Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun le sait, la politique de développement solidaire est le complément indispensable de notre action diplomatique et militaire. Elle répond à la fois à une exigence de justice et à une logique d’influence, tout en étant indispensable pour notre propre prospérité et sécurité à long terme – ce doit être gagnant-gagnant.
Je salue donc le travail accompli par les deux assemblées pour améliorer ce projet de loi ; il a permis de préciser de nombreux points et de combler des lacunes.
En particulier, le Sénat a renforcé la transparence de la politique de développement solidaire, en complétant les informations devant figurer dans le rapport global prévu à l’article 2, qui devra faire l’objet d’un débat dans les deux assemblées.
Par ailleurs, le texte adopté en commission mixte paritaire permettra aussi – et c’est un autre apport du Sénat – d’orienter davantage l’action de l’Agence française de développement (AFD) dans le sens que nous souhaitons. Aussi légitime et efficace que soit cet établissement public, il s’agit d’avoir enfin l’instrument de notre politique au lieu de faire la politique de notre instrument, comme nous l’avons souligné, monsieur le ministre, à de nombreuses reprises.
C’est ce que permettra la distinction claire que nous avons introduite entre les deux grandes missions de l’AFD : d’une part, le financement des services essentiels – santé, éducation, agriculture, infrastructures de base – dans les pays les plus pauvres, essentiellement par le biais de dons et de prêts très concessionnels ; d’autre part, le financement, principalement par des prêts non concessionnels, des biens publics mondiaux et de la convergence économique dans les pays à revenu intermédiaire.
Il nous semblait important de distinguer clairement ces deux types d’actions de l’AFD, qui est l’instrument principal – je le disais – de notre politique.
Au-delà de cette clarification des missions de l’AFD, nous avons également souhaité renforcer la cohérence du pilotage global de l’aide publique au développement (APD), même si nous n’avons pas pu aller aussi loin que nous le souhaitions dans ce domaine – je ne reviendrai pas sur l’ensemble de nos débats.
Il convient par ailleurs de saluer les nombreux ajouts pertinents effectués par nos deux assemblées au cadre de partenariat global, sur l’initiative de tous les groupes politiques. Ils permettent notamment de mettre l’accent sur le respect des droits, sur les avancées nécessaires en matière d’égalité femmes-hommes, sur la protection des plus jeunes et des populations vulnérables ou encore sur les progrès à réaliser pour lutter en faveur du climat et de la biodiversité – je salue en particulier, sur ces sujets, le travail réalisé par notre collègue Marie-Arlette Carlotti.
Au titre des avancées significatives, je mentionnerai enfin le nouveau dispositif relatif à la restitution des biens mal acquis, auquel notre collègue Jean-Pierre Sueur a donné la première impulsion. C’est une innovation qui répond à une exigence de justice très forte et nous pouvons nous en féliciter.
Je laisserai à Hugues Saury le soin de revenir en détail sur la programmation financière.
Je rappelle néanmoins que nous avons dû nous résoudre à un compromis sur ce point, qui a fait l’objet de beaucoup de débats. Nous estimions pour notre part que rien ne s’opposait à ce que soient fixés des objectifs chiffrés pour chaque année jusqu’en 2025, avec un objectif de 0, 7 % du revenu national brut (RNB). Il nous semblait même important d’inscrire les montants nécessaires pour atteindre cet objectif, quitte à les réviser en cas de nécessité.
Les députés défendaient de leur côté une position que j’appellerai d’affichage : ils souhaitaient graver dans le marbre l’objectif final – 0, 7 % du RNB – sans inscrire de montants permettant de l’atteindre.
La commission mixte paritaire a trouvé un compromis : nous inscrivons à la fois l’objectif de 0, 7 % du RNB pour 2025 et un pourcentage pour chaque année intermédiaire.
En revanche, j’aurais souhaité aller beaucoup plus loin en ce qui concerne la taxe sur les transactions financières (TTF), dont l’affectation à la solidarité internationale répond à une exigence de justice que chacun reconnaît. J’ose espérer que nous avons pu faire bouger les lignes et que le rapport que nous demandons au Gouvernement nous permettra de dépasser les clivages actuels. Nous aurons un travail à mener, sous l’autorité du président Christian Cambon, afin d’avancer sur cette question des financements innovants.
Au total, le texte sur lequel nous allons nous prononcer s’inscrit dans la ligne de la loi d’orientation de 2014. Il devrait permettre à la France de conforter son rang en matière d’aide au développement, aux côtés des autres grands pays donateurs.
J’ai néanmoins un regret : la loi est arrivée beaucoup trop tard, comme j’ai eu l’occasion de vous le rappeler, monsieur le ministre.
J’ai aussi un motif de satisfaction : ce texte va être adopté.
J’ai enfin un espoir : que nous puissions, à l’occasion de la campagne pour l’élection présidentielle de l’an prochain, avoir un débat raisonnable et argumenté sur l’aide publique au développement. Je crois que nous en avons besoin pour la France, pour le monde et pour le rôle de notre pays dans le monde.