Intervention de Brigitte Bourguignon

Réunion du 19 janvier 2022 à 15h00
Renforcement du droit à l'avortement — Discussion générale

Brigitte Bourguignon :

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure – chère Laurence Rossignol –, mesdames, messieurs les sénateurs, nous reprenons aujourd’hui les débats sur ce sujet sensible et éminemment important qu’est le renforcement du droit à l’avortement, même si – et j’anticipe – nos discussions seront probablement abrégées par l’adoption d’une motion présentée par votre commission des affaires sociales.

Les attaques contre le droit à l’avortement dans le monde et sa remise en cause n’ont pas cessé ces derniers mois : aux États-Unis, mais aussi au sein même de plusieurs pays de l’Union européenne. Mais nous fallait-il encore des exemples pour nous rappeler que le droit à l’avortement est loin d’être garanti pour toutes les femmes et que ce droit, chèrement acquis il y a tout juste quarante-sept ans, doit toujours être affirmé, protégé, renforcé ?

En outre, la crise sanitaire que nous traversons nous impose une plus grande vigilance encore pour que les droits sexuels et reproductifs soient garantis et que le droit inaliénable à l’avortement soit pleinement effectif.

Le retour devant votre Haute Assemblée de la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement est l’occasion pour le Gouvernement de réaffirmer son engagement plein et entier à défendre sans relâche le droit des femmes à avorter en toute sécurité, dans le respect de leur choix éclairé par un accès à des informations fiables, objectives et au plus près de leur lieu de vie.

Le ministère des solidarités et de la santé a ainsi porté l’exigence de renforcer sans cesse l’accès à l’offre d’IVG (interruption volontaire de grossesse) en tout point du territoire, afin de ne laisser aucune femme sans possibilité d’exercer son droit.

À cet égard, je souhaite vous indiquer où en sont les engagements qui ont été pris devant la représentation nationale.

Tout d’abord, les délais pour réaliser une IVG médicamenteuse en ville seront prolongés jusqu’à sept semaines de grossesse et le parcours pourra être réalisé en fonction du choix et de l’état de santé des femmes par téléconsultation.

Le ministre des solidarités et de la santé s’était engagé à faire entrer ces mesures dérogatoires prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire dans le droit commun. Le processus est en cours. La Haute Autorité de santé, saisie en septembre 2020, a actualisé ses recommandations en avril 2021 sur le parcours d’IVG médicamenteuse, en confirmant la prolongation des délais et le recours à la téléconsultation.

Le décret d’application est prêt et est examiné en ce moment même par le Conseil d’État ; il devrait donc pouvoir être publié très rapidement.

Les IVG instrumentales en centre de santé peuvent désormais être mises en œuvre, le décret en précisant les conditions ayant été publié en avril dernier.

Le cadre de l’expérimentation pour la réalisation des IVG instrumentales par les sages-femmes en établissement de santé a fait l’objet d’une concertation et a été finalisé avec les professionnels, médecins et sages-femmes.

Le décret d’application a été publié le 31 décembre 2021. Il précise notamment, pour ce qui concerne les sages-femmes, la formation et l’expérience requises, ainsi que l’organisation spécifique exigée des établissements de santé expérimentateurs. Il est accompagné d’un arrêté, qui organise l’appel national à candidatures auprès des établissements de santé volontaires.

Cette démarche doit conduire à la sélection d’une cinquantaine d’équipes et au lancement des tout premiers projets d’ici au milieu de l’année 2022. Elle constitue une étape importante pour poser les bases d’une pratique, qui, sans nul doute, facilitera l’organisation des équipes hospitalières pour répondre aux demandes d’IVG et offrira aux femmes un nouvel interlocuteur dans leur parcours d’IVG.

Dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, le tiers payant intégral obligatoire est dorénavant prévu pour toutes les femmes sur les dépenses prises en charge par l’assurance maladie obligatoire, soit 100 % des frais liés à l’IVG, dans le cadre de forfaits de prise en charge. Au tiers payant s’ajoute la garantie du respect du secret quant à la prise en charge de ces frais pour toutes les femmes.

Dans les deux assemblées, les parlementaires ont également souligné la nécessité de faire progresser l’information et l’éducation à la vie intime et affective, et globalement de promouvoir plus fortement la santé sexuelle.

Le Gouvernement fait pleinement siens ces objectifs. Ainsi, la feuille de route 2021-2024 de déclinaison de la stratégie nationale de santé sexuelle, résultat d’une coconstruction avec l’ensemble des parties prenantes, a été publiée le 1er décembre dernier.

Elle contient un certain nombre d’actions concrètes pour renforcer la promotion, l’information et l’éducation à la santé sexuelle. Il s’agit, par exemple, de la conception et de la diffusion d’outils de promotion de la santé sexuelle accessibles aux publics en situation de handicap et allophones, ou encore du renforcement des connaissances en santé sexuelle des jeunes dans le cadre du service national universel (SNU).

Elle réaffirme la nécessité d’une offre en santé sexuelle à la fois lisible et accessible, en proximité des lieux de vie, et comprend une action dédiée au renforcement de l’accès à l’IVG, car nous devons toujours conforter l’exercice effectif de ce droit en tout point du territoire.

Les premières mesures concrètes ont été adoptées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

Je pense à l’extension de la consultation longue « santé sexuelle » à tous les jeunes jusqu’à 25 ans, pour que la santé sexuelle cesse d’être vue comme une affaire de femmes.

Je pense également à l’accès gratuit à la contraception pour les femmes jusqu’à 25 ans, pour tenir compte des vulnérabilités économiques et sociales des jeunes adultes.

Enfin, je tiens à rappeler la place essentielle de la profession de sage-femme dans nos politiques de prévention et de santé des femmes, mais aussi des hommes.

Qu’il me soit permis, à cet effet, de souligner les avancées de la loi Rist (loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification), grâce à laquelle les sages-femmes peuvent désormais prescrire à leurs patientes et aux partenaires de ces dernières le dépistage et le traitement d’infections sexuellement transmissibles (IST).

Vous le savez, nous avons également signé, en novembre dernier, un protocole d’accord avec la profession des sages-femmes, fruit d’un long travail de concertation. Je le répète : le Gouvernement est fier d’assurer aujourd’hui une reconnaissance tant attendue par les plus de 20 000 représentants de cette profession, pour renforcer comme jamais l’attractivité de ce métier et sa place dans nos politiques publiques, tout particulièrement en santé sexuelle et reproductive.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en décembre 2020, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), que le Gouvernement avait souhaité saisir sur la question de l’allongement du délai légal, qui met en jeu le droit des femmes, leur santé, aussi bien que le rôle des professionnels et l’accès à l’IVG, a rendu son avis. Il rappelle non seulement l’importance des mesures de protection des femmes et de prévention des grossesses non désirées, mais aussi la nécessité de renforcer l’éducation affective, à la santé sexuelle et reproductive.

Le CCNE précise que, si la réalisation des IVG comporte des risques qui augmentent avec l’âge gestationnel, ces derniers sont néanmoins faibles et diffèrent peu entre douze et quatorze semaines de grossesse.

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