Intervention de Thomas Dossus

Réunion du 18 janvier 2022 à 14h30
Démocratisation du sport — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Thomas DossusThomas Dossus :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le texte du quinquennat qui a pour ambition de réformer le monde du sport. Après une si longue attente, nous aurions aimé obtenir un texte ambitieux et transversal qui redynamise la pratique de l’activité physique et permette l’avènement d’une société sportive ouverte et accessible à toutes et tous : en un mot, un texte permettant de démocratiser le sport en France. Nous en avons un besoin urgent, comme le montre bien la situation des clubs d’élite comme des clubs amateurs, après les deux années que nous avons traversées.

Mais, à la lecture de cette proposition de loi, nous sommes relativement déçus. Comme beaucoup de textes de cette fin de mandat, celle-ci contient un catalogue de mesures, souvent utiles, certes, voire nécessaires. Mais la vision d’ensemble, le nouveau souffle pour une France sportive ne sont pas au rendez-vous.

Il faut reconnaître que ce texte comporte des mesures qui, si elles ne sont pas révolutionnaires, méritent globalement d’être saluées. Je pense ainsi à l’ouverture de l’accès aux équipements sportifs des collèges et lycées pour les clubs, les étudiants et les associations, ou encore à l’établissement de plans sportifs locaux, qui permettront un meilleur accès à la pratique sportive en la démultipliant sur nos territoires. Je pense également aux mesures concernant l’honorabilité des instances dirigeantes des fédérations, au non-cumul des mandats dans le temps pour les présidents de fédérations, et à l’instauration d’une plus grande parité, même si ces deux dernières mesures ont été largement amoindries par notre commission. Saluons, enfin, la régulation du sport professionnel, avec la lutte conte la dérive des paris sportifs.

Ce texte va donc dans le bon sens, mais il est souvent limité, et notre commission en a malheureusement encore restreint la portée.

N’y figurent plus, de ce fait, les référents-sports des établissements sociaux et médico-sociaux et des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). La mesure sur le non-cumul des mandats dans le temps a aussi été supprimée, tout comme l’exigence d’atteindre la parité intégrale d’ici à dix-huit mois. Exit, enfin, l’attribution de droits de diffusion aux chaînes en clair.

Si tout n’est pas à jeter dans l’apport du Sénat jusqu’ici, force est de constater que sa contribution aux mesures phares du texte ne va clairement pas dans le bon sens. Nous avons déjà entendu ces arguments, lorsque nous débattions de parité en politique : « Pas trop vite, les institutions ne sont pas prêtes, nous allons décourager des vocations… »

Nous examinons donc un texte limité, et encore amoindri par le débat parlementaire. Disons-le clairement : nous ne sommes pas à la hauteur des enjeux énoncés par l’intitulé de cette proposition de loi.

Pourtant, des enjeux, il y en a, car parler du sport, c’est aussi parler de la société que nous voulons voir advenir, de la manière dont on se comporte avec les autres, des valeurs que l’on partage, de sa santé, de la manière dont on se déplace, dont on vit… Parler du sport, c’est aussi parler de l’environnement dans lequel on le pratique, du partage de l’espace public et des équipements. Parler du sport, c’est enfin parler de celles et de ceux qui le font vivre, de leurs conditions de travail, de bénévolat et de la place de l’éducation dans ce processus.

Mais de tout cela, nous ne parlerons pas aujourd’hui. Pas un mot pour répondre à la colère des professeurs d’éducation physique et sportive (EPS), qui appellent à une revalorisation de leur statut et à une autre approche du sport à l’école. Surtout, un grand vide, voire un grand déni, sur la pratique sportive de demain dans un monde qui s’achemine à grande vitesse vers un climat où la température moyenne aura augmenté de deux, trois, voire quatre degrés, si nous restons sur la trajectoire actuelle de l’inaction gouvernementale.

Cela peut vous sembler une lubie d’écologistes, mais tout cela nous concerne toutes et tous. On ne pratique pas le sport de la même manière quand il fait 20 degrés ou 45 degrés. Comment organiser des matchs de football en extérieur quand il fait 40 degrés à l’ombre et que la pratique sportive est déconseillée au-dessus de 32 degrés ? Non, nous ne défendons pas la solution qatarie, qui consiste à climatiser les stades… Comment assurer l’avenir des sports d’hiver face à la fonte des glaciers et à l’absence de neige à des altitudes de plus en plus hautes ? Comment pérenniser la pratique du sport en intérieur alors que la majorité de nos gymnases ont été construits avant les années 1990 et sont des passoires thermiques ?

Il n’y a là rien d’anecdotique, et beaucoup de sportifs du quotidien, tout comme des sportifs de haut niveau, nous appellent à la mobilisation générale sur ces sujets. Nous proposerons toute une série d’amendements afin que la réduction des impacts environnementaux et la résilience face aux dérèglements climatiques soient inscrites au cœur de nos politiques sportives.

Parce qu’il n’y a pas de démocratisation sans inclusion, nous proposerons également le rétablissement du texte de l’Assemblée nationale pour toutes les mesures allant dans le sens de l’égalité, de l’inclusivité et de l’émancipation par le sport.

Nous proposerons un certain nombre d’amendements afin que les mesures répressives à l’encontre des supporters soient justes, proportionnées et correspondent aux travaux récents des différents acteurs.

Bref, émancipation, égalité et avenir soutenable : voilà les axes de travail que nous proposerons durant nos débats. Quant à notre vote final, il dépendra du sort qui sera réservé à nos amendements, ainsi que de l’ambition que nous aurons peut-être réussi à insuffler à ce texte.

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