Monsieur le président, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, le texte qui nous rassemble de nouveau aujourd’hui, après nous avoir beaucoup occupés ces derniers mois, est essentiel pour l’avenir de notre diplomatie, dont le développement solidaire et la lutte contre les inégalités mondiales constituent désormais l’un des piliers, alors que la vie internationale est marquée par d’immenses défis, à commencer par la pandémie et l’urgence environnementale.
Chacun le sait désormais, ces défis qui ont partout de très graves conséquences appellent des solutions collectives, qui doivent aussi s’inventer au Sud.
C’est le sens de ce projet de loi auquel l’Assemblée nationale, puis le Sénat ont manifesté leur soutien. Les deux chambres ont apporté de précieux enrichissements, que les travaux de la commission mixte paritaire du 24 juin ont permis de concilier. Le texte renforcé et équilibré qui en résulte reçoit le plein accord du Gouvernement.
Nous avons proposé un texte d’ambition qui dote notre politique de développement solidaire de moyens fortement accrus. Nous avons proposé un texte pragmatique qui définit des géographies et des enjeux prioritaires en parfaite cohérence avec les engagements politiques de la France. Nous avons proposé un texte à la fois stratégique et humaniste, c’est-à-dire porteur d’une véritable géopolitique des valeurs françaises, mais aussi européennes.
Nous avons présenté ce texte pour proposer à nos partenaires du Sud une autre voie que celle de la dépendance, voire de la sujétion à des acteurs qui ne cherchent qu’à étendre leur emprise. Il s’agit de les accompagner sur la voie d’une souveraineté renforcée, préoccupation que nous partageons pleinement et que nous mettons également en œuvre pour nous-mêmes au sein de l’Union européenne.
Nous avons proposé ce texte pour construire sur la scène internationale un autre chemin que celui de la brutalisation et du « chacun pour soi », qui ne peut mener qu’à un échec collectif.
Souvent, au-delà des clivages politiques, nos débats l’ont montré, la représentation nationale s’est reconnue dans ces grandes orientations. Mieux, vous avez eu à cœur de les décliner de manière encore plus précise, tout en faisant droit aux contraintes avec lesquelles nous devons tous composer, si nous voulons agir et construire une véritable différence.
Je veux aujourd’hui saluer à la fois l’esprit d’exigence et de responsabilité, dont vous avez fait preuve, et le dialogue constant, constructif et fructueux que nous avons mené ensemble tout au long de ces mois de travail. Notre réussite, je tiens à le redire cet après-midi, doit aussi beaucoup à l’engagement ancien et permanent du président Cambon et de la regrettée Marielle de Sarnez, dont le président Bourlanges poursuit aujourd’hui les efforts.
Ce travail doit aussi beaucoup à Hervé Berville, à Hugues Saury et à Rachid Temal, qui ont œuvré ensemble, jusque dans la dernière ligne droite, pour que nous aboutissions à ce résultat dont nous pouvons collectivement être fiers.
Je tiens aussi à remercier devant vous Jean-Baptiste Lemoyne, qui m’a accompagné avec beaucoup d’efficacité tout au long de l’examen de ce projet de loi devant le Parlement.
Le Gouvernement se réjouit que vous soyez parvenus à un accord avec l’Assemblée nationale sur l’article 1er qui fixe les moyens consacrés à l’aide publique au développement. La rédaction retenue réaffirme notre volonté collective de concrétiser l’engagement du Président de la République de consacrer 0, 55 % de la richesse nationale à notre aide publique au développement d’ici à 2022, ce qui correspondra à une enveloppe supplémentaire de 4 milliards d’euros sur la durée du quinquennat.
Grâce au Parlement, ce texte donne une perspective additionnelle à ce volontarisme, en précisant que la France s’efforcera d’atteindre l’objectif de 0, 7 % du RNB en 2025 conformément à l’engagement que nous avons pris devant les Nations unies.
À l’issue de la commission mixte paritaire, un équilibre s’est dégagé entre la nécessité de dessiner une trajectoire jusqu’en 2025 et la difficulté de prévoir des chiffres en valeur absolue, notamment du fait de l’évolution de la part non pilotable de notre aide publique au développement.
Je sais que votre assemblée tenait à ce que soit inscrite une trajectoire des moyens accordés à l’aide publique au développement jusqu’en 2025.
La rédaction retenue est un bon compromis qui permet de répondre en grande partie à cette préoccupation, puisque le texte prévoit, au-delà des crédits budgétaires pour l’année 2022, des cibles intermédiaires à titre indicatif en pourcentage du RNB pour les années 2023 et 2024.
En outre, comme le Gouvernement s’y était engagé, le texte prévoit que la représentation nationale sera consultée sur la programmation des crédits avant la fin de l’année 2022.
Nous partageons par ailleurs avec vous – je sais que vous y êtes particulièrement attachés – la volonté de concentrer notre aide sur les pays les plus vulnérables, en particulier sur les dix-neuf pays prioritaires.
Nous avons eu l’occasion d’en discuter à plusieurs reprises lors des débats sur les projets de loi de finances successifs et dans le cadre de l’examen de ce projet de loi. Des propositions en ce sens ont été faites par votre assemblée pour mieux cibler notre aide publique au développement.
Je me félicite de la flexibilité introduite par le texte issu de la commission mixte paritaire, qui permettra de concilier nos différents objectifs : concentration de la composante bilatérale de l’APD, part de dons et aide programmable à destination des dix-neuf pays prioritaires. Ces objectifs devront aussi, je le rappelle, s’insérer dans les discussions qui auront lieu dans le cadre des prochaines conférences de reconstitution des fonds multilatéraux ; la France sera légitimement attendue à l’occasion de ces discussions et elle compte bien être au rendez-vous.
Ainsi, ce texte permet de définir des priorités claires sur les canaux, les instruments et les pays prioritaires, tout en mettant en place les éléments de souplesse nécessaires. Cet équilibre, fruit de nos nombreux et intenses échanges, est très positif et constitue une contribution importante du Sénat à ce texte.
Cette concentration de nos efforts va de pair avec la logique partenariale de notre politique de développement. On ne saurait concevoir le développement aujourd’hui comme on le pratiquait hier. Il s’agit de faire davantage avec nos partenaires, et pas simplement pour eux. On ne le répétera jamais assez : imposer des solutions de l’extérieur à nos partenaires du Sud serait aussi politiquement critiquable que pratiquement inefficace. Nous faisons de plus en plus face à des défis communs ; c’est donc forcément ensemble que nous devons inventer les solutions pour y répondre.
Grâce au travail du Parlement, en particulier à celui du Sénat, le rôle capital des acteurs non étatiques a pu être renforcé dans le texte, qu’il s’agisse des collectivités territoriales ou des organisations de la société civile. On ne le répétera jamais assez : si l’État doit prendre ses responsabilités, il ne peut pas et ne doit pas tout faire. L’action sur le terrain des collectivités territoriales et des ONG qui mettent en œuvre cette politique est également essentielle à son efficacité, car ces acteurs agissent le plus souvent au plus près des populations.
Je tiens également, parmi les avancées permises par vos travaux, à souligner la création d’un dispositif de restitution des produits de cession des biens dits mal acquis introduit par l’Assemblée nationale. Il a fait l’objet d’un large consensus au sein des différents groupes politiques. Je veux ici rendre hommage à Jean-Pierre Sueur : son implication et les propositions qu’il a formulées sur ce sujet ont été décisives.
Ce dispositif constitue un moyen très concret de lutter contre les ravages de la corruption et de la prévarication. À ce titre, il s’inscrit parfaitement dans l’esprit de notre texte.
Des précisions tout à fait bienvenues ont été apportées au cours des débats au Sénat. Je me félicite de la formulation de compromis adoptée par la commission mixte paritaire, qui garantit la compatibilité de ce dispositif avec nos obligations découlant de la convention des Nations unies contre la corruption, en permettant aux populations concernées de bénéficier des richesses dont elles ont été spoliées.
Le Gouvernement se réjouit, en outre, des dispositions introduites sur l’initiative de vos rapporteurs pour mieux définir et encadrer l’action de l’Agence française de développement, qui contribue à la mise en œuvre de la politique de développement définie par l’État, et les missions de service public exercées par Expertise France.
Le texte prévoit très clairement un renforcement du pilotage par l’État de notre politique de développement. C’était une forte demande de l’Assemblée nationale et du Sénat. Il était nécessaire que ce projet de loi y réponde : cela nous permettra de mieux garantir que les actions que nous menons et que nous finançons correspondent aux objectifs stratégiques que nous nous sommes fixés.
La chaîne de décision et de gouvernance est ainsi clarifiée du plus haut niveau, avec le Conseil présidentiel du développement, en passant par nos opérateurs, notamment l’Agence française de développement, jusque dans nos pays partenaires où le rôle dévolu aux ambassadrices et aux ambassadeurs sera renforcé dans le cadre d’un conseil local du développement qui rassemblera régulièrement, sous leur présidence, toutes celles et tous ceux qui contribuent à cette politique au quotidien, en lien direct avec les populations bénéficiaires.
S’agissant la composition de la commission d’évaluation – grand débat ! –, je salue la solution retenue par la commission mixte paritaire, qui garantit un parfait équilibre entre les positions de l’Assemblée nationale et celles du Sénat. Elle permettra à cette instance d’être réellement indépendante.
Au-delà des modes de désignation des personnalités qualifiées, qui seront précisés par décret, il est essentiel de veiller à ce que les membres de cette commission ne reçoivent pas d’instructions, ne subissent pas de pressions et disposent d’un mandat dont la durée soit suffisamment longue pour leur permettre de travailler sereinement, en présence de parlementaires. Ces conditions sont désormais réunies.
Le Gouvernement, je le dis en particulier au président Cambon qui est très attaché à ce sujet, est déterminé à ce que cette commission d’évaluation indépendante voie le jour le plus rapidement possible. La hausse des moyens engagés depuis le début du quinquennat rend nécessaire de renforcer encore davantage ce que les instances internationales de développement appellent la redevabilité.
Je me félicite également que la commission mixte paritaire ait trouvé un accord sur le nouveau dispositif d’attractivité des organisations internationales prévu dans ce projet de loi. Comme vous le savez, le Gouvernement est très attaché à ce dispositif qui, sans méconnaître les droits du Parlement, doit permettre de renforcer notre activité internationale.
Là encore, l’enjeu est de placer notre pays au centre du combat pour le développement et les biens publics mondiaux. Nous devons en effet chercher à conjuguer influence et attractivité dans un contexte où la diplomatie des biens communs s’inscrit désormais dans un ensemble de dynamiques aussi géopolitiques que d’autres sujets.
Ce dispositif nous permettra d’aller plus vite dès le début, puisqu’il ne sera plus nécessaire d’attendre la loi autorisant la ratification de l’accord de siège. Les privilèges et immunités pourront être octroyés immédiatement, mais le Parlement sera amené à se prononcer trois fois : d’abord sur l’habilitation, puis sur la ratification de l’ordonnance et, enfin, sur l’autorisation de ratification de l’accord de siège.
Je tiens aussi à vous remercier d’avoir enrichi notre cadre de partenariat global. Ce document est d’une importance majeure dans la mesure où il expose à l’intention de nos partenaires, comme d’ailleurs de nos concitoyens, la philosophie qui préside au renouveau de notre politique de développement, ses grandes priorités géographiques et sectorielles, ainsi que son architecture de pilotage et sa trajectoire globale.
Il propose également un cadre qui permettra de mesurer les résultats atteints dans les pays partenaires par le biais de notre APD bilatérale, mais aussi via nos contributions aux grands fonds multilatéraux. Il est en effet très important que nous puissions identifier la part des fonds multilatéraux qui revient aux pays prioritaires identifiés par la France.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, protéger vraiment la France, les Françaises et les Français des bouleversements, des instabilités et des crises internationales suppose de construire avec nos partenaires du Sud la voie d’un développement qui soit efficace pour faire reculer concrètement les inégalités, durable pour assurer la préservation de nos biens communs et aussi humaniste – je veux y insister, car nous sommes dans une compétition de modèles et de valeurs. Il n’y a de véritable progrès qu’au service de l’humain, de sa dignité et de ses droits.
Je suis vraiment très heureux que nous soyons parvenus ensemble à donner forme à cette conviction grâce à ce texte qui est historique pour notre politique de développement, car il permet de réaffirmer collectivement, pour le XXIe siècle, une certaine vision française du monde et de la solidarité.