Intervention de Pascale Gruny

Commission des affaires européennes — Réunion du 10 novembre 2021 à 13h35
Questions sociales et santé — Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d'urgence sanitaire hera : proposition de résolution européenne et avis politique de mmes pascale gruny et laurence harribey

Photo de Pascale GrunyPascale Gruny, rapporteur :

Mes chers collègues, chère Laurence, en février dernier, notre commission avait en effet adopté trois propositions de résolution portant avis motivé sur les trois textes du « paquet pour une union de la santé » visant à renforcer l'action de l'Union et le rôle du centre européen de prévention et de contrôle des maladies face aux menaces transfrontières graves pour la santé, ainsi que les compétences de l'Agence européenne du médicament. Pour la Commission européenne, les craintes du Sénat n'étaient pas justifiées. Toutefois, les discussions sur deux de ces textes sont aujourd'hui compliquées car la plupart des États membres font la même analyse que notre commission et ce, bien que le Sénat ait été le seul à adresser des avis motivés à la Commission.

Comme l'a rappelé le Président, s'inspirant du modèle de la BARDA aux États-Unis, la Commission européenne a souhaité doter l'Union d'une Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d'urgence sanitaire, l'HERA. La mission de l'HERA sera de garantir la disponibilité en temps utiles et en quantités suffisantes de contre-mesures médicales nécessaires en cas de crise sanitaire.

Selon la Commission, le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne contient pas d'article permettant de donner une base juridique propre à la mission de l'HERA. De plus, la création d'une agence autonome présenterait plusieurs inconvénients. Outre le fait qu'elle disposerait d'un poids politique moins important que celui de la Commission elle-même, elle serait plus longue à créer et ne serait dotée d'un budget qu'au terme d'une nouvelle procédure budgétaire.

Dès lors, la Commission a imaginé un dispositif particulièrement innovant et expérimental. Elle a décidé d'instituer l'HERA au sein de ses propres services mais avec un Conseil d'administration composé de représentants des États membres dont le rôle est, en droit, d'émettre un avis consultatif sur le programme de travail de l'HERA et ses décisions. Dans la pratique, la Commission assure que les décisions seront prises sur la base du consensus avec les États membres. Il s'agit là d'un dispositif inédit pour lequel la Commission prévoit une évaluation dès 2025.

Par ailleurs, la Commission a souhaité distinguer deux modes de fonctionnement de l'HERA, l'un en phase de préparation aux crises sanitaires, l'autre en phase de réaction d'urgence.

La décision C(2021) 6712 final de la Commission précise le statut, le mode de gouvernance et les missions de l'HERA, en phase dite de préparation à une crise sanitaire. Cette décision a été adoptée le 16 septembre dernier. L'HERA est donc d'ores et déjà opérationnelle.

Pour ce qui concerne les phases de réaction en cas d'urgence, c'est la proposition de règlement du Conseil établissant un cadre de mesures visant à garantir la fourniture de contre-mesures médicales nécessaires en cas d'urgence de santé publique au niveau de l'Union, COM(2021) 577 final, qui s'appliquera. Ce texte précise les mesures que la Commission pourra mettre en oeuvre, à la demande du Conseil, pour garantir l'approvisionnement en contre-mesures médicales. Même si c'est bien sur l'HERA que la Commission s'appuiera pour la mise en oeuvre de ces mesures, l'HERA n'est pas mentionnée dans la proposition de règlement car il s'agit d'un service interne à la Commission.

Ce texte COM(2021) 577 final a pour base juridique l'article 122 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Celui-ci prévoit que, sur proposition de la Commission, le Conseil peut, dans un esprit de solidarité entre les États membres, décider des mesures appropriées à la situation économique, en particulier si de graves difficultés surviennent dans l'approvisionnement en certains produits. Dès lors, le Parlement européen ne sera pas appelé à se prononcer sur ce texte et seule la Commission pourra proposer au Conseil d'activer le cadre d'urgence.

Dans ce dispositif imaginé par la Commission, nous estimons que la question du rôle des États membres doit être posée.

Concernant la phase de préparation, certaines des missions confiées à l'HERA sont, en effet, particulièrement stratégiques et nécessiteraient une plus grande coordination avec les États membres. C'est notamment le cas pour le choix des menaces prioritaires, l'établissement de l'agenda stratégique commun de recherche, la négociation des contrats FabEU qui doivent permettre la mise à disposition de l'Union de capacités de production en cas de crise, et la constitution de stocks. Or, la décision de la Commission prévoit d'accorder aux États membres un rôle purement consultatif. En effet, ceux-ci disposeront d'un représentant au sein du Conseil d'administration de l'HERA qui pourra seulement fournir des avis non contraignants sur le programme de travail de l'HERA, la cohérence de ses activités, son budget et l'évaluation de son action. Ce Conseil d'administration sera assisté par un Comité d'experts nommés par les États membres, parmi les experts des autorités nationales compétentes. Ceci semble bien insuffisant même si la Commission affirme qu'en pratique, les États membres seront impliqués dans toutes les décisions et que celles-ci feront l'objet d'un consensus.

De même, dans le cadre de la phase d'urgence, la proposition de règlement COM(2021) 577 final ne précise pas suffisamment le rôle du Conseil de gestion des crises sanitaires où sont représentés les États membres. Celui-ci est institué à la demande du Conseil. Or, la proposition de règlement prévoit qu'il est consulté pour la mise en oeuvre de certaines mesures. Il en ressort qu'il devrait dès lors être institué automatiquement lorsque le cadre d'urgence est activé.

Les règles de procédure concernant la prise de décision au sein de ce Conseil doivent être définies. En effet, le Conseil de gestion des crises sanitaires doit préciser les termes du mandat de négociation pour l'achat de contre-mesures médicales, établi au nom des États membres, mandat de négociation qui peut notamment concerner les technologies utilisées ou les capacités de production sur le territoire de l'Union. Un Conseil de ce type a déjà été institué pour l'achat anticipé de vaccins contre le virus de la COVID-19. Selon le Secrétariat général aux affaires européennes, son fonctionnement avait donné satisfaction : la Commission avait bien associé les États membres à ses travaux.

Enfin, lorsqu'ils décident de l'achat de contre-mesures médicales, la proposition de règlement prévoit que les États membres doivent consulter le Conseil de gestion des crises sanitaires. Or, la fourniture de services de santé relève de la compétence des États membres : ils n'ont donc pas à consulter le Conseil de gestion des crises sanitaires. Ceux-ci pourraient néanmoins informer le Conseil de gestion des crises sanitaires.

Concernant le mécanisme pour le suivi des contre-mesures médicales nécessaires en cas de crise, il faudrait selon nous que la Commission précise les critères selon lesquels serait établie la liste des contre-mesures médicales critiques et comment elle compte prendre en compte l'avis du Conseil de gestion des crises sanitaires.

Voilà ce que nous tenions à pointer s'agissant du rôle dévolu aux États membres. Je passe la parole à Laurence Harribey qui va vous présenter les autres points sur lesquels nous souhaitons attirer l'attention du Gouvernement. Je vous remercie.

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