Intervention de Olivier Henno

Réunion du 19 janvier 2022 à 15h00
Renforcement du droit à l'avortement — Discussion générale

Photo de Olivier HennoOlivier Henno :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le dimanche 1er juillet 2018, un an après sa mort, Simone Veil entrait au Panthéon.

Cet hommage sonnait comme une évidence : cinquième femme à prendre place dans le sanctuaire de notre République, Simone Veil symbolise évidemment de nombreux combats, notamment pour l’Europe et, bien sûr, pour l’IVG.

Jeune militant centriste dans les années 1980 et Européen convaincu, je me suis souvent engagé à ses côtés.

La loi Veil, relative à l’interruption volontaire de grossesse, a marqué un tournant salutaire pour notre pays et nous sommes les défenseurs de ce droit imprescriptible.

Selon une étude publiée en septembre 2020 par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, en 2019, le taux de recours a atteint 15, 6 IVG pour 1 000 femmes âgées de 15 à 49 ans dans l’Hexagone. C’était là son niveau le plus élevé depuis 1990.

En préparant mon intervention, je me suis interrogé sur les raisons de la croissance du nombre de recours à l’IVG, question qui, je le sais, divise notre hémicycle.

Le recours à l’IVG reste évidemment une question sensible. Les femmes et, le cas échéant, les couples sont souvent placés face à un choix cornélien. Voilà pourquoi – j’en ai la conviction – cette question est naturellement complexe.

J’y insiste : l’interruption volontaire de grossesse n’est jamais un choix facile. Au-delà de l’acte d’avortement, c’est un moment marquant, souvent difficile et subi, dans la vie des femmes concernées.

Majoritairement, ce sont les jeunes qui sont touchées. En effet, 65 % des interruptions volontaires de grossesse concernent des femmes de 19 à 25 ans.

Les jeunes femmes rejettent de plus en plus la pilule et les méthodes de contraception qui ne sont pas naturelles. Elles leur préfèrent le stérilet, et dans l’idéal en cuivre, pour éviter tout traitement hormonal. On observe un véritable phénomène générationnel et un changement des jeunes femmes dans leur rapport à la contraception, qu’il nous faut comprendre et analyser.

Ce phénomène dépasse le seul enjeu du délai dans lequel une interruption volontaire de grossesse est possible. Les moyens que nous mettons en œuvre pour l’accompagnement et la prévention sont insuffisants ; les campagnes d’information ne sont pas assez ambitieuses ; et nous ne parvenons pas à toucher un public parfois distant de nos moyens de communication publics.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 étend le remboursement de la contraception de 18 à 25 ans. C’est une avancée majeure, qui doit modifier notre cadre d’analyse.

Légiférer à nouveau sur ce sujet sans avoir pris le temps d’analyser les effets de cette mesure, sans disposer d’aucun bilan de son impact sur le nombre d’IVG, ou plus précisément sur le nombre de demandes d’IVG hors délai, nous semble prématuré.

Porter le délai d’avortement de douze à quatorze semaines n’est pas un choix anodin. Certes, le CCNE estime « qu’il n’y a pas d’objection éthique à allonger le délai d’accès à l’IVG de deux semaines ». Mais il souligne le caractère singulier de l’IVG, ainsi que « l’importance des mesures de protection des femmes et de prévention des grossesses non désirées ».

À douze semaines et a fortiori à quatorze semaines, le fœtus est plus qu’un simple embryon. À treize semaines de grossesse, le sexe de l’enfant est connu : c’est souvent une étape importante pour les parents.

Selon certains médecins, l’augmentation de la taille du fœtus entre douze et quatorze semaines accroît les risques, notamment d’hémorragie et d’accouchement prématuré lors des grossesses ultérieures. L’Académie nationale de médecine elle-même s’est prononcée contre l’allongement du délai de recours à l’IVG, compte tenu des risques de complications pour les femmes à court et moyen termes.

À mon sens, notre travail doit se concentrer sur le droit en vigueur concernant l’accompagnement des jeunes femmes. Les huit jours qui s’écoulent entre la demande d’IVG et la réalisation sont parfois vécus comme un moment très difficile.

Il faut que la prise en charge des femmes soit mieux assurée dans le délai actuel. De nombreux professionnels ne sont pas formés en conséquence. Ils vont, à tort, culpabiliser les jeunes femmes ou leur montrer les échographies, …

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