Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui à l’issue de la commission mixte paritaire du 24 juin dernier, longtemps attendu, constitue une avancée importante pour notre politique de solidarité internationale.
Le passage au Parlement a en effet permis de concrétiser le travail accompli depuis plusieurs années par les commissions des affaires étrangères des deux assemblées. Il traduit également votre engagement, monsieur le ministre, à mener à son terme un processus long et semé d’embûches, dont la crise sanitaire n’a pas été la moindre.
Ce projet de loi fixe ainsi un cadre clair et précis pour l’ensemble des principes et des finalités de cette politique de solidarité internationale.
À cet égard, l’ajout d’un article liminaire résumant ses grands axes constitue un apport pertinent des députés, dont nous avons souhaité renforcer encore la portée, en distinguant trois aspects principaux : la lutte contre la pauvreté et les inégalités internationales ; la préservation des biens publics mondiaux ; la défense des droits humains.
Chacun de ces grands objectifs, d’égale importance, doit se déployer selon une logique qui lui est propre, avec des instruments financiers spécifiques. L’intelligibilité de la loi et l’adhésion de nos concitoyens à cette politique souvent très méconnue supposaient cette clarification, que les députés ont pleinement approuvée.
Nous nous félicitons également des dispositions améliorant la gouvernance de l’aide publique au développement, même si nous aurions souhaité aller plus loin dans ce domaine.
Le texte introduit certes un peu plus de cohérence, mais nous estimons que le rôle de chef d’orchestre du ministre chargé du développement devrait davantage être affirmé, notamment en ce qui concerne le pilotage de l’Agence française de développement.
S’agissant des dispositions financières, nous avions, dès le début de l’examen du texte, relevé le paradoxe que constituait une loi de programmation qui ne prévoyait pas de crédits au-delà de 2022.
« Loi de programmation rétrospective », « loi dont les objectifs sont atteints avant même d’être votés » : les qualificatifs quelque peu ironiques, mais malheureusement assez fondés, n’ont pas manqué, aussi bien de notre part que de celle des députés.
Au Sénat, nous avions tenté d’y remédier par l’introduction d’une programmation des crédits de la mission « Aide publique au développement » jusqu’en 2025. Les députés, tout en voulant maintenir un objectif de 0, 7 % du RNB en 2025, s’y sont opposés.
Finalement, nous nous sommes accordés sur une trajectoire de croissance avec des pourcentages du RNB pour chaque année jusqu’en 2025. Il s’agit maintenant de traduire cette trajectoire au sein des lois de finances successives afin de donner à cette politique les moyens de ses ambitions.
La commission mixte paritaire a également permis d’aboutir à un accord sur un autre aspect très novateur du texte : la création d’une commission d’évaluation de l’aide publique au développement, sujet sur lequel le président de notre commission, Christian Cambon, s’est particulièrement engagé.
Nous avions ici une différence d’appréciation notable avec les députés qui souhaitaient, sur le modèle britannique, une commission purement administrative et technique avec des experts à temps plein.
Nous estimions de notre côté qu’une commission équilibrée devait comporter parmi ses membres des parlementaires, capables d’apporter un regard différent, soucieux de l’efficacité concrète des projets et motivés par le contrôle démocratique de cette politique.
Nous avons trouvé un accord combinant les deux approches, en prévoyant au sein de la même commission un groupe d’experts indépendants rendant compte de ses travaux à un collège de parlementaires. Cette commission permettra ainsi de mesurer l’impact final des projets et d’apporter de nombreuses informations à l’Assemblée nationale et au Sénat afin que le Parlement puisse exercer le rôle de contrôle de l’action du Gouvernement qui lui est confié par la Constitution.
Par ailleurs, nous avons également trouvé un accord avec les députés s’agissant des dispositions relatives au ciblage de l’aide, que nous avions introduites lors de l’examen du texte par notre commission.
C’est la première fois qu’est ainsi fixé dans la loi un triple objectif : part comparée des dons et des prêts ; part des crédits bilatéraux par rapport aux crédits multilatéraux ; concentration sur les pays prioritaires. Je rappelle que ceux-ci sont les pays africains les plus en difficulté, notamment les pays du Sahel, ainsi qu’Haïti, dont il est inutile de rappeler la situation critique.
En fixant ainsi de véritables obligations de résultat pour la concentration des moyens sur les pays qui en ont le plus besoin, nous tenons, me semble-t-il, une véritable avancée.
Celle-ci prend tout son sens au moment où la réduction du format de nos forces engagées au Sahel a été annoncée par le Président de la République. On le sait, le développement de cette région est la condition de sa stabilité à long terme et nous devons être plus que jamais aux côtés des États concernés pour soutenir tous les efforts qu’ils entreprendront au bénéfice de leurs populations.
Ce projet de loi nous y aidera indéniablement ; c’est pourquoi je vous invite à l’adopter.