Intervention de Jean-Pierre Vial

Réunion du 5 mai 2010 à 14h30
Conseil économique social et environnemental — Adoption d'un projet de loi organique en procédure accélérée

Photo de Jean-Pierre VialJean-Pierre Vial, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi organique dont nous sommes saisis constitue la deuxième étape de la transformation du Conseil économique et social, après l’adoption de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a fait de cette institution le Conseil économique, social et environnemental.

Au-delà de ce qui pourrait être considéré par certains comme une simple mais nécessaire adaptation sémantique pour répondre à l’évolution de notre société, ce projet de loi organique mettant en œuvre la réforme constitutionnelle de 2008 procède à une véritable refondation du Conseil économique et social, refondation dont nos assemblées parlementaires auront à prendre toute la mesure et dans laquelle elles sont appelées à prendre toute leur part – j’allais dire « toute leur responsabilité » – pour en permettre la réussite.

Victime soit d’une certaine méconnaissance, soit d’appréciations parfois sévères, le Conseil économique et social devait faire l’objet d’un repositionnement clair dans nos institutions.

Les conclusions du rapport de M. Dominique-Jean Chertier, remis à M. le Président de la République, et les propositions de M. Édouard Balladur sur la réforme de nos institutions sont venues fort opportunément nourrir le chantier dont le présent projet de loi organique est l’aboutissement.

Originale dans notre histoire, l’institution aura vécu bien des transformations depuis sa création, en 1925, et la confortation de son existence par l’acquisition, en 1946, d’un statut constitutionnel, finalement confirmé en 1958, dans un contexte qui a donné lieu aux débats que l’on sait.

Alors que le Conseil économique et social est aux termes mêmes de la Constitution une troisième chambre, ses relations avec le Parlement, qui ne sont jamais devenues vraiment réalité, se sont profondément distendues. Que son autosaisine soit à l’origine des trois quarts de son activité illustre bien cette situation !

C’est dire que la réforme engagée constitue une réelle et nécessaire évolution de cette institution représentative de la société civile, de surcroît à un moment où bien d’autres pays souhaitent se doter ou se dotent d’un conseil économique et social.

La réforme constitutionnelle portait sur trois grands enjeux : le champ de compétence et les missions du Conseil ; son organisation et son fonctionnement ; sa composition.

En ce qui concerne d’abord le champ de compétence du Conseil économique, social et environnemental, l’article 1er du projet de loi organique pose clairement l’objet et les missions de celui-ci : assurer la participation des principales activités du pays à la politique économique, sociale et environnementale de la nation ; examiner les évolutions en matière économique, sociale et environnementale ; suggérer les adaptations qui lui paraissent nécessaires.

Nous souscrivons entièrement à l’esprit qui a conduit l’Assemblée nationale à demander le rétablissement, parmi les missions imparties au Conseil, de celle qui vise à favoriser la collaboration des principales activités du pays afin d’assurer leur plus forte participation aux politiques mises en œuvre.

C’est dans cet esprit que nous vous proposons, mes chers collègues, de soutenir la promotion des échanges du Conseil économique, social et environnemental avec les conseils économiques et sociaux régionaux et avec le Comité économique et social européen, ainsi qu’avec les assemblées consultatives existant à l’étranger, dans le prolongement d’une action déjà largement mise en œuvre par le Conseil économique et social, sur l’initiative de son président, M. Jacques Dermagne.

Le rôle du Conseil économique, social et environnemental se trouve renforcé par l’article 3 en ce qui concerne ses relations avec les deux assemblées puisqu’il peut désormais appeler l’attention non plus seulement du Gouvernement, mais aussi du Parlement, « sur les réformes qui lui paraissent nécessaires », rédaction d’ailleurs plus satisfaisante que celle du texte initial.

Nous nous trouvons là au cœur de la question de l’équilibre entre les missions qui relèvent du Conseil économique, social et environnemental et les pouvoirs dévolus aux assemblées parlementaires.

La révision de 2008 permet au Parlement de consulter le Conseil économique, social et environnemental.

À cet égard, je citerai Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, qui, dans son rapport sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, écrit à propos de la consultation du Conseil économique, social et environnemental par le Parlement qu’« il semble en effet légitime que les deux assemblées puissent recueillir l’avis des représentants des organisations professionnelles et des associations dans le cadre de leurs activités de prospective et d’évaluation de la législation et des politiques publiques ».

Enfin, la saisine du Conseil par voie de pétition va nécessairement renforcer les liens entre le Conseil économique, social et environnemental et la société civile.

Si cette procédure ouvre au Conseil économique, social et environnemental un nouveau champ d’action conforme à sa vocation originelle de garant de la démocratie consultative, d’intermédiaire entre les citoyens et les pouvoirs publics, encore convient-il que ce nouveau champ d’action ne soit pas source d’une complexité et d’une lourdeur de fonctionnement qui compromettrait la rénovation attendue de cette institution.

C’est pourquoi, tout en approuvant globalement le dispositif proposé, la commission des lois souhaite fortement que soit retenue l’analyse de notre collègue Jean-Claude Frécon, qui s’est prononcé en faveur d’un contrôle des signatures effectué par « échantillonnage ».

En ce qui concerne ensuite le fonctionnement du Conseil économique, social et environnemental, si l’extension du champ de ses compétences est de nature à renforcer son rôle, celui-ci dépendra aussi beaucoup des conditions dans lesquelles il pourra exercer ses missions.

Les deux possibilités de saisine, par les assemblées parlementaires d’une part, par les citoyens d’autre part, constituent un élément important de la réforme.

Sa consultation, à la demande du président de l’Assemblée nationale ou du président du Sénat, est un aspect majeur du rôle que peut et doit jouer le Conseil économique, social et environnemental aux côtés des assemblées parlementaires.

Dans un souci de bonne gestion des pétitions déclarées recevables, l’avis devra être rendu dans un délai maximum d’un an, étant précisé que les avis consécutifs à une pétition doivent être rendus par l’assemblée plénière.

De la même façon, pour faciliter la saisine pour avis du Conseil par les assemblées parlementaires, il est nécessaire qu’une procédure d’urgence puisse être prévue lorsque les conditions l’imposent.

L’article 2 de l’ordonnance du 29 décembre 1958 prévoit une procédure d’urgence, à la demande du Gouvernement, qui impose au Conseil de donner son avis dans un délai d’un mois.

La commission des lois a souhaité compléter ce dispositif en prévoyant que, lorsque le Conseil économique, social et environnemental est saisi d’urgence par le Gouvernement ou par une assemblée, un projet d’avis peut être émis par la section compétente. Cette procédure s’inspire de la pratique de notre assemblée en matière de résolutions européennes.

Ce projet d’avis ne deviendrait l’avis du Conseil qu’après un délai de trois jours suivant sa publication, permettant ainsi au président du Conseil ou à dix de ses membres d’éventuellement demander son examen en assemblée plénière.

Derrière des aspects techniques, il s’agit en réalité d’assurer au Conseil économique, social et environnemental un fonctionnement qui soit en harmonie avec celui des assemblées parlementaires afin de parvenir à la complémentarité des institutions voulue par le constituant.

J’en viens enfin à la composition et la représentativité du Conseil économique, social et environnemental.

Il n’est nullement besoin de souligner que les critiques le plus fréquemment formulées à l’égard de l’institution concernent sa composition, qui n’a été que très faiblement adaptée depuis 1958, et donc sa représentativité.

Le projet de loi organique tend à améliorer cette représentativité en élargissant la place des femmes et en ouvrant le Conseil aux associations environnementales.

La nouvelle composition sera structurée autour de trois pôles : le pôle relatif à la vie économique et au dialogue social, avec 140 membres, soit 60, 1 % de l’effectif total ; le pôle relatif à la cohésion sociale et territoriale et à la vie associative, avec 60 membres, soit 25, 75 % de l’effectif total ; le pôle relatif à la protection de la nature et de l’environnement, avec 33 membres, soit 14, 15 % de l’effectif total.

La composition du Conseil s’ouvre en réalité à deux nouvelles catégories de membres : d’une part, les jeunes et les étudiants, représentés par quatre membres ; d’autre part, les associations et fondations agissant dans le domaine de protection de la nature et de l’environnement.

Cette nouvelle composition est difficile à mettre en œuvre, car la Constitution limite désormais l’effectif du Conseil économique, social et environnemental à 233 membres.

Le projet de loi organique complète cette règle en instaurant la parité, en abaissant de vingt-cinq à dix-huit ans l’âge requis pour siéger au Conseil et en limitant à deux le nombre de mandats.

Si l’on peut considérer que cette recomposition du Conseil répond à l’impératif de représenter au mieux l’ensemble des composantes de la société civile, encore conviendra-t-il de satisfaire aux conditions de représentativité, lesquelles, il faut bien le reconnaître, monsieur le ministre, constituent le point faible de ce projet de loi organique.

À la décharge du Gouvernement, je reconnais volontiers que nous nous trouvons dans une situation de transition et que c’est bien cette contrainte de circonstance et de non-compatibilité des calendriers qui ne permet pas de prévoir, dès ce projet de loi organique, une représentation aussi satisfaisante que souhaitable.

C’est pour ne pas reproduire les errements du passé qu’il est proposé que soient reconsidérées tous les dix ans les conditions de représentativité des différentes composantes du Conseil, le premier examen devant intervenir quatre ans après le renouvellement du Conseil en 2010. Ainsi pourra être prise en compte l’entrée en vigueur la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, qui pose les nouvelles règles de la représentativité syndicale.

C’est avec la même exigence que devront être reconsidérés les critères de représentativité de la vie économique ainsi que de la cohésion sociale et territoriale.

Concernant les conditions de représentativité de la nouvelle composante environnementale, nous prenons acte du fait que le Gouvernement entend s’inspirer des recommandations du Grenelle de l’environnement et des conclusions du rapport de notre collègue député Bertrand Pancher, qui retient trois catégories d’acteurs environnementaux.

Cette première révision sera l’occasion d’assurer plus précisément la représentativité des différentes composantes de la société civile dans sa diversité économique, sociale et environnementale.

La proposition de fléchage de personnalités issues des entreprises publiques et de personnalités dirigeant des entreprises conduisant une action environnementale procède de cette exigence.

C’est parce que la représentativité constitue l’un des piliers forts du Conseil économique, social et environnemental qu’il est proposé que l’examen de ces révisions fasse l’objet d’un rapport du Gouvernement au Parlement, après avis du Conseil économique, social et environnemental.

Enfin, il convient de souligner la situation particulière des personnalités qualifiées.

L’encadrement apporté par le projet de loi organique en ce qui concerne la nature et la durée des missions pour les personnalités associées constitue une vraie garantie, de nature à répondre aux critiques qui avaient été formulées.

Pour ce qui a trait aux personnalités qualifiées, nous avons bien compris votre message, monsieur le ministre, mais il est tout aussi important que les conditions de désignation puissent offrir les mêmes garanties. C’est pour satisfaire à cette exigence de transparence et d’expertise que la commission souhaite leur désignation après avis des présidents des deux assemblées parlementaires.

Monsieur le ministre, c’est dans ce souci d’équilibre qu’il est demandé avec insistance au Gouvernement que le choix des personnalités qualifiées, au-delà de leur qualité et de leur expertise, respecte la nécessité d’assurer la représentation la plus équilibrée possible dans la période intermédiaire de quatre ans après le renouvellement.

Ensuite, lorsque les critères de la représentativité auront été affinés, nous pourrons parachever le travail relatif à la composition de cette institution.

Mes chers collègues, ce projet de loi organique ne constitue donc pas un simple toilettage du Conseil économique et social ; il pose le cadre et les règles d’une refondation de cette institution, mais encore conviendra-t-il que les uns et les autres s’engagent à la faire vivre dans le respect de l’esprit de notre Constitution.

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