Intervention de Laurence Harribey

Commission des affaires européennes — Réunion du 10 novembre 2021 à 13h35
Questions sociales et santé — Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d'urgence sanitaire hera : proposition de résolution européenne et avis politique de mmes pascale gruny et laurence harribey

Photo de Laurence HarribeyLaurence Harribey, rapporteure :

Pascale Gruny a précisé le montage juridique visant à la création de l'HERA et a montré son ambigüité. Le Président nous interrogeait tout à l'heure sur la pertinence du dispositif « HERA ». Notre réponse est nuancée : oui, il s'agit d'un bon dispositif mais il faut rester vigilant concernant un certain nombre de sujets. Je développerai deux points qui me semblent être importants : d'une part, il faut s'assurer que l'HERA ne doublonnera pas des missions déjà assumées ailleurs et d'autre part qu'elle disposera de financements suffisants.

Tout d'abord, la Commission européenne s'est engagée auprès des États membres à fournir une cartographie - que nous avons déjà commencée et qui se trouve dans l'exposé des motifs de notre PPRE - des missions de chaque institution, comité et agence impliqués dans la lutte contre les menaces transfrontières graves pour la santé. En effet, il existe un risque que certaines missions se recoupent. L'évaluation des menaces fait partie des missions attribuées à l'HERA en phase de préparation, alors que c'est le rôle du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies. De même, la proposition de règlement COM(2020) 726 prévoit qu'une task-force au sein de l'Agence européenne des médicaments (EMA) sera chargée de faciliter la réalisation des essais cliniques, alors que cette mission figure également dans les tâches confiées à l'HERA.

Dès lors, la Commission doit veiller à clarifier les rôles de chacun. De même, il ne faudrait pas que les mêmes informations soient collectées auprès des entreprises et des États membres plusieurs fois. La Commission doit veiller à répartir la collecte des données entre les différentes institutions et agences.

Enfin, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies et l'Agence européenne des médicaments ne doivent pas rendre leurs avis en fonction de considérations liées à l'approvisionnement. Les missions de ces deux agences doivent donc être bien distinctes de celles de l'HERA pour garantir leur indépendance.

J'en viens à la question du financement qui est fondamentale. Selon la Commission, l'HERA disposera d'un budget de 6 milliards d'euros pour la période 2022-2027 dont 1,7 milliard financé sur le programme « Horizon Europe », 2,8 milliards sur le programme « l'Union pour la santé » et 1,3 milliard sur les fonds dédiés au mécanisme de protection civile de l'Union. Ce budget est légèrement inférieur à celui de la BARDA aux États-Unis qui est de 1,4 milliard d'euros par an hors période de crise.

Cependant, la décision de la Commission C(2021) 6712 final instituant l'HERA prévoit que la gouvernance de ces différents programmes européens serait respectée, ce qui implique que des comités constitués pour gérer ces différents fonds et auxquels participent la Commission et les États membres devraient avoir à se prononcer sur ces budgets. Dès lors, rien ne garantit l'attribution à l'HERA des montants annoncés. C'est un vrai problème. Cependant, si ce montage n'avait pas été conçu comme tel, on aurait été dans l'obligation de créer une agence indépendante et donc, de recourir à une procédure budgétaire plus longue pour pouvoir doter l'HERA d'un budget, alors même que la mise en place de cette agence est nécessaire à court terme.

Par ailleurs, le Parlement européen s'est d'ores et déjà inquiété du fait que plus de la moitié du budget du programme « l'Union pour la santé » serve à financer l'HERA, et ce, au risque que ce soit au détriment d'autres priorités de ce programme et notamment du plan cancer. Il est effectivement nécessaire que les budgets prévus pour d'autres missions du programme « l'Union pour la santé » puissent être maintenus, notamment le budget du plan cancer. Certes, il faut aller vite mais il faut aussi être vigilant et s'assurer notamment que les moyens de l'HERA soient pérennes, au-delà du cadre financier pluriannuel 2021-2027.

Pour finir, nous ne pouvions pas aborder la création de l'HERA sans parler de la nécessité de repenser la stratégie industrielle de l'Union européenne pour favoriser, autant que possible, l'autonomie stratégique de l'Union en matière sanitaire.

L'Union ne pourra mobiliser des capacités de production que si celles-ci sont sur son territoire. On se souvient que, durant la pandémie de Covid-19, certains États tiers avaient limité les exportations de technologies de santé. C'est le cas de l'Inde, des États-Unis ou du Royaume-Uni.

S'il n'est évidemment pas possible de relocaliser l'ensemble de la production, il apparaît nécessaire de créer un environnement favorable au développement de l'industrie pharmaceutique et des dispositifs médicaux.

Pour cela, les marchés publics doivent comporter des critères qualitatifs permettant de garantir la sécurité des approvisionnements en cas de restrictions à l'exportation. Des mesures d'incitations financières conformes aux règles en matière d'aides d'État devront également être instaurées pour favoriser l'implantation en Europe de chaînes de production. Cela devrait s'accompagner, d'une part, d'un soutien appuyé à la recherche et au développement, et d'autre part, de la création, par les pouvoirs publics, d'un environnement réglementaire favorable.

Lors de nos auditions, le SNITEM, Syndicat national de l'industrie des technologies médicales, a expliqué que la mise en oeuvre du règlement (UE) 2017/745, entré en application depuis mai dernier, risque de créer de nombreuses difficultés d'approvisionnement dans les trois années à venir. En effet, ce règlement oblige à la certification d'un plus grand nombre de dispositifs médicaux, parmi lesquels figurent ceux qui sont déjà sur le marché. Or, le nombre d'organismes capables d'assurer la certification de ces dispositifs médicaux reste limité, rendant difficile cette certification dans les délais impartis. Il est donc nécessaire de réfléchir à accorder un délai de mise en conformité pour les industriels, comme cela a été proposé pour les dispositifs médicaux in vitro. On a posé la question lors à la Commission et cette dernière n'était pas fermée sur cette question.

Pour faire face à une crise sanitaire, il est par ailleurs important d'identifier en amont les technologies que l'on considère comme critiques et de s'engager de manière pérenne à développer leur production sur le territoire de l'Union, en ayant conscience que cela peut engendrer un coût supplémentaire. Ce sera bien sûr le rôle de l'HERA.

Enfin, une plateforme de dialogue permanent avec les industriels doit être établie au sein de l'HERA, lui permettant d'échanger avec des interlocuteurs capables de comprendre les enjeux liés à l'industrie pharmaceutique, d'une part, et à l'industrie des dispositifs médicaux, d'autre part, dans le respect naturellement de règles de déontologie. La situation des deux industries est en effet fort différente : l'industrie pharmaceutique est une industrie largement mondialisée, dotée d'une stratégie internationale et pour qui l'Europe n'est qu'un « marché parmi d'autres » alors que dans le domaine des dispositifs médicaux on trouve beaucoup plus de PME, plus fragiles mais aussi plus facilement mobilisables sur le territoire européen.

C'est dans ces conditions que l'HERA sera en mesure de remplir pleinement sa mission et c'est l'objectif de la proposition de résolution que nous vous proposons d'adopter aujourd'hui.

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