Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon intervention sera exclusivement consacrée à l’article 25.
Nous abordons avec celui-ci un volet important du projet de loi mais aussi l’un des plus controversés. En effet, ce titre IV relatif à la pénibilité du parcours professionnel, que le Gouvernement se plaît à présenter comme une grande avancée, était déjà contesté tant le dispositif prévu est restrictif. Il l’est encore plus depuis qu’a été introduite par amendement à l’Assemblée nationale une réforme de la médecine du travail.
Le point essentiel sur lequel on bute lorsque l'on aborde la question de la pénibilité, c'est l'absence de définition juridique, légale ou jurisprudentielle de celle-ci. Cette carence permet au Gouvernement et au patronat de justifier la mise en place d'une reconnaissance individuelle, et non collective, de la pénibilité.
A contrario, nous estimons qu'il est possible de définir des facteurs de pénibilité. Pour ce faire, on dispose notamment de la définition à laquelle les partenaires sociaux sont parvenus lors de leurs discussions : « la pénibilité au travail résulte de sollicitations physiques ou psychiques de certaines formes d'activité professionnelle qui laissent des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé des salariés et qui sont susceptibles d'influer sur l'espérance de vie ». Cette définition me semble excellente.
Le groupe socialiste avait déposé plusieurs amendements pour la reprendre et lui donner une portée légale. Mais l'examen de ces amendements, comme tous ceux portant article additionnel, a malheureusement été repoussé à la fin du texte : cela ne facilitera pas la cohérence de nos débats !
L'article 25 tend quant à lui améliorer la traçabilité individuelle de l'exposition des travailleurs aux facteurs de risques professionnels, en s'appuyant sur deux documents : le dossier médical de santé au travail – ou DMST –, tenu par le médecin du travail, et la fiche d'exposition aux risques, établie par l'employeur.
Bien entendu, nous adhérons pleinement à l'objectif de l’article même si l'on peut se demander quelle sera l'utilité de tels documents, puisque c'est l'état d'invalidité du salarié qui sera pris en compte en fin de carrière, et non l'exposition aux facteurs de pénibilité.
On peut également douter de la portée et de l'efficacité réelles du dispositif prévu. En effet, le DMST ne sera véritablement opérationnel que si les médecins du travail sont en nombre suffisant et disposent des informations nécessaires sur les entreprises dans lesquelles travaillent les salariés qu’ils sont chargés de suivre. Dès 2009, la Haute Autorité de santé regrettait que les DMST soient remplis de « manière hétérogène » d’un médecin à l’autre. On ne peut pas mieux dire ! Vu la pénurie de médecins et de moyens, je ne sais pas si l'on peut s'attendre à une réelle amélioration en la matière.
En ce qui concerne la fiche d'exposition, le dispositif prévu ne fait que répéter ce qui se fait déjà en matière de risques chimiques ou d'exposition à l'amiante. Comme aujourd'hui, on peut craindre que cette fiche rédigée par l'employeur ne reflète pas la totalité des facteurs de pénibilité auxquels le travailleur aura été exposé.
Par ailleurs, elle ne fait l'objet d'aucune confidentialité, ce qui implique qu'elle pourrait être communiquée à des tiers, voire à d’éventuels futurs employeurs, puisque rien ne l’interdit explicitement. C'est une situation qui pourrait porter tort au salarié, qui se verrait refuser d'autres emplois au motif qu'il a déjà été exposé à certains risques et pourrait tomber malade. Ce qui était vrai avec l’amiante pourrait le devenir pour les risques concernant, entre autres, l’exposition aux radiations nucléaires.
Ainsi reste-t-il beaucoup de questions en suspens, monsieur le ministre. Les amendements que nous avons déposés permettront certainement de mettre en lumière la volonté du Gouvernement quant à celles-ci.