Intervention de Dominique Estrosi Sassone

Réunion du 13 juillet 2021 à 14h30
Différenciation décentralisation déconcentration et simplification — Articles additionnels après l'article 30

Photo de Dominique Estrosi SassoneDominique Estrosi Sassone :

Madame la ministre, loin de moi l’idée de contester que la pérennisation des résidences touristiques dans les zones de montagne est un enjeu important pour conserver la vitalité économique et l’attractivité de ces territoires. La multiplication des résidences secondaires – tous ceux qui habitent à proximité de stations de sports d’hiver le savent bien – est souvent vécue difficilement par les territoires concernés.

Cependant, à ce stade, votre amendement soulève un certain nombre de questions.

D’abord, le droit de priorité est aujourd’hui attribué par la loi au locataire pour qu’il puisse accéder à la propriété du local qui est son gagne-pain. Ouvrir une brèche dans ce principe, c’est-à-dire une possibilité de délégation de ce droit, entraînerait, me semble-t-il, un dévoiement du dispositif. On peut craindre que cela n’ouvre la porte à des pressions sur les exploitants historiques de ces hébergements pour les faire renoncer à leurs droits et les céder.

En outre, la finalité même du droit de priorité délégué n’est pas clairement définie. La rédaction prévue ne mentionne pas de finalité d’intérêt général, par exemple pour bénéficier du droit. La durée de l’engagement à maintenir l’activité de la résidence est de neuf ans seulement, ce qui me paraît très faible au regard de la dérogation ainsi consentie.

Un autre élément nous inspire des réserves. La mesure pose question au regard du droit de la concurrence. Comme vous l’avez d’ailleurs indiqué, le dispositif permettrait à des opérateurs privés commerciaux à but lucratif de bénéficier de quasi-prérogatives d’ordre public, d’ordinaire réservées à la commune ou à l’EPCI, pour acquérir en priorité de tels biens. Je crains que cela ne crée d’énormes foncières privées susceptibles d’acquérir peu à peu la propriété de toutes les résidences de tourisme à la ronde, et ce potentiellement au détriment de l’écosystème touristique local.

À ce stade, rien ne nous garantit qu’il n’y ait pas d’opérateurs privés complètement étrangers au territoire sur lequel ils voudront récupérer ces propriétés. Nous pourrions ainsi voir des opérateurs alsaciens – je n’ai rien contre eux – venir tout récupérer en Savoie ou en Haute-Savoie. Ce serait, je le crois, de nature à porter atteinte à l’écosystème touristique local.

Enfin, nous n’avons reçu aucune forme d’assentiment des autorités locales. Vous avez parlé d’une concertation, en indiquant que cela s’effectuerait avec les élus locaux. Mais rien ne le garantit dans l’amendement. Vous l’avez affirmé oralement ; il n’y a rien d’écrit.

Même si le sujet mérite un véritable débat et s’il y aurait peut-être de quoi avancer, nous n’avons pas eu le temps de mener des travaux plus approfondis ou de procéder à des auditions. Convenez-en, cela pourrait faire l’objet d’un texte spécifique.

Par conséquent, la commission des affaires économiques émet un avis défavorable sur cet amendement.

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