Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la deuxième année consécutive, il nous est présenté un projet de loi de règlement des comptes de l’État dans des circonstances exceptionnelles, avec des conditions sanitaires économiques et sociales dégradées.
Cet examen est l’occasion, pour mon groupe, de revenir sur les choix budgétaires qui ont été les vôtres durant cette année.
La politique du « quoi qu’il en coûte », qui a bien entendu pesé sur les comptes publics, n’est évidemment pas remise en question, alors même que le « quoi qu’il en coûte » va coûter très cher aux mêmes.
Je salue au passage la volonté du Gouvernement de faire passer en force, coûte que coûte, un dérivatif de réforme des retraites – elle n’est ni faite, ni à faire –, ainsi que la réforme de l’assurance chômage, qui arrive à point nommé alors que la France compte 8 % de chômeurs.
En revanche, il est des fondamentaux intangibles dans vos politiques budgétaires.
Tout d’abord, monsieur le ministre, en conduisant une politique de l’offre et en « oubliant », contre l’avis de la très grande majorité des économistes, toute politique de la demande, vous laissez se creuser les inégalités et se développer la pauvreté, après un début de quinquennat pourtant très marqué par les dégâts causés en la matière.
Vous aviez déjà casé dans le plan de relance une baisse de 10 milliards d’euros des impôts de production, une concession au Mouvement des entreprises de France, le Medef, qui n’avait aucun rapport avec le covid. Cette fois, vous avez ajouté 4 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales supplémentaires.
Ces choix-là sont tout sauf neutres ; ils portent en eux, l’idéologie qui vous anime en la matière. En effet, cela fait près de vingt-cinq ans qu’une telle politique est suivie de très peu, voire d’aucun effet sur l’emploi et la compétitivité. En revanche, elle prive de manière significative la protection sociale de recettes.
Ironie du calendrier, l’Insee vient de souligner combien la protection sociale était essentielle face à la tendance du capitalisme français à l’augmentation des inégalités de revenus primaires : les 20 % les plus aisés empochent neuf fois ce que gagnent les 20 % les plus pauvres. C’était sept fois en 2008…
De plus, votre politique budgétaire en matière d’aides souffre d’un manque cruel de conditionnalité de ces dernières, particulièrement vis-à-vis des grands groupes.
Un récent rapport de l’Observatoire des multinationales a pourtant montré que, sur les 27 groupes du CAC 40 qui ont bénéficié de l’activité partielle, 16 ont versé des dividendes en 2020 et 22 en 2021.
Il n’y a manifestement pas assez d’argent pour faire travailler les salariés à plein temps, car il faut rémunérer les actionnaires ! En pleine pandémie, les entreprises du CAC 40 distribuent ainsi en dividendes l’équivalent de 140 % de leurs profits. Elles ont dû prendre dans leur trésorerie ou s’endetter pour cela. On marche sur la tête !
Ne venez pas me dire, monsieur le ministre, que ces aides sont quasi exclusivement orientées vers les très petites entreprises, les TPE, et les petites et moyennes entreprises, ou PME. En effet, nombre de ces sociétés sont des filiales de grands groupes, qui ont ainsi bénéficié de 35 % des exonérations fiscales et sociales.
Enfin, comme le diagnostiquait l’Institut Montaigne dès décembre dernier, il manque 30 milliards d’euros d’aides, celles qui devraient aller vers les plus démunis que sont les chômeurs, les jeunes et les familles monoparentales.
Je ne reviens pas sur la question des chômeurs : votre réforme laisse peu de doutes sur la manière dont vous comptez l’appréhender.
De fait, les allocations chômage vont baisser. S’y ajoute votre refus d’entendre parler du « RSA jeunes », faisant de cette population l’une de celles qui sont les plus pauvres et les moins directement aidées. Et cela sans parler de la baisse des aides personnalisées au logement, les APL, dont nombre d’entre eux bénéficient.
Non seulement votre gouvernement ne veut pas aider les pauvres, mais en plus il leur retire de l’argent. Et, de grâce, ne nous dites pas que « l’argent magique » n’existe pas !
Dans les colonnes des Échos, vous avez expliqué, monsieur le ministre, que l’impôt sur la fortune immobilière, l’IFI, a rapporté 500 millions d’euros de moins en 2020 par rapport à 2019, avec des recettes atteignant 1, 53 milliard d’euros sur l’année. Je rappelle que cet impôt a remplacé l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, qui rapportait environ 4 milliards d’euros. Inutile d’être haut fonctionnaire à Bercy pour comprendre que près de 2, 5 milliards d’euros se sont perdus en route…
Votre refus catégorique et répété de prendre en considération les propositions que le groupe socialiste a portées en matière de taxation exceptionnelle, d’une part, et d’une quelconque contribution des plus aisés, d’autre part, ne cache que très mal votre embarras sur la question.
En conclusion, au vu de ce projet de loi, vous n’avez pas mieux ou moins fait que l’année dernière. Porté par les mêmes dogmes, ce texte retranscrit les mêmes conséquences pour les mêmes entités.
Pour toutes les raisons qui ont été évoquées, mais surtout parce que 30 milliards d’euros de crédits ne sont pas engagés, alors qu’ils auraient pu être utilisés pour soutenir des dispositifs tels que le « RSA jeunes », le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera contre ce texte.