Intervention de Mélanie Vogel

Réunion du 19 janvier 2022 à 15h00
Renforcement du droit à l'avortement — Discussion générale

Photo de Mélanie VogelMélanie Vogel :

Franchement, avec des raisonnements pareils, c’est la logique même de notre liberté à disposer de notre corps, sur laquelle est fondé le droit à l’avortement, que vous remettez en cause.

Si la boussole, c’est ce que vous, vous pensez de l’impact d’un avortement, comment fait-on ? Il y a des avortements à quinze semaines qui n’ont pas d’impact négatif et des avortements à deux semaines qui peuvent en avoir. Alors, on fait comment ?

Non, la question qui se pose n’est pas votre avis sur ce que les personnes font de leur corps. Pas du tout. La question qui se pose est celle de savoir comment on améliore l’accès au droit à l’avortement en France.

Il y a encore plus déroutant dans ce débat. Non seulement vous avez une opinion sur ce qui va être le plus traumatisant pour les personnes concernées, mais en plus vous pensez vraiment pouvoir décider qu’un avortement n’aura pas lieu. Vous croyez vraiment que vous avez le pouvoir d’empêcher des personnes d’avoir recours à des avortements quand elles le souhaitent.

Je vais vous dire une chose. Cela va peut-être vous décevoir, mais vous n’avez pas ce pouvoir. De la même manière que, lorsque les avortements sont interdits, il y a non pas moins d’avortements, mais plus d’avortements illégaux, donc dangereux ; quand on interdit l’avortement après douze semaines, les avortements ont quand même lieu, mais ils se font à l’étranger. Le délai légal est de vingt-quatre semaines au Royaume-Uni, de vingt-deux semaines aux Pays-Bas, de dix-huit semaines en Suède, et de quatorze semaines en Autriche et en Espagne. Vous voulez faire quoi ? Fermer les frontières avec ces pays ? Non !

La question n’est donc pas de savoir s’il faut ou non rendre l’avortement possible à quatorze semaines. La question est de savoir si l’on donne aux femmes un accès à l’avortement à quatorze semaines en France, dans de bonnes conditions, moyennant une prise en charge par la sécurité sociale, ou si elles doivent aller avorter seules, aux Pays-Bas, après une nuit passée en bus, sans bénéficier d’aucun remboursement.

Je souhaite dire quelques mots à présent sur la clause de conscience spécifique.

Je suis désolée, mais l’on ne peut pas mettre au même niveau le droit à l’avortement, qui est un droit fondamental, et le droit des personnels soignants à décider des actes qu’ils et elles pratiquent. Ce n’est pas du même niveau.

Quand on a, de par sa fonction, le pouvoir matériel de donner accès à un droit fondamental individuel, ce n’est pas de sa conscience personnelle qu’il s’agit. On exécute la décision d’une personne d’exercer ses droits.

La clause de conscience générale suffit donc largement.

Certes, personne n’avorte par opportunité, par confort ou par envie. Mais l’avortement n’est jamais un problème. L’avortement est une solution à un problème. Les grossesses non désirées, le mauvais accès à la contraception, le manque d’éducation sexuelle, les viols : ils sont là, les problèmes.

Un avortement peut être une épreuve difficile – pas toujours, mais il peut l’être. Ce peut être un choix difficile, mais pas toujours. Très souvent, c’est un choix très facile et très rapide.

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