Intervention de Philippe Bas

Réunion du 23 juillet 2021 à 21h30
Gestion de la crise sanitaire — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

Madame le président, madame, monsieur les ministres, madame, monsieur les présidents de commission, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, la flambée de l’épidémie justifie la mise en œuvre de mesures d’urgence et d’exception pour lui donner un coup d’arrêt.

Avec déjà plus de 20 000 contaminations journalières, la vague est de grande ampleur et la situation présente, de ce point de vue, des analogies avec celles qui ont conduit aux trois confinements que la France a déjà subis.

Qui oserait faire le pari, sous prétexte que le nombre de décès ne s’est pas envolé, que la situation sanitaire va rester stable, malgré la dégradation très rapide des indicateurs de contamination ? Faut-il réellement attendre la preuve par neuf, c’est-à-dire une forte augmentation du nombre de victimes, pour agir ? C’est un risque que je ne vous proposerai pas de prendre.

Faut-il alors confiner la France une quatrième fois ? Chacun d’entre nous voudrait l’éviter. Le Gouvernement nous propose de tenter de le faire par la combinaison de trois moyens : l’obligation du passe sanitaire pour l’accès à certains lieux, la mise à l’isolement forcé de nos concitoyens contaminés, la vaccination des professionnels au contact de personnes vulnérables.

Nul ne peut dire que cela sera suffisant, mais je vais vous recommander de donner ses chances à ce dispositif en vous proposant, toutefois, de le rendre plus simple, plus clair, plus efficace et plus respectueux des libertés.

Je vais donc vous proposer de prendre position sur six questions essentielles.

La première est celle du cadre de l’action des pouvoirs publics. Sommes-nous toujours dans la gestion de la sortie de l’urgence sanitaire ou sommes-nous revenus dans l’état d’urgence sanitaire lui-même ? Il est clair qu’un régime de pouvoirs exceptionnels justifié par une flambée des contaminations à cause d’un variant dont la charge virale est, selon le ministre, mille fois plus élevée que celle du virus initial ne peut être mis en place légitimement que par le retour à l’état d’urgence sanitaire.

La privation de droits fondamentaux pour toutes les personnes qui ne peuvent produire un passe sanitaire, l’obligation vaccinale imposée à des catégories très larges de professionnels, la mise à l’isolement des porteurs du virus constituent des mesures tellement exorbitantes du droit commun, en démocratie, que celles-ci ne sont concevables qu’à titre temporaire, dans le cadre d’une urgence sanitaire reconnue et sous un contrôle parlementaire et juridictionnel accru.

La deuxième question est celle de la durée de l’habilitation donnée par le Parlement pour l’application de ces mesures. Nous ne pouvons autoriser le Gouvernement, monsieur le ministre, à maintenir de sa propre initiative, et à sa discrétion, pendant une durée de plus de cinq mois, un régime d’exception frappant massivement les Français dans leurs droits essentiels.

Cela créerait un précédent dangereux pour le traitement des crises de toute nature auxquelles notre Nation ne manquera pas d’être confrontée à l’avenir. L’histoire ne s’arrêtera pas avec la fin de la crise sanitaire. Nous avons une responsabilité, celle de garantir la pérennité de l’État de droit et, plus immédiatement, de protéger la santé des Français.

Je vous demanderai donc, mes chers collègues, de ne consentir les pouvoirs exceptionnels demandés par le Gouvernement que jusqu’au 31 octobre prochain et non jusqu’au 31 décembre.

Au 31 octobre, de deux choses l’une : soit le pari risqué d’une maîtrise de l’épidémie aura fort heureusement été gagné et il ne sera pas utile de maintenir, à un tel degré, la suspension de libertés jusqu’au 31 décembre ; soit, au contraire, l’épidémie n’aura pas été jugulée et des mesures supplémentaires devront être prises – ou l’auront d’ailleurs déjà été –, et ce sera si grave que cela ne pourra être fait sans une nouvelle autorisation du Parlement.

Dans les deux cas, c’est au Parlement de décider sans déléguer son pouvoir.

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