Intervention de Alain Richard

Réunion du 23 juillet 2021 à 21h30
Gestion de la crise sanitaire — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Madame la présidente, madame la ministre, madame, monsieur les présidents de commission, mes chers collègues, en ouvrant ce débat, nous devons garder notre attention fixée sur la très forte mutabilité de la situation sanitaire.

Depuis dix-huit mois, nous observons, avec une capacité d’anticipation très réduite, des variations importantes dans les types de virus, comme dans leur manière de se propager. La prudence des chercheurs et, parfois, leurs divergences nous montrent bien qu’ils s’attendent à de nouvelles situations imprévues. Il nous faut donc délibérer avec la prudence et le pragmatisme que cette difficulté à anticiper et la largeur du champ des évolutions possibles imposent.

C’est pourquoi, tout en comprenant évidemment l’insatisfaction de ceux de mes collègues qui déplorent une délibération trop rapide, il me semble nécessaire de souligner que les responsables publics – et les parlementaires en sont tout autant que les membres de l’exécutif – ont le devoir de s’adapter, dans leur travail et l’accomplissement de leurs missions, aux situations présentant une urgence ou une nécessité.

Les mesures que nous examinons ont pour double objectif de protéger l’ensemble de la population et de maintenir le maximum d’activités sociales, dans un contexte en évolution. D’où la nécessité que nous soutenions une large palette de mesures de limitation et de freinage de la diffusion du virus, et ce pour une durée suffisante.

Là se situe ma différence d’appréciation avec le rapporteur Philippe Bas, dans les explications qu’il a précédemment fournies. Il vaut mieux, en effet, que nous ayons ces mesures à disposition pour une durée plus longue, sachant que l’exécutif sera amené à en faire un emploi proportionné – M. le ministre a été tout à fait explicite sur ce point – et que, bien entendu, le recours aux différentes prérogatives fera l’objet au jour le jour d’un contrôle du Parlement et sera discuté avec lui.

Dès lors, je crois que nous serons très nombreux – la totalité du groupe, s’agissant du RDPI – à approuver l’exigence de vaccination pour motifs professionnels, non seulement au sein des métiers du secteur du « soin », dans une acception assez large, mais aussi dans les autres activités impliquant un contact intensif avec le public.

Ces obligations emportent des sanctions. Certes, il faut y apporter les adoucissements, les atténuations – je pense notamment aux délais – nécessaires dans une démocratie sociale. Cependant, arrêter des obligations d’intérêt public aussi majeures sans les assortir de sanctions serait un recul dans l’exercice de nos responsabilités.

Il est vrai que le passe sanitaire est une contrainte sociale. Mais l’intérêt général, dont nous sommes les gardiens, doit prévaloir. Si ces mesures sont la condition du maintien des activités – je reviens sur le dilemme évoqué par le ministre, avec le risque que nous courons d’avoir à basculer vers des fermetures d’activités, voire des confinements –, alors nous devons affronter cette réalité.

Il est vrai, aussi, que le passe sanitaire a pour effet de favoriser ceux qui ont choisi de se faire vacciner de façon précoce. C’est pourquoi, s’agissant du choix des dates exactes pour appliquer les mesures, nous devrons envisager des adaptations – je sais que le Gouvernement y est prêt, madame la ministre, et le sujet sera revu tout au long de la navette.

Des centaines de milliers de personnes sont vaccinées chaque jour – certaines semaines, nous sommes en capacité de réaliser jusqu’à 3 millions de vaccinations –, mais il faut tout de même tenir compte du délai nécessaire pour avoir les deux doses. Le choix des dates précises à partir desquelles s’appliqueront les mesures de fermeture ou, en tout cas, l’obligation de présenter un passe sanitaire est donc un choix délicat.

Comme nous ne pouvons pas non plus trop tergiverser devant l’urgence et la rapidité de la hausse des contaminations, il faudra, ensemble, que nous retenions un délai d’adaptation pragmatique, de manière à accompagner la remontée du flux vaccinal.

Je souhaite aussi rendre le Gouvernement attentif à la proposition formulée par notre rapporteur Philippe Bas de donner la priorité aux sanctions administratives par rapport aux sanctions pénales.

Je crois qu’une mesure de santé publique se prête plus à une décision de l’autorité administrative, selon des dispositifs que nous connaissons bien, y compris le contrôle en référé quasi instantané du tribunal administratif – il n’y a donc pas du tout de déni de justice. De par la rapidité d’application et le caractère direct de sa mise en vigueur, une mesure comme la fermeture administrative d’une activité dans laquelle aurait été constaté, après contrôle par la force publique, le non-respect des obligations est, à mon sens, une approche plus efficace et, d’une certaine manière, moins coûteuse que celle par les mesures judiciaires.

Aboutirons-nous à une obligation générale de vaccination ? Je le crois, exactement selon les mêmes arguments que ceux qui ont été énoncés par Claude Malhuret : nous n’avons pas de raison de nous effaroucher d’une obligation vaccinale supplémentaire, alors qu’il en existe depuis un siècle un quart dans ce pays, avec des résultats éblouissants sur le plan de l’intérêt général. Il ne faut pas reculer devant cette décision !

Cependant, pour répondre à certains de nos collègues qui en font une solution immédiate, il nous reste probablement une bonne quinzaine de millions d’injections à réaliser pour arriver à un taux de couverture suffisant, en tenant compte des personnes qui n’ont pas encore reçu leur première dose et de celles qui ont reçu la première, mais doivent attendre la seconde. Instaurer cette obligation générale de vaccination dès maintenant, alors que nous ne pourrions pas la contrôler avant plusieurs mois, ne serait pas efficace ; il est préférable que nous gardions cette décision, que nous aurons à prendre comme législateur, pour plus tard dans l’année, à un moment où, espérons-le – mais tout est fait pour cela –, les mesures dont nous discutons ce soir auront atteint leur pleine efficacité.

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