Madame la présidente, je précise d’emblée que la commission ne peut qu’être favorable à l’amendement n° 1 rectifié, puisque l’amendement que j’ai déposé est identique.
D’abord, je dois dire que le juriste de droit public que je suis a pris beaucoup de plaisir à assister à ce débat.
Ensuite, permettez-moi d’apporter quelques précisions complémentaires. Ce texte pose, d’une part, un problème d’opportunité, d’autre part, un problème constitutionnel.
Sur le premier point, je laisse à chacun le soin d’apprécier l’opportunité de ce texte.
En ce qui concerne le second point, parmi les conseillers d’État et les professeurs de droit que j’ai auditionnés, aucun n’a jugé insurmontable le problème d’inconstitutionnalité. La majorité d’entre eux considéraient même que la proposition de loi d’origine était constitutionnelle.
Je ne peux donc pas laisser certains de nos collègues, comme Laurent Béteille, affirmer qu’il s’agit de demander au juge de trancher un différend entre le Gouvernement et le Parlement. Il ne saurait y avoir de différend en la matière, puisque le Gouvernement a l’obligation de prendre les décrets d’application des lois. Ce n’est pas pour l’exécutif une simple faculté, sans quoi la séparation des pouvoirs n’existerait plus.
Sur cet aspect strictement constitutionnel, je ne partage pas les opinions de M. le ministre. On peut certes considérer que ce texte a une incidence sur les rapports entre le Gouvernement et le Parlement, bien que ce soient plutôt les rapports entre le Parlement et le juge qu’il tendrait à modifier.
Quoi qu’il en soit, j’observe que de nombreuses structures ayant une incidence sur les rapports entre le Gouvernement et le Parlement ont été créées, alors même que leur existence n’était nullement prévue par le texte de la Constitution. Ce fut le cas des commissions d’enquête pendant très longtemps, avant que la révision de 2008 ne leur confère une existence constitutionnelle, mais aussi des différents offices et délégations qui ont été instaurés.
Sur la question de savoir si la reconnaissance d’un intérêt à agir des parlementaires pourrait être considérée comme une injonction du Parlement à l’égard du juge, je fais remarquer que de très nombreux textes contiennent des dispositions similaires, notamment le code de l’environnement ou le code de la propriété intellectuelle. Ainsi, l’article L. 211-2 de ce dernier code donne au ministre chargé de la culture intérêt à agir en matière de droits d’auteur.
Les arguments en faveur de l’inconstitutionnalité de ce texte méritent donc, à tout le moins, d’être relativisés.
Je précise enfin que, si le 1° de l’amendement n’a été adopté qu’à une seule voix de majorité par la commission des lois, le 2° l’a été à la quasi-unanimité de ses membres, aucune voix ne s’étant élevée contre cette disposition.