Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, notre Haute Assemblée est de nouveau appelée à se prononcer sur le droit à l’avortement. Il s’agit d’un sujet grave et complexe. J’espère donc que nos échanges ne céderont pas aux caricatures.
Le texte que nous allons examiner vise à « renforcer le droit à l’avortement ». Cette formulation est équivoque, et elle peut ainsi être entendue de deux façons.
La première consiste à laisser entendre que le droit à l’avortement a été affaibli. Cela n’a jamais été le cas. Depuis 1975 et l’adoption de la loi Veil, la législation a au contraire évolué afin de faciliter l’accès à l’IVG.
Je pense au remboursement de la procédure, adopté en 1982, à l’allongement du délai d’accès à l’IVG de dix à douze semaines, décidé en 2001, ou encore à l’extension du délit d’entrave à l’IVG, votée en 2017.
La deuxième façon d’entendre le renforcement du droit à l’avortement revient à considérer qu’il est encore possible de faciliter l’accès à l’IVG et de lever certains obstacles.
Cette deuxième acception repose sur l’idée que la loi est encore trop restrictive et que ces restrictions empêchent concrètement certaines femmes d’exercer leur droit.
Cette deuxième acception soulève une question, qui rejoint, au fond, celle que posait déjà Simone Veil lorsqu’elle défendait son projet de loi et qu’elle formulait en ces termes : « Pourquoi légiférer et couvrir ainsi le laxisme de notre société, favoriser les égoïsmes individuels au lieu de faire revivre une morale de civisme et de rigueur ? »
Cette question est grave, et nous devons l’aborder sans juger les femmes qui recourent à l’IVG. En 1975, elles étaient 300 000, chaque année, à enfreindre la loi pour mettre un terme à leur grossesse, en se mettant elles-mêmes en danger.
Aujourd’hui encore, de nombreuses femmes sont contraintes de partir à l’étranger lorsqu’elles ont dépassé le délai légal, pour ne pas enfreindre la loi. Nous ne pouvons l’ignorer.
Sans entrer dans la bataille des chiffres – car il ne s’agit jamais que d’estimations –, nous pouvons nous accorder sur le fait qu’elles sont quelques milliers à le faire chaque année. Ce sont évidemment des milliers de trop. Personne ne peut le nier.
Toutefois, ce chiffre doit être mis en perspective avec le nombre des avortements pratiqués tous les ans en France, autour de 230 000. Cela représente plus d’une grossesse sur quatre. Soyons-en conscients.
« Je le dis avec toute ma conviction : l’avortement doit rester l’exception, l’ultime recours pour des situations sans issue. » Ces mots ne sont pas les miens ; ce sont encore ceux de Simone Veil.
Ce que disent les chiffres que j’ai cités, c’est que les Françaises recourent en grand nombre à l’avortement. C’est leur droit, et nous ne devons pas les juger. Il s’agit néanmoins d’un fait indéniable. C’est pourquoi je ne suis pas sûre qu’il soit nécessaire de renforcer ce droit en augmentant le délai légal – d’autant que le rallongement du délai pose problème sur le plan médical.
Entre douze et quatorze semaines de grossesse, le fœtus commence à se former et l’organogénèse s’accélère. La pratique de l’IVG est plus compliquée, plus risquée aussi, par la dilatation du col et l’éventualité de complications hémorragiques.
La solution n’est certainement pas de contraindre les médecins qui, au regard de leur conscience professionnelle, ne veulent pas pratiquer l’acte. Ce serait même dangereux.
En tout cas, il n’est pas responsable de laisser croire que l’allongement du délai d’accès à l’IVG à quatorze semaines est sans conséquence. Il vaut mieux simplifier l’accès à l’IVG avant la douzième semaine.
Je crois, pour ma part, que la solution réside pour l’heure dans la prévention et l’accompagnement des femmes qui vivent une situation de détresse psychologique. Comme le disait Simone Veil, l’avortement est toujours un drame.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires est unanimement opposé à cette proposition de loi.