Intervention de Yvon Collin

Réunion du 17 février 2011 à 9h00
Présomption d'intérêt à agir des parlementaires en matière de recours pour excès de pouvoir — Article unique

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, cet amendement a pour objet de réécrire l’article unique de la proposition de loi en tenant compte des observations de M. le rapporteur, et donc de la commission des lois.

Le texte que nous vous avons initialement soumis visait un champ d’application particulièrement large, puisqu’un parlementaire aurait justifié d’un intérêt à agir dans des hypothèses si vastes que certains ont même posé la question de la constitutionnalité du dispositif visant, par exemple, le cas de la mesure réglementaire déférée devant le juge administratif comme contraire à une disposition législative.

Pour autant, sans entrer dans un débat juridique approfondi, je ne suis pas sûr que l’inconstitutionnalité ainsi avancée soit certaine, car la mesure que nous proposions était proportionnée au but recherché, à savoir garantir l’intégrité des prérogatives du Parlement et, en l’occurrence, s’assurer que la volonté du législateur est respectée.

Néanmoins, après avoir entendu les observations des uns et des autres, notre réflexion a évolué. C’est pourquoi nous vous proposons, par cet amendement, de restreindre le champ d’application de la proposition de loi à deux hypothèses plus précises.

En premier lieu, il vise, comme dans le texte initial, les cas dans lesquels le refus du Premier ministre d’édicter dans un délai raisonnable les mesures d’application d’une loi serait susceptible de constituer une faute.

Cette hypothèse se situe, pour nous, au cœur de l’objectif que nous nous étions fixé en déposant cette proposition de loi, à savoir permettre à des parlementaires, en tant que tels, de mettre, non pas l’administration, mais bien le pouvoir exécutif, au sens constitutionnel du terme, devant ses propres responsabilités, dans le cas où il n’aurait pas respecté ses obligations, en l’occurrence celle d’assurer l’applicabilité de la loi souverainement votée.

En aucun cas il ne s’agit, dans notre esprit, de prolonger devant le Conseil d’État le débat tenu dans une enceinte politique, au risque de dénaturer la fonction juridictionnelle de la haute juridiction administrative. Le contrôle politique et le contrôle judiciaire sont bien deux modalités complémentaires d’exercice de la fonction parlementaire, et non deux dispositifs concurrents.

Enfin, on aurait tort de croire que l’opposition, quelle qu’elle soit d’ailleurs, s’emparera d’un tel moyen pour inonder le Conseil d’État de recours en cascade. Nous souhaitons simplement que les parlementaires, auteurs de la loi, puissent s’assurer ès qualités de la pleine application de la norme qu’ils ont créée.

En second lieu, notre amendement vise le recours dirigé contre un acte réglementaire autorisant la ratification ou l’approbation d’un accord international, dès lors que le moyen unique soulevé est tiré de ce que cette autorisation relèverait du domaine de la loi en vertu de l’article 53 de la Constitution.

Encore une fois, il est à notre sens légitime que les parlementaires puissent défendre les prérogatives du Parlement, en l’occurrence le domaine de la loi, à partir du moment où l’auteur d’un acte réglementaire viole son champ de compétence. Incontestablement, ce type d’acte réglementaire « fait grief » aux parlementaires, puisqu’il les prive de l’exercice d’une compétence que la Constitution leur a attribuée.

De plus, le Conseil d’État ne paraît pas avoir explicitement écarté l’intérêt à agir des parlementaires en tant que tels dans une telle hypothèse. C’est l’interprétation que l’on pourrait donner de l’arrêt Fédération nationale de la libre pensée et autres, même si la doctrine ne s’accorde pas sur ce point. Il n’en reste pas moins vrai que cette hypothèse est légitime du point de vue des droits du Parlement, et qu’il convient de mettre un terme au flou de la jurisprudence.

Je vous invite donc tous, mes chers collègues, à adopter cet amendement ou, si vous préférez, l’amendement identique de notre rapporteur.

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