Intervention de Dominique Braye

Réunion du 31 mars 2011 à 9h00
Urbanisme commercial — Article 1er, amendements 73 52

Photo de Dominique BrayeDominique Braye, rapporteur :

À propos de l’amendement n° 73 rectifié, présenté par Jean-Claude Merceron, et l’amendement n° 52, défendu par Isabelle Pasquet, qui ont le même objet, je souligne, comme je l’ai déjà fait en commission, que je ne suis pas favorable au fait de transformer une faculté pour les élus en une obligation. Nous avons été nombreux en commission à dire qu’il ne fallait pas ajouter des obligations aux élus qui ne le souhaitaient pas. Ceux qui veulent user de cette faculté le peuvent. C’est toute la différence entre « peuvent » et « doivent ».

Je préfère la logique de la boîte à outils : donner les moyens d’agir et laisser chacun libre de décider de l’opportunité d’agir ou non et de décider de l’outil le plus adapté à chaque situation particulière, en fonction de la spécificité de son territoire. C’est là une différence entre la commission et les auteurs de ces deux amendements.

Par ailleurs, l’amendement proposé par M. Merceron soulève un autre problème : il fixe un seuil de 1 000 mètres carrés alors que le texte actuel prévoit que ce seuil est « au moins de 1 000 mètres carrés ». Cet amendement prévoit donc un seuil unique partout, alors que, selon le territoire et le type de commerce considéré, le seuil pertinent peut être plus élevé que 1 000 mètres carrés. Les élus peuvent très bien décider que, par exemple, s’agissant de l’implantation d’une surface de bricolage dans une zone de développement commercial périphérique, les prescriptions d’urbanisme ne s’appliqueront pas en dessous de 1 500 mètres carrés ou de 2 000 mètres carrés.

La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements n° 73 rectifié et 52.

L’amendement n° 87 rectifié bis est rédactionnel. M. Merceron propose de parler de « prescriptions » plutôt que de « conditions ». Là encore, je préfère la logique de la boîte à outils et proposer aux élus un certain nombre de moyens. J’aurais pu, monsieur Merceron, accepter votre amendement mais vous ne l’avez présenté qu’à un seul endroit du texte, en omettant de faire les coordinations nécessaires dans le reste du projet de loi.

La commission est donc défavorable à l’amendement n° 87 rectifié bis.

J’en viens à l'amendement n° 96 rectifié, présenté par M. Dominati, aux amendements n° 109, 108 et 107 du Gouvernement, ainsi qu’aux amendements n° 93 rectifié bis et 94 rectifié bis, défendus par M. Mézard, qui, tous, s’opposent à la typologie définie au IV de l’article 1er, même si, pour certains d’entre ceux, c’est pour des raisons exactement opposées.

Que notre collègue Philippe Dominati s’oppose à cette typologie ne m’étonne pas, compte tenu de sa position constante en faveur du libéralisme et de la liberté totale des acteurs économiques. Il est donc tout à fait en cohérence avec ce qu’il défend depuis toujours sur ces travées, souvent minoritaire et bien seul. Il a au moins le mérite d’être fidèle à une logique d’action.

Vous nous avez parlé des friches, monsieur le secrétaire d’État. Les 240 enseignes principales du commerce, au nom desquelles je m’exprime, disent que la situation actuelle ne peut plus durer. Les 240 enseignes adhérentes à Procos représentent quand même – il faut le savoir – 37 000 points de vente, 460 000 emplois et plus de 63 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Les surfaces commerciales ne cessent d’augmenter alors même que les dépenses des ménages stagnent. Des enseignes comme Bricorama – dont le chiffre d’affaires depuis dix ans est étale – multiplient pourtant le nombre de leurs unités commerciales pour ne pas se laisser distancer par leurs concurrents, qui sont engagés dans le même mouvement. Dans cette course en avant, certaines unités, monsieur le secrétaire d’État, commencent à ne plus être viables et c’est ainsi qu’apparaissent les friches, qui ne sont pas une menace mais bien une réalité. Les friches apparaissent à cause de ce qui se passe actuellement et c’est pourquoi nous devons modifier cette situation.

Par ailleurs, contrairement à ce que nous a dit M. Berardis, en cas de cession de bail, aucun permis de construire n’est requis. Il ne l’est que si l’on modifie un élément. Une simple déclaration préalable est suffisante, ce qui est tout à fait différent. Un permis d’aménager peut parfois être nécessaire en fonction des situations.

Établir une typologie, ce n’est en aucun cas intégrer des éléments économiques et commerciaux. La typologie repose – et M. le secrétaire d’État l’a démontré lors de son intervention – sur l’idée qu’en fonction de sa destination un commerce a certaines répercussions territoriales. Comme vous l’avez dit très justement tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, un commerce alimentaire ou une surface de loisirs de 1 500 mètres carrés implantés en centre-ville créent, de la même manière, de l’activité. Ce sont bien les conséquences territoriales sur l’aménagement urbain et les flux de clients qui sont pris en compte et qui sont liés – il faut le reconnaître – à l’activité de ces commerces. C’est une vraie dynamique que nous prenons en compte.

La typologie, mes chers collègues, est évidemment l’un des points centraux de nos débats. Je rappelle que cette disposition a été adoptée à l’unanimité par la commission. Il ne sert donc absolument à rien de vouloir commencer à réguler, parce que c’est le seul point de régulation.

M. Mézard, qui est opposé à la typologie, nous propose dans son amendement n° 94 rectifié bis d’exclure « certaines activités commerciales » : c’est, compte tenu de l’imprécision de cette expression, ouvrir la porte et même dérouler le tapis rouge à tous les contentieux ! Vous imaginez, en termes de droit, ce que cela peut entraîner…

M. Collin, qui s’inscrit dans la même logique que M. Mézard, puisqu’il est opposé à la typologie, nous proposera d'ailleurs, un peu plus loin, dans l'amendement n° 91 rectifié bis, d’interdire certaines enseignes, ce qui est totalement illégal. C’est comme si vous disiez : « Je ne veux pas M. Dupond mais je veux M. Durand » ! C’est aller dans un degré de précision qui est totalement contraire au droit.

C’est donc pour répondre aux préoccupations exprimées par nos collègues Jacques Mézard et Yvon Collin que nous mettons en place une typologie.

Monsieur Dominati, soyons très clairs : dans les codes NAF– nomenclature d’activités françaises –, les activités sont bien répertoriées, il n’y aura donc pas de contentieux. Et même si Ikea vend du saumon fumé ou quelques produits nordiques, c’est bien un magasin de meubles, parce que c’est l’activité principale qui est prise en compte. Les choses sont ainsi présentées dans les codes NAF, et elles sont très nettes. Sont ainsi bien définis les commerces d’équipement de la personne, les commerces d’équipement de la maison et les commerces de loisirs et de culture. L’alimentaire était un peu moins bien défini. C’est la raison pour laquelle nous avons ajouté une précision au texte de manière que tout commerce à vocation alimentaire soit bien considéré comme tel.

Cette typologie est-elle contraire à la liberté de commerce comme le prétend le Gouvernement ?

Cette critique me paraît reposer sur une méprise totale. Juridiquement, le seul critère pour décider si une limitation à la liberté d’établissement est licite est celui – monsieur le secrétaire d’État, je le répète une fois de plus – de la proportionnalité.

Or la typologie permet éventuellement d’interdire à un commerce de s’installer à tel endroit précis, en l’occurrence un secteur périphérique, mais non de lui refuser l’installation dans la zone de chalandise.

En effet, l’utilisation de la typologie est purement facultative pour le SCOT, ce n’est nullement une obligation.

La liberté d’implantation des commerces peut être bridée uniquement dans certaines zones géographiques bien circonscrites – les secteurs périphériques délimités par le DAC – et ne peut l’être en aucun cas dans les centralités urbaines.

Les contraintes imposées concernent uniquement les ensembles commerciaux d’au moins 1 000 mètres carrés, la typologie ne s’appliquant pas en deçà de ce seuil.

Enfin, le renforcement de la régulation en périphérie est compensé par une liberté totale d’installation dans les centralités urbaines.

Le Gouvernement s’inquiète aussi des modalités concrètes de la mise en œuvre de cette disposition. C’est une crainte constante de tous les gouvernements quels qu’ils soient, lorsque certaines dispositions sont prises, que les élus ne les détournent de leur objectif initial d’une manière qui ne serait pas souhaitable.

Mais, monsieur le ministre, le texte aura plusieurs garde-fous pour empêcher les détournements ou les erreurs de conception des DAC : les commerçants seront associés à l’élaboration des documents d’urbanisme ; la possibilité de consulter la commission régionale d’aménagement commercial pendant l’élaboration du DAC a été prévue, à la suite de l’intervention de notre collègue Gérard Cornu, qui souhaitait en faire un outil pédagogique à l’intention des élus ; le préfet, avant l’entrée en vigueur du SCOT, pourra demander la modification des prescriptions contraires à la liberté de commerce ; des mécanismes de modification simplifiée des DAC ont été institués pour pouvoir rectifier les choses en cas de besoin ; enfin, bien entendu le juge administratif exercera son contrôle en cas de recours.

Je le répète, notre dispositif est conforme au droit européen. Michel Piron et moi-même nous sommes rendus à Bruxelles, avec le président Jean-Paul Emorine, pour y rencontrer Guido Berardis, de la direction générale Marché intérieur de la Commission européenne. Il nous a confirmé que notre typologie était exemplaire et qu’elle pourrait servir de modèle à d’autres pays européens.

Mes chers collègues, pour ne rien vous cacher, les représentants du Gouvernement avaient manifestement rencontré avant nous les personnes que nous avons auditionnées à Bruxelles. Ils leur avaient exposé leur interprétation du texte, qui est différente de la nôtre puisqu’ils ne veulent pas de la typologie.

Je voudrais vous citer quelques extraits de la lettre que M. Berardis nous a envoyée à la suite de notre visite : « L’indication dans les documents du type de commerces pouvant être implanté dans une zone donnée serait le seul moyen d’éviter les transferts indésirables du point de vue de l’aménagement du territoire ». C’est la position que nous avons défendue. M. Berardis précise : « Il ne s’agirait en aucun cas de déterminer le type d’enseigne ou de format pouvant s’implanter dans une zone ou d’organiser précisément des activités commerciales » : telle est l’interprétation du texte qui leur avait été donnée, mais qui n’est évidemment pas la nôtre. Et il ajoute : « Nous avons accueilli favorablement cette interprétation du texte […] nous avons donc pris note des explications et clarifications apportées qui […] se sont révélées utiles pour comprendre les raisons à l’origine des dispositions projetées. »

Pour conclure, il indique que « les orientations qui semblent avoir été retenues dans le cadre de la réforme sur l’urbanisme commercial, en fondant désormais l’urbanisme commercial sur des considérations d’aménagement du territoire sont positives et pourraient servir d’exemple de bonne pratique dans le cadre d’éventuelles réflexions sur la question de l’urbanisme commercial. »

Je constate que M. le secrétaire d'État se place dans une logique de critères économiques, alors que nous sommes, pour notre part, dans une autre logique, qui repose sur l’aménagement du territoire.

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