après les abandons, je n'ai pas d'informations, je ne connais que le total des salariés qui ont été recrutés : 4 000 en intérim et 1 500 abandons. Les réseaux d'entreprises de travail temporaire ont été sollicités en continu pour fournir tout au long de l'opération des salariés et, éventuellement, de nouveaux salariés.

Vous m'interrogez sur le retour des documents, dans les cas d'abandon. La formation indiquait qu'il fallait donner une importance particulière à la valeur des documents qui étaient distribués et que, si d'aventure le salarié souhaitait arrêter sa tournée, il devait les rapporter. Il était d'ailleurs obligé de déposer un rapport indiquant le nombre d'heures effectuées. C'était l'occasion de rendre les documents qu'il n'avait pas distribués, en indiquant sur le plan la zone non desservie. Il était possible de réaffecter un salarié pour poursuivre une distribution qui avait été interrompue.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Pourrions-nous obtenir une copie des contrats qui sont donnés aux salariés, et des notes de service ?

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Question un peu plus délicate : l'organisation prévue par l'entreprise a-t-elle été à la hauteur des enjeux ?

Debut de section - Permalien
Alain Gueguen, secrétaire général du syndicat Confédération autonome du travail des personnels Adrexo (CAT-Adrexo)

Notre présence ici donne une partie de la réponse : non, l'entreprise n'a pas su anticiper et construire la réponse attendue.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Le personnel qui devait remplir cette mission avait-il conscience de la différence de l'enjeu de cette distribution par rapport à ce qui est fait habituellement ? Il s'agissait de la distribution d'un courrier adressé à vocation électorale...

Debut de section - Permalien
Alain Gueguen, secrétaire général du syndicat Confédération autonome du travail des personnels Adrexo (CAT-Adrexo)

Sur le terrain, il avait une réelle conscience, dans les agences, que cette opération, appelée Propaganda en interne, était essentielle pour l'image d'Adrexo. Mais nous n'avions aucune responsabilité sur la mise en oeuvre de toutes les solutions décrites.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

À la réflexion, est-ce une mission que vous souhaiteriez continuer à effectuer ?

Debut de section - Permalien
Alain Gueguen, secrétaire général du syndicat Confédération autonome du travail des personnels Adrexo (CAT-Adrexo)

Les salariés ont envie de faire leurs preuves.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Comment les cadences de distribution sont-elles fixées ? Y a-t-il un nombre moyen de boîtes aux lettres par heure ?

Debut de section - Permalien
Philippe Viroulet, délégué syndical central du syndicat Confédération autonome du travail des personnels Adrexo (CAT-Adrexo)

La distribution a évolué ces dernières années, notamment avant la reprise par les actionnaires actuels de la société Adrexo, puisque la convention collective prévoyait auparavant une pré-quantification du temps de travail, calculée en fonction du nombre de boîtes aux lettres, de la difficulté du secteur, et de différents paramètres, du poids des documents, etc. Ce temps pré-quantifié a fait l'objet de deux annulations par le Conseil d'État, ce qui le rendait inapplicable à la société Adrexo. Celle-ci a donc négocié, peu avant la cession, un accord d'entreprise qui mettait en place un système de badgeuses permettant de mesurer le temps de travail et de localiser le salarié non pas en temps réel, mais à la fin de sa distribution. L'entreprise peut ainsi vérifier le temps de travail, la qualité du travail, et elle peut s'assurer que le travail a bien été réalisé sur le secteur prévu.

Lorsqu'il y a du courrier, celui-ci est distribué en même temps que les documents publicitaires. Le distributeur passe devant une boîte aux lettres ; la badgeuse lui signale qu'il a un pli adressé à remettre à une adresse à proximité ; il met la publicité et fait un geste supplémentaire en distribuant un courrier au passage. Pour la propagande électorale, c'était une tournée dédiée, car il aurait été tout à fait impossible d'avoir autant de documents à distribuer en même temps que la publicité. En ce qui concerne la rémunération, c'est normalement cette badgeuse qui prend en compte la réalité du temps passé sur le secteur et génère une rémunération.

À l'arrivée des actionnaires actuels, un certain nombre de dispositifs ont été mis en oeuvre, qui replacent le salarié dans la position d'être payé au temps pré-quantifié, par exemple s'il utilise mal sa badgeuse, ou si elle ne fonctionne pas. Il existe aussi un dispositif qui permet de bloquer le temps de travail : c'est le fameux Temps max, que nous critiquons depuis sa mise en oeuvre, et qui bloque le travail du salarié à un temps de référence déterminé. Le salarié dispose d'un code qu'il doit taper pour débloquer sa badgeuse - si le manager lui en a donné un. Sinon, il doit cesser de travailler et rentrer chez lui.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Ce Temps max a-t-il été appliqué pour la distribution de la propagande électorale ?

Debut de section - Permalien
Philippe Viroulet, délégué syndical central du syndicat Confédération autonome du travail des personnels Adrexo (CAT-Adrexo)

Non. L'application utilisée sur la badgeuse pour la propagande électorale permettait d'ailleurs une géolocalisation des salariés en temps réel, contrairement à l'application classique de mesure du temps de travail. Cette application ne comportait pas de limitation du temps nécessaire à la distribution : le salarié pouvait aller au bout de sa tournée sans avoir à générer un code pour débloquer sa badgeuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Je ne connais pas précisément le poste de travail que vous décrivez, fort bien du reste. Pour le salarié qui est en train de distribuer, les plis de propagande électorale sont-ils source d'un revenu supplémentaire ? Il y a eu beaucoup de défaillances la première journée : est-ce parce que les intéressés ont compris que le rapport entre ce qu'ils vont gagner et ce que ça leur coûte est particulièrement défavorable pour eux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Vous nous avez donné la proportion des CDI dans l'entreprise qui ont effectué ces tournées, faible, notamment pour des raisons d'incompatibilité avec une autre fonction. Chaque salarié a-t-il été contacté pour savoir s'il était intéressé ? Y a-t-il eu des négociations particulières sur des prises en charge ou des compensations, pour s'assurer qu'un grand nombre de CDI puissent faire ses missions ? À quelle date l'entreprise a-t-elle procédé, en interne, à ce recensement auprès des salariés, pour estimer les besoins en personnel intérimaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

En tant que délégué au comité d'entreprise, vous devez connaître le bilan économique de l'entreprise. Avez-vous eu connaissance de difficultés financières ou de rémunérations disproportionnées à l'intérieur de l'entreprise, qui auraient pénalisé la juste rémunération de certains de vos salariés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Le Rudulier

Vous nous avez dit que la formation comportait deux temps : la diffusion d'une vidéo, et une mise en pratique d'une heure. Cette formation vous paraît-elle suffisante ? Dans le groupe La Poste, il y a trois ou quatre heures de formation pratique et deux jours de tournée avec le facteur qui a l'habitude de pratiquer le secteur.

Debut de section - Permalien
Philippe Viroulet, délégué syndical central du syndicat Confédération autonome du travail des personnels Adrexo (CAT-Adrexo)

L'impact sur la rémunération est important, puisque quelqu'un qui fait une tournée de distribution publicitaire habituelle, hebdomadaire, aura à peu près le même salaire chaque semaine. Quelqu'un qui a une tournée dédiée de courrier supplémentaire va voir s'ajouter à son salaire le temps réel qu'il va passer à distribuer ces plis : s'il y passe dix heures, il aura sur cette semaine dix heures de rémunération supplémentaire. Cela se traduit donc immédiatement sur le bulletin de salaire par des heures supplémentaires.

Le recensement des besoins et des personnes disponibles a commencé dès le mois de février.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Vraiment ? Heureusement que nous avons reporté les élections !

Debut de section - Permalien
Philippe Viroulet, délégué syndical central du syndicat Confédération autonome du travail des personnels Adrexo (CAT-Adrexo)

Le recrutement a été terminé au moins deux mois avant l'opération de distribution. Il s'agissait de connaître les personnes qui allaient être en capacité d'y participer et de prévoir avec elles les secteurs qui allaient leur être affectés. Certains distributeurs n'ont pas pu prendre tous les secteurs qu'ils assurent habituellement en publicité, parce que cette opération prenait beaucoup de temps.

La vidéo durait cinq minutes, et était très synthétique et pratique. La formation proposé n'a pas été suffisante, à notre avis. Le dispositif employé pour accompagner les nouveaux distributeurs de publicité par des formateurs est un moyen de limiter le turn-over. Il n'a pas été mis en place pour la propagande électorale, et a beaucoup manqué : l'accompagnement sur le terrain permet de rassurer le distributeur, et de lui montrer quelques gestes et méthodes. Des salariés intérimaires auraient pu être formés spécifiquement à l'accompagnement des collègues... La comparaison avec La Poste est difficile, car le modèle économique d'Adrexo repose sur des salariés à temps partiel, alors que nos collègues de La Poste sont presque tous à temps plein.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Vous venez dire « nos collègues de La Poste ». Est-ce à dire que vous considérez que vous faites le même métier ?

Debut de section - Permalien
Philippe Viroulet, délégué syndical central du syndicat Confédération autonome du travail des personnels Adrexo (CAT-Adrexo)

De plus en plus, parce que l'activité de distribution publicitaire n'était pas spécifiquement en concurrence avec La Poste, autrefois, mais avec une filiale de La Poste, qui opère désormais davantage en milieu urbain et sous-traite à La Poste - comme Adrexo - les zones rurales. Et comme le courrier est venu s'ajouter en 2017 et 2018 à l'activité de l'entreprise, le salarié fait un travail comparable à ce que peut faire un facteur, même si le volume de courrier n'est pas le même. C'est d'ailleurs pour nous un point de valorisation du métier. L'importance d'un courrier nominatif adressé permet aussi aux salariés d'Adrexo se considérer comme étant de vrais porteurs de messages, au-delà de la publicité.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Un article publié récemment dans Le Monde laisse entendre que les dirigeants du groupe auraient délibérément affaibli Adrexo dans le but d'améliorer les résultats de Colis privé, avant l'entrée en bourse de cette dernière société. Qu'en pensez-vous ?

Debut de section - Permalien
Alain Gueguen, secrétaire général du syndicat Confédération autonome du travail des personnels Adrexo (CAT-Adrexo)

Adrexo fait partie du groupe Hopps, créé en 2017 et qui a repris Adrexo avec une soulte de l'ordre de 65 millions d'euros plus le siège, d'une valeur d'une vingtaine de millions d'euros. Cette entreprise était parfaitement connue des repreneurs actuels, puisqu'ils avaient été respectivement directeur général d'Adrexo et d'Adrexo Colis entre 2008 et 2012, quand la filiale Adrexo Colis avait été sortie d'Adrexo avec une soulte de 50 millions d'euros. Le groupe se reconstitue en 2017 avec les actionnaires actuels. Ensuite, il ne s'agit que de choix stratégiques. Oui, nos experts comptables ont mis le doigt sur les déséquilibres qu'il y avait et sur les liens entre Adrexo Colis et Colis privé. De vrais choix stratégiques sont faits. Nous sommes convaincus qu'Adrexo peut être une entreprise d'avenir puisqu'elle procure la capacité à couvrir le dernier mètre. À l'ère d'internet, c'est une vraie valeur ajoutée. Adrexo offre aussi une vraie alternative à un monopole, celui de La Poste. Elle a un vrai avenir, mais ses dirigeants en font ce qu'ils sont en train d'en faire...

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Merci.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 14 h 25.