L’effort structurel de réduction du déficit résultera des mesures de hausse des prélèvements obligatoires correspondant à un demi-point de PIB, dont seulement 7, 5 milliards d'euros sont pérennes.
Pour l’après-2011, les éléments dont on dispose aujourd’hui pour savoir si les objectifs peuvent être tenus sont encore trop incertains, trop flous. Pour que la trajectoire décrite par la loi de programmation soit crédible, l’effort structurel doit être plus ambitieux et les mesures nécessaires pour le réaliser, rapidement précisées.
Nous revenons également, une fois de plus, sur les dépenses fiscales. La Cour a été la première à en souligner les dangers, dus à une progression incontrôlée. Nous avons souhaité dans le rapport 2011 y consacrer un chapitre afin de souligner de nouveau le coût et les incertitudes qui accompagnent le recours aux dépenses fiscales.
Le coût de ces dernières est élevé et en forte progression : entre 2004 et 2009, leur nombre est passé d’environ 400 à 500 et leur coût total a augmenté de 43 %. Sur la liste officielle des dépenses fiscales présentée en annexe des projets de loi de finances, ce coût atteint 68 milliards d'euros en 2009 hors mesures de relance et près de 73 milliards d'euros mesures de relance incluses, soit presque un tiers des recettes fiscales nettes de l’État, contre seulement 18 % en 2004.
Elles font en outre l’objet d’estimations et de prévisions souvent fausses. Le ministère des finances reconduit généralement dans le projet de loi de finances le coût constaté l’année précédente. À vrai dire, la notion même de dépenses fiscales est trop floue, comme en atteste le manque de cohérence de la liste des dépenses fiscales donnée en annexe des projets de loi de finances. Le coût en 2009 des dispositifs retirés de la liste des dépenses fiscales depuis 2004 s’élève à 75 milliards d'euros. Une année, un dispositif est appelé « niche fiscale » ; une autre année, il est dénommé « modalité de calcul de l’impôt ». Il est nécessaire de clarifier le vocabulaire utilisé.
Il faudrait que les règles soient plus contraignantes afin de poursuivre l’effort de réduction du coût des dépenses fiscales conformément aux recommandations formulées par la Cour en juin dernier. Nous en sommes encore trop en deçà aujourd’hui.
Nous avons aussi examiné la prime pour l’emploi, dont le coût pour l’État a presque doublé entre 2001 et 2009, passant de 2, 5 milliards d'euros à plus de 4 milliards d’euros. C’est la troisième dépense fiscale la plus importante. Entre logique de redistribution et incitation au retour à l’emploi, elle est emblématique de l’imprécision des objectifs de beaucoup de dépenses fiscales.
La Cour fait trois constats sur cette dépense.
Premièrement, son ambiguïté et son absence de ciblage font qu’elle n’est pas vraiment incitative, en tout cas pas pour les personnes en situation précaire face à l’emploi.
Deuxièmement, son pilotage est défaillant. Des améliorations ont été apportées à la gestion des déclarations de revenu, mais des fraudes persistantes rendent indispensable un contrôle fiscal plus adapté au nombre élevé des bénéficiaires et à la faiblesse des montants de chaque prime.
Troisièmement, la Cour appelle à un choix politique quant à l’articulation de la prime pour l’emploi avec le RSA activité, créé en décembre 2008 avec des objectifs a priori similaires : il faut soit fusionner ces deux dispositifs pour un ciblage accru et une plus grande incitation au retour à l’emploi par exemple, soit conserver le seul RSA activité, soit différencier plus clairement les deux mesures.
Enfin, nous avons choisi d’aborder le sujet sensible du Fonds de réserve pour les retraites. Ce fonds avait été conçu en 1999 pour constituer une réserve de long terme destinée à atteindre 150 milliards d'euros et contribuer ainsi, à partir de 2020, au financement des retraites.
Comme vous le savez, cet objectif a été abandonné en juin 2010. Désormais, le Fonds de réserve pour les retraites, dont l’actif se montait, au 1er novembre 2010, à 36, 2 milliards d'euros, va servir à prendre en charge progressivement la réforme des retraites en versant chaque année de l’argent à la CADES, la Caisse d’amortissement de la dette sociale.
La Cour constate que le changement de nature du Fonds peut présenter des risques, puisque l’idée de départ était d’en faire un investisseur de long terme. Si l’on ajoute que les résultats du fonds ont été, après six ans, inférieurs aux attentes, il apparaît clairement que la préférence manifestée pour le court terme pourrait avoir des conséquences : les réserves constituées par le Fonds de réserve pour les retraites pourraient manquer si les déficits des régimes de retraite persistaient au-delà de 2020, comme c’est encore à craindre.
Au-delà de l’analyse globale des finances publiques, nous avons sélectionné dans ce rapport annuel quelques insertions consacrées aux résultats des politiques publiques.
Aux yeux de la Cour, le système français d’indemnisation du chômage partiel est un outil insuffisamment utilisé en France. Nos voisins, je pense aux Allemands, aux Italiens, aux Belges, ont su s’en servir lors de la crise économique récente. Ainsi, au plus fort de la crise, l’Allemagne a compté jusqu’à 1, 53 million de salariés en chômage partiel, contre 275 000 en France. En outre, selon l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, le chômage partiel a contribué à la sauvegarde de 251 000 emplois en Allemagne durant la crise, contre seulement 18 000 en France.
Si quelques facteurs structurels peuvent expliquer cette différence, la Cour recommande que l’on rende le dispositif plus attractif pour les employeurs, qu’on le simplifie et qu’on renforce les incitations visant à combiner chômage partiel et formation.
La Cour s’est aussi penchée sur une imposition qui ne dit pas son nom, mais que chaque consommateur acquitte directement lorsqu’il règle sa facture d’électricité depuis 2003. C’est la contribution aux charges du service public de l’électricité, qui vise à compenser auprès des opérateurs du marché de l’électricité – EDF représentant 95 % du marché – leurs charges de service public, c’est-à-dire la péréquation tarifaire dans les départements d’outre-mer et en Corse, le soutien aux énergies renouvelables et à la cogénération, ainsi que les tarifs sociaux de l’électricité.
Ces charges sont en augmentation continue. Il est nécessaire de s’attaquer fermement aux facteurs de cette progression. Par exemple, le système de l’obligation d’achat des énergies renouvelables fonctionne « à guichet ouvert », à des tarifs trop attractifs. Il faudrait aussi, selon la Cour, que le principe constitutionnel du consentement à l’impôt soit respecté, c’est-à-dire que le taux de la contribution demandée au consommateur fasse l’objet d’une autorisation périodique et d’un contrôle du Parlement.
Nous n’avons évidemment pas laissé de côté le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche, puisque nous avons traité des pôles de recherche et d’enseignement supérieur ou du bilan de l’Agence nationale de la recherche.
Enfin, en conclusion de cette partie sur l’évaluation des politiques publiques, nous avons souhaité examiner, en étroite collaboration avec les chambres régionales des comptes concernées, quelques politiques de l’État dans les départements d’outre-mer.
Les sujets sont sensibles, qu’il s’agisse des flux migratoires irréguliers de la Guyane, de Mayotte et de Saint-Martin, de la gestion des risques naturels aux Antilles ou encore de la politique de soutien à l’agriculture, sur lequel nous avons beaucoup à dire.
En effet, les aides dans ce domaine, principalement destinées à la banane et à la canne à sucre, ont cru de 40 % entre 2008 et 2010. Elles représentaient 28, 6 % de la valeur de la production agricole outre-mer, soit le double de la proportion constatée en métropole. Le cas extrême est celui de la banane de Martinique : les aides représentent 64, 7 % de la valeur de la production.
En outre, le secteur n’arrive pas à maintenir ses emplois, qui sont en baisse de 40 % aux Antilles.
Enfin, la conséquence la plus grave est que l’approvisionnement de la population en produits locaux a généralement régressé, puisque les autres productions locales ne sont pas aidées. La Cour s’interroge donc sur le modèle de développement agricole retenu pour ces territoires.
La gestion des services de l’État et des organismes a aussi fait l’objet de notre attention. Nous constatons, comme chaque année, que des marges de progression certaines existent.
Je prendrai simplement l’exemple de la continuité territoriale avec la Corse. Sans surprise, la collectivité territoriale de Corse est confrontée à un problème de financement en raison de passagers toujours plus nombreux et de choix qui n’apparaissent pas comme les plus adaptés dans une logique de recherche de bon emploi des deniers publics, avec notamment un régime très généreux d’aides sociales.
La gestion immobilière de l’État, examinée par la Cour, présente elle aussi des résultats perfectibles. L’exemple de la SOVAFIM, société de valorisation foncière et immobilière, est très parlant. La Cour recommande d’ailleurs de mettre un terme à son existence.
Le second tome du rapport est consacré au suivi de nos recommandations antérieures. Cette année, nous avons insisté sur ce point, qui est un des aspects les plus déterminants de notre action. C’est un point sur lequel nous pouvons nous appuyer davantage pour approfondir notre collaboration. C’est désormais une préoccupation majeure de la Cour, et nous n’ignorons pas que c’est aussi la vôtre et celle de nos interlocuteurs.
Pour commencer, nous avons tenu à reconnaître les progrès accomplis.
Parmi les constats positifs, il faut citer l’exemple des organismes faisant appel à la générosité publique, qui suivent les recommandations de la Cour, ou encore les évolutions encourageantes des services publics d’eau et d’assainissement depuis la publication du rapport public thématique de 2003. L’immense majorité de nos conclusions et de nos recommandations a été bien suivie, notamment celles portant sur les autorités de régulation financière, et nous nous en réjouissons.
Naturellement, il reste encore beaucoup à améliorer. Parmi les cas où toutes les préconisations n’ont pas été mises en œuvre et où des mesures efficaces restent à prendre, je peux citer les recommandations formulées en 2007 pour clarifier le rôle du CNRS, le centre national de la recherche scientifique, ou celles qui ont été émises pour améliorer le suivi et l’exécution du budget de l’État.
Dans le cadre de sa mission constitutionnelle de certification des comptes de l’État, la Cour émet un certain nombre de réserves sur la régularité, la sincérité ou la fidélité de ces derniers et formule des recommandations qui doivent être mieux prises en compte. L’année 2009 fut une année de progrès pour les comptes de l’État avec trois réserves levées, mais ce sont encore neuf réserves, dont huit substantielles, qui ont été reconduites. Il y a, là aussi, des marges de progression.
En matière de sécurité sociale, plusieurs recommandations réitérées de la Cour ont fait l’objet de dispositions dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, avec une réduction, encore insuffisante à nos yeux, des « niches sociales ».
La loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites reprend elle aussi quelques recommandations, parfois anciennes, de la Cour, comme par exemple la suppression de la possibilité de départ en retraite pour les parents de trois enfants et plus après quinze années de service dans la fonction publique, ou plus largement les mesures de rapprochement entre les règles du régime général et celles qui sont applicables aux fonctionnaires.
Les mesures prises sont toutefois loin d’épuiser le sujet, qu’il s’agisse de la sécurité sociale ou des retraites, mais elles constituent un exemple privilégié de l’utilisation de l’expertise que nous pouvons apporter à la représentation nationale. C’est toujours une satisfaction de voir une recommandation de la Cour acquérir force de loi !
Enfin, et je terminerai par ce point, monsieur le président, il est des domaines où nos recommandations n’ont pas été assez suivies malgré l’urgence de la situation et l’importance des enjeux.
L’enjeu du projet Chorus comme outil de modernisation de la gestion publique est tout à fait considérable. Mais les réalisations ne sont pas encore à la hauteur des attentes… Outre un déploiement difficile et des difficultés de paiement au début du développement du projet – les retards de paiement de l’État envers ses fournisseurs ont été évalués jusqu’à 6 milliards d'euros en juillet 2010 –, les améliorations de gestion espérées semblent compromises, d’autant plus que le projet souffre d’un manque de coordination interministérielle et de carences stratégiques.
L’exemple du Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, est typique, selon nous, d’une gestion laxiste par excès de moyens.