Mais il nous faut bien constater que la procédure de déclassement ou de délégalisation est inscrite à l’article 37, deuxième alinéa, de la Constitution. La présence dans la Constitution d’un mécanisme de protection du pouvoir réglementaire peut légitimement laisser supposer que le mécanisme inverse, la protection du pouvoir législatif, ne peut être prévu que par la Constitution elle-même.
Reste la troisième et dernière hypothèse qui permettrait à un parlementaire d’agir en cette seule qualité dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir. Il s’agit du cas de refus du Premier ministre de prendre dans un délai raisonnable les mesures réglementaires d’application d’une disposition législative. Je suggère d’ajouter le recours contre un acte réglementaire ayant autorisé la ratification ou l’approbation d’un traité alors que cette autorisation aurait dû être accordée par la loi en vertu de l’article 53 de la Constitution.
J’estime en effet que, dans ces deux hypothèses, il existe une atteinte réelle, directe et certaine à l’activité du Parlement et que, en conséquence, le parlementaire doit pouvoir, s’il le souhaite, intervenir de plein droit dans l’intérêt du Parlement.
Je considère que ce dispositif offre de sérieuses garanties de conformité à la Constitution, et ce pour trois raisons principales.
Tout d’abord, le champ de l’intérêt à agir des parlementaires serait très restreint, limité à deux hypothèses peu fréquentes.
Ensuite, il n’existe pas, pour ces deux cas de figure, de procédures comparables ou voisines dans la Constitution laissant penser que le dispositif devrait trouver sa place dans notre loi fondamentale.
Enfin, dans les deux cas visés, le parlementaire ne peut pas reprendre sa compétence violée par le pouvoir réglementaire. Ce point mérite que l’on s’y attarde.
Lorsqu’un acte réglementaire porte atteinte au domaine de la loi, le législateur peut généralement récupérer sa compétence par le vote d’une loi, surtout depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui a prévu le partage de l’ordre du jour entre le Parlement et le Gouvernement. Tel n’est pas le cas dans les deux hypothèses que je viens d’évoquer.
En particulier, j’estime qu’un parlementaire justifie d’un intérêt à agir pour contester un décret autorisant la ratification d’un traité alors qu’il est convaincu qu’une loi était nécessaire pour une telle autorisation. En effet, dans un tel cas de figure, l’intérêt à agir des parlementaires est justifié par une double atteinte aux prérogatives du Parlement.
D’une part, si l’accord modifie des dispositions de nature législative, il aurait dû être soumis au Parlement en application de l’article 53 de la Constitution, qui dresse la liste des traités qui « ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi ».
D’autre part, et surtout, un décret autorisant, en lieu et place d’une loi, la ratification d’un traité a pour effet d’introduire dans l’ordre juridique national une norme qui s’imposera au législateur en vertu de l’article 55 de la Constitution. Le Parlement se retrouve donc alors, en quelque sorte, pieds et poings liés.